Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, l'a assigné à résidence et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 1804787 du 13 novembre 2018, le président délégué du tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions de la requête de M. A... dirigées contre l'arrêté du 30 octobre 2018 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire sans délai, fixe le pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour de trois ans et l'assigne à résidence.
Par une ordonnance n° 1804787 du 13 février 2019, le président du tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions de la requête de M. A... contre l'arrêté du 30 octobre 2018 en tant qu'il rejette sa demande de renouvellement de titre de séjour.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 5 mars 2019, sous le n° 19MA01062, M. A..., représentée par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 13 février 2019 du président du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 en tant qu'il porte refus de renouvellement de son titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le président du tribunal administratif, sa demande n'était pas tardive dès lors que, l'arrêté contesté du 30 octobre 2018 ne lui ayant pas été notifié par voie administrative, ainsi que l'impose le II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de recours contentieux de quarante-huit heures prévu par ces dispositions ne lui était pas opposable ;
- le président du tribunal administratif ne pouvait légalement revenir par voie d'ordonnance sur le jugement du 13 novembre 2018 prononçant le renvoi de l'affaire à la formation collégiale pour statuer sur la légalité de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ;
- il n'est nullement responsable de l'incident qui s'est produit en préfecture lors du dépôt de sa demande de titre de séjour et qui a conduit à son éviction des lieux ; cet incident n'est pas de nature à caractériser une menace grave à l'ordre public au sens de la loi ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est marié depuis 2013 avec une ressortissante angolaise, titulaire d'une carte de résident en cours de validité avec laquelle il vit depuis 2009 et qu'il subvient aux besoins de son fils Malik issu de ce mariage et du fils de son épouse ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2019, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
II. Par une seconde requête, enregistrée le 22 mars 2019, sous le n° 19MA01340, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 13 février 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution de l'ordonnance attaquée risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens énoncés dans sa requête sont sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2019, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas sérieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes n° 19MA01062 et n° 19MA01340, qui sont présentées par le même requérant, sont relatives à la même ordonnance et à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. M. A..., de nationalité sénégalaise, né le 5 février 1983 à Kaolack (Sénégal), relève appel de l'ordonnance du 13 février 2019 du président du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui renouveler son titre de séjour et demande à la Cour de surseoir à l'exécution de cette ordonnance.
Sur la requête n° 19MA01062 :
3. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " II. - Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément ".
4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que lorsque l'autorité administrative oblige un étranger à quitter sans délai le territoire français, le délai pour contester cette décision ainsi que les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément, est de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative.
5. La notification par lettre recommandée avec avis de réception d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ne présente pas les mêmes garanties que sa notification par voie administrative, nécessairement effectuée selon des modalités permettant de s'assurer que l'étranger a eu connaissance personnellement de la mesure d'éloignement, ce qui permet de mieux garantir son droit à un recours effectif contre cette mesure mais également la décision relative au séjour. Il suit de là que la notification de l'arrêté du 30 octobre 2018 par lettre recommandée avec avis de réception et non par voie administrative comme le prévoient les dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pu faire courir le délai de recours contentieux de quarante-huit heures prévu par ces dispositions. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Nice a accueilli la fin de non-recevoir tirée en première instance par le préfet des Alpes-Maritimes de l'expiration de ce délai à la date d'enregistrement de la demande. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée, cette dernière doit être annulée.
6. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur cette demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 octobre 2018 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 7°. A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
8. Le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de M. A... de renouvellement de son titre de séjour venu à expiration le 27 juillet 2018 au motif que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration oppose ce motif pour refuser de faire droit à une demande de délivrance d'un titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
9. Il ressort des pièces du dossier qu'il est reproché à M. A..., lorsqu'il s'est présenté le 27 juillet 2018 au guichet d'accueil des étrangers de la préfecture des Alpes-Maritimes, de ne pas s'être muni d'un ticket, d'avoir dépassé la file d'attente, de n'avoir pas obtempéré aux injonctions des deux agents de sécurité, de les avoir insultés et menacés et d'avoir empoigné l'un deux, lui occasionnant une griffure. Selon le préfet, cet incident a choqué les agents de la préfecture présents et conduit à leur retrait des guichets, occasionnant un second trouble au sein de la préfecture, les usagers, contraints de se représenter ultérieurement, contestant eux-mêmes avec virulence les conséquences d'un acte isolé sur la majorité d'entre eux. Pour ces faits, M. A... a été interpellé par les services de police et placé en garde à vue. A l'issue de cette garde à vue il s'est vu remettre une convocation par officier de police judiciaire pour des faits de " menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un chargé de mission de service public " ainsi que pour des faits de " violence sur une personne chargée de mission de service public sans incapacité ". Par jugement du tribunal de grande instance de Nice du 24 janvier 2019, M. A... a été déclaré coupable de ces faits et condamné au paiement de quarante jours d'amende d'un montant unitaire de dix euros. Toutefois ces faits et la condamnation qui en découle ne sauraient caractériser à eux seuls une menace à l'ordre public. Si le comportement de M. A..., irrité par les conditions d'accueil au sein de la préfecture, a constitué un trouble, l'ordre d'évacuation de la salle, alors que cette mesure n'était pas justifiée par la nécessité de maintenir l'ordre public, ne lui est pas imputable. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a fait l'objet d'aucune condamnation pour un crime ou un autre délit. Par suite, il résulte de l'ensemble de ces circonstances que le comportement de l'intéressé ne présentait pas une menace pour l'ordre public, au sens et pour l'application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifiant, par elle-même, qu'un titre de séjour lui soit refusé. Dès lors M. A... est fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 28 septembre 2004 sous couvert d'un visa long séjour portant mention " étudiant " pour y suivre des études d'économie-gestion et a été mis en possession d'un titre de séjour jusqu'en septembre 2007. Il est marié depuis le 22 avril 2013 à Nice avec une ressortissante angolaise titulaire d'une carte de séjour valable jusqu'en 2022 avec laquelle il vit depuis 2009 et subvient au besoin de son fils Malik né le 31 juillet 2011 à Nice scolarisé au CP ainsi qu'aux besoins et à l'éducation d'Adrien, le fils de son épouse âgé de 17 ans, scolarisé en classe de terminale et dont le père est décédé. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme ayant établi en France, à la date de la décision attaquée, une vie familiale suffisamment stable, ancienne et intense. Par suite, il est fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
13. La décision querellée a pour effet de couper le lien et la vie commune entre son enfant et l'un de ses deux parents, la cellule familiale ne pouvant être reconstituée dans leurs pays d'origine respectifs, de sorte que M. A... est également fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
14. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... doit être annulé.
Sur la requête n° 19MA01340 tendant au sursis à exécution de l'ordonnance contestée :
15. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation de l'ordonnance contestée, la requête tendant au sursis à exécution de cette ordonnance est devenue sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
16. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
17. Eu égard aux motifs d'annulation qui le fondent, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A.... Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de l'intéressé une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 19MA01340 de M. A....
Article 2 : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 13 février 2019 et l'arrêté du 30 octobre 2018 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2020.
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N° 19MA01062, 19MA01340
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