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19/03/2020 | FRANCE | N°18MA01685

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 mars 2020, 18MA01685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Galico a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2015 par lequel le maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1601822 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2018, la SNC Galico, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler

le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Galico a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2015 par lequel le maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1601822 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2018, la SNC Galico, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2015 par lequel le maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif.

La société soutient que :

- les travaux n'étaient pas achevés à la date de demande du permis modificatif ;

- les modifications demandées ne bouleversent pas l'économie générale du projet ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles NAF 11 du règlement du plan d'occupation des sols et R. 111-21 du code de l'urbanisme.

La commune de Châteauneuf-le-Rouge, représentée par Me C..., a produit un mémoire en défense le 25 avril 2019 par lequel elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le tribunal a omis de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;

- les travaux étaient achevés ;

- le permis bouleverse l'économie générale du projet ;

- le projet méconnaît les dispositions des articles NAF 11 du règlement du plan d'occupation des sols et R. 111-21 du code de l'urbanisme.

Par lettre du 24 janvier 2020, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la Cour est susceptible de faire usage de ses pouvoirs d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et d'ordonner la délivrance du permis de construire modificatif dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.

La commune de Châteauneuf-le-Rouge, représentée par Me C..., a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public le 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant la SNC Galico.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Galico relève appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête en annulation dirigée contre l'arrêté du 4 septembre 2015 par lequel le maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, un permis de construire modificatif portant sur une modification de la construction ayant auparavant fait l'objet d'un permis de construire ne peut être légalement délivré que lorsque les transformations prévues, rapportées à l'importance globale du projet tel qu'il a été initialement autorisé, n'en altèrent pas la conception générale.

3. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire initial délivré le 7 juin 2011 portait sur l'extension de l'hôtel restaurant de La Galinière avec la création d'une surface de plancher nouvelle de 2 156 m². Le permis modificatif porte sur la modification de l'emplacement du parking et des modifications architecturales (ajout d'une fenêtre, implantation de fenêtres pleines en vitres au lieu de fenêtres à carreaux et remplacement du parement de pierre vertical jusqu'aux tuiles de rive par un parement de pierres posées en embase sur le pignon sud, remplacement du parement en pierres en plaques collées sur l'ensemble de la façade, réduction des deux tiers de la surface initiale de la surface vitrée de la cage d'ascenseur sur la façade ouest, et suppression totale de l'appareillage en pierres apparentes en façade nord). Ces modifications limitées de l'aspect extérieur sont sans incidence sur la conception générale du projet. C'est donc à bon droit que le tribunal a censuré le premier motif de refus opposé par la commune.

4. En deuxième lieu et d'une part, aux termes de l'article NAF 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Châteauneuf-le-Rouge: " Par leur aspect extérieur, les constructions et autres occupations du sol ne doivent pas porter atteinte au caractère architectural ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels. En outre, dans le secteur NAF4, toutes écritures architecturales et paysagères importées sont proscrites. Les proportions et matériaux seront de références locales. Une " écriture contemporaine " peut être admise si elle suit une logique de discrétion. Les travaux de terrassements liés à l'aménagement des terrains (pour la construction et les aménagements, les voies de circulation et les aires de stationnement) seront limités au strict nécessaire. Le terrain sera laissé en l'état initial (naturel ou terroir) chaque fois que ce sera possible. La logique constructive privilégiera, tant pour les réhabilitations que pour les constructions nouvelles, des solutions adaptées au climat (avancées de toiture en protection contre la chaleur, etc.). Les teintes en façade seront inspirées des coloris naturellement présents dans l'environnement de la construction... ". Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

5. D'autre part, les dispositions de l'article NAF 11 du règlement du plan d'occupation des sols de Châteauneuf-le-Rouge ont le même objet que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, et posent des exigences qui ne sont pas moindres que celles résultant de l'article R. 111-21. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que doit être appréciée la légalité d'une autorisation d'urbanisme. En outre, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'église et la mairie de Châteauneuf-le-Rouge, qui ne sont pas situées à proximité de l'hôtel, ne peuvent être prises en compte pour apprécier la qualité du site sur lequel la construction est projetée. L'environnement immédiat du projet est composé de l'hôtel existant, anciennement le Relais de la Poste, composé de bâtiments présentant en partie des pierres apparentes, ainsi que, de l'autre côté de la route départementale, du caveau du Château de La Galinière, composé d'un bâtiment en pierre apparente mais aussi d'un bâtiment moderne aux finitions brut couleur béton. Ces ensembles sont situés le long de la route départementale 7, à l'extérieur du bourg, sur les contrebas de la barre du Cengle et de la montagne Sainte-Victoire. Le permis modificatif prévoit, outre quelques modifications sur les ouvertures, la réduction de la surface des parements en pierre initialement prévus sur l'extension de l'hôtel pour réaliser des façades mêlant pierres apparentes et enduits. Ces modifications, qui laissent subsister un habillage en pierres apparentes sur une partie de l'hôtel, ne remettent pas en cause l'unité architecturale et paysagère du site et ne portent pas d'atteinte excessive à l'intérêt des lieux avoisinants. Dans ces conditions, la société est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la commune n'avait pas commis d'erreur d'appréciation sur ce point.

7. En troisième lieu, la commune de Châteauneuf-le-Rouge soutient que le permis de construire ne pouvait être délivré au motif que les travaux étaient achevés à la date de la demande, et doit être regardée comme sollicitant une substitution de motif. Il ressort des pièces du dossier qu'un arrêté interruptif de travaux avait été pris le 20 mai 2015, après qu'un agent assermenté ait relevé qu'il existait sur le terrain une construction non achevée le 18 mai 2015. Le retrait de cet arrêté le 1er septembre 2016, plus d'un an après ce constat, au motif que les travaux étaient " en cours d'achèvement ", ne peut, en l'absence de tout autre élément, suffire à établir que les travaux étaient achevés à la date de délivrance du permis de construire modificatif, le 4 septembre 2015. Dans ces conditions, la commune de Châteauneuf-le-Rouge n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la demande de substitution de motif sollicitée.

8. En quatrième lieu, si la commune soutenait également en première instance que la société ne pouvait pas régulariser les travaux non conformes par le biais d'un permis modificatif, un permis de construire modificatif peut être demandé, précisément, pour régulariser des travaux non conformes. Il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter cette demande de substitution de motif.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 4 septembre 2015 par lequel le maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif et à demander l'annulation de cet arrêté.

Sur l'injonction :

10. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ou peut d'office, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.

11. D'une part, en application de l'article L. 600-2 précité, la commune de Châteauneuf-le-Rouge ne pourrait refuser la demande de permis de construire modificatif sur le fondement des dispositions du plan local d'urbanisme adopté le 24 octobre 2019, intervenue postérieurement à la date de la décision annulée. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction qu'une disposition du règlement du plan d'occupation des sols de Châteauneuf-le-Rouge en vigueur à la date de la décision annulée ferait obstacle à ce qu'il soit fait injonction au maire de la commune de délivrer à la SNC Galico l'autorisation de construire sollicitée dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt. Enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la situation de fait existant à la date de l'arrêt s'y opposerait. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge de délivrer à la SNC Galico l'autorisation de construire sollicitée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. La SNC Galico n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune de Châteauneuf-le-Rouge présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge du 4 septembre 2015 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Châteauneuf-le-Rouge de délivrer à la SNC Galico le permis de construire modificatif sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Châteauneuf-le-Rouge présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Galico et à la commune de Châteauneuf-le-Rouge.

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N° 18MA01685

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01685
Date de la décision : 19/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Régime d'utilisation du permis. Permis modificatif.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : DRAGON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-19;18ma01685 ?
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