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19/03/2020 | FRANCE | N°19MA05010

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 mars 2020, 19MA05010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 5 avril 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, et interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1901548 du 30 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2019 sous le numéro 19MA0

5010, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 5 avril 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, et interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1901548 du 30 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2019 sous le numéro 19MA05010, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 5 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le premier juge a commis une erreur de droit au regard de la contribution à l'entretien de ses enfants ;

- le refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivé et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'erreur d'appréciation ;

- il justifie de circonstances humanitaires qui aurait dû conduire le préfet à ne pas prononcer l'interdiction de retour ;

- l'interdiction de retour l'empêche de régulariser sa situation notamment au regard du regroupement familial et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

L'aide juridictionnelle a été refusée à M. D... E... par une décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative au droit de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 5 avril 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, et interdiction de retour d'une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme des libertés fondamentales en relevant l'absence d'éléments suffisants établissant une vie commune avec Mme C... F..., l'absence d'éléments suffisants établissant la participation à l'éducation et l'entretien des enfants de celle-ci ou encore le caractère récent de leur union.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Si M. E... soutient résider en France depuis l'année 2012, il n'en rapporte pas la preuve. Il ressort des pièces du dossier qu'il est marié avec une compatriote tunisienne depuis le 15 décembre 2018, soit de manière très récente. Les pièces produites ne permettent pas de démontrer une vie commune avec son épouse avant cette date, ni l'implication de l'intéressé dans l'éducation et l'entretien des deux premiers enfants de Mme C... avant cette date. En outre, l'enfant issue de l'union de M. E... et Mme C... n'est né que postérieurement à la décision en litige. Egalement, l'intéressé n'établit aucune insertion professionnelle et ne conteste pas ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Aussi, et bien que la cellule familiale ne pourrait que difficilement se reconstituer immédiatement dans le pays d'origine dès lors que Mme C... est titulaire d'un titre de résident et habite avec deux enfants issus d'une précédente union, c'est sans commettre d'erreur de droit que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a considéré que le préfet n'avait pas porté d'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé ni méconnu les stipulations précitées.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité pour les motifs exposés au point 4 du présent arrêt, eu égard notamment au caractère récent du mariage et de la vie familiale de l'intéressé.

7. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, la décision en litige indique que l'intéressé ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il se maintient de manière irrégulière en France sans avoir entrepris de démarches en vue de régulariser sa situation administrative, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il existe ainsi un risque qu'il se soustrait à la mesure d'éloignement, justifiant qu'aucun délai de départ ne lui soit accordé sur le fondement de l'article L. 511-1 II 3e du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision est ainsi suffisamment motivée.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Comme il a été dit au point précédent, M. E... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité de titre de séjour et ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Aussi, les circonstances que l'intéressé soit marié, justifie d'un domicile de manière récente et que son épouse attende un enfant, ne sont pas de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.

10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, la décision, qui vise les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'intéressé, qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, ne démontre pas avoir résidé en France depuis 2012, ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, dispose de fortes attaches en Tunisie et ne démontre ainsi pas de circonstances humanitaires faisant obstacle à l'interdiction de retour. La décision est donc suffisamment motivée.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-12 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. ".

13. Les circonstances, à les supposer établies, que M. E... résiderait en France depuis 2012 et s'occuperait des enfants de sa compagne, et les circonstances qu'il justifierait de garanties de représentation et qu'il est marié à une compatriote, ne sauraient démontrer l'existence de " circonstances humanitaires " au sens des dispositions précitées. En outre, l'interdiction de retour étant limitée à une durée d'un an, rien ne fait obstacle à ce que les époux demandent, à l'issue de ce délai, à bénéficier de la procédure de regroupement familial.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté sa requête.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par M. E..., il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. L'Etat n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. E... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2020 où siégeaient :

- M. Poujade président,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mars 2020

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N° 19MA05010

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05010
Date de la décision : 19/03/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-19;19ma05010 ?
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