Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 3 avril 2017 par laquelle le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 42 876 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à raison de l'emploi de trois travailleurs étrangers en situation de travail irrégulier.
Par un jugement n° 1700481 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le13 juin 2018, M. D..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 3 avril 2017 du directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas reçu le courrier du 15 septembre 2016 l'invitant à présenter ses observations sur l'infraction relevée à son encontre, en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- le tribunal a retenu à tort un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité interne d'inexactitude matérielle des faits ;
- l'OFII s'est mépris sur la nature des infractions relevées à son encontre ;
- le juge pénal a classé l'affaire sans suite ;
- le tribunal des affaires sociales de Bastia a annulé le redressement de cotisation sociale notifié par la mutuelle sociale agricole.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 8 décembre 2013, lors d'un contrôle effectué au sein d'un champ de clémentiniers exploité par M. D... situé sur le territoire de la commune de Taglio Isolaccio, les services de gendarmerie ont constaté la présence en situation de travail de huit ouvriers dont trois ressortissants étrangers démunis de titres les autorisant à travailler en France, l'un d'eux étant également dépourvu de titre l'autorisant à séjourner en France. Au vu du procès-verbal établi lors de ce contrôle, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a infligé à M. D..., par une décision du 3 avril 2017, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, à hauteur de 42 876 euros à raison de l'emploi de trois travailleurs étrangers démunis d'autorisation de travail, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 124 euros. M. D... relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans sa demande de première instance, présentée le 20 avril 2017, M. D... n'a invoqué à l'encontre de la décision en litige que des moyens de légalité externe. Dès lors, les moyens de légalité interne tirés de l'inexactitude matérielle des faits et de l'erreur d'appréciation, présentés pour la première fois dans son mémoire enregistré le 4 octobre 2017, après l'expiration du délai de recours contentieux, procèdent d'une cause juridique distincte. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif les a écartés comme irrecevables. Si M. D... fait valoir qu'il n'était pas en mesure de présenter des moyens de légalité interne dans le délai de recours contentieux au motif qu'il n'avait pas eu connaissance du procès-verbal dressé à son encontre le 8 décembre 2013, cette circonstance n'a aucune incidence sur la procédure contentieuse, un requérant pouvant toujours soulever un moyen de légalité interne quelconque à l'encontre de la décision qui lui a été notifiée et qu'il attaque. Au demeurant, ainsi qu'il sera précisé aux points suivants du présent arrêt, il ressort de ses propres observations adressées à l'OFII dans le cadre de la procédure contradictoire préalable, qu'il n'ignorait pas les faits motivant l'application des contributions mises à sa charge. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. L'article L. 8271-17 du code du travail dispose que : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions. ". Aux termes de l'article R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Enfin, l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ".
4. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration précise que les sanctions " ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect de ces dispositions suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande.
5. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 15 septembre 2016, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé M. D... qu'il envisageait de mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile suite au procès-verbal dressé par les services de police lors du contrôle effectué le 8 décembre 2013 établissant l'emploi de trois salariés démunis d'un titre les autorisant à travailler en France. Par le même courrier, il l'invitait à faire valoir ses observations dans le délai de 15 jours. Si M. D... fait valoir que ce courrier ne lui aurait pas été notifié, en invoquant le fait que la signature figurant sur l'avis de réception diffèrerait de sa propre signature, toutefois, lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. En se bornant à soutenir que la signature portée sur l'accusé de réception n'est pas la sienne, mais celle d'un tiers non habilité, sans apporter aucune précision sur l'identité de ce tiers et sans fournir la liste des personnes qui, même non expressément habilitées, auraient néanmoins eu qualité pour signer un tel avis, il ne peut être regardé comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli. Au demeurant, il résulte de l'instruction que par lettre du 21 septembre 2016 dont l'objet reprend le numéro du dossier mentionné dans le courrier du 15 septembre 2016, M. D... a contesté l'application des sanctions envisagées. M. D... a ainsi été informé, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et a été mis à même d'avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus à son encontre. Par suite, la procédure contradictoire n'a pas été, en l'espèce, méconnue.
6. M. D... soulève dans sa requête devant la Cour, des moyens de légalité interne tirés de l'absence de matérialité des faits sur lesquels repose la décision en litige et l'absence de poursuites judiciaires intentées à son encontre. Toutefois ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, ne sont pas recevables dès lors qu'ils se rattachent à une cause juridique différente de celle dont relèvent les moyens de légalité externe soulevés dans le délai de recours contentieux devant le tribunal.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2017 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juin 2020.
N° 18MA02744
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