Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner le centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son administration et, d'autre part, d'annuler la décision du 16 mai 2018 du directeur dudit centre hospitalier refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle est atteinte et d'enjoindre au directeur de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1704478, 1805560 du 3 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint les deux demandes de Mme B..., a annulé la décision du 16 mai 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, a enjoint à cette autorité de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, la situation de Mme B... à cet égard et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2019 et le 31 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire ;
2°) de condamner le centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque à lui verser la somme de 30 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa dépression par épuisement professionnel démontre l'existence d'un harcèlement moral ;
- la surcharge de travail a impacté son état de santé ;
- sa progression de carrière a été freinée et l'octroi d'indemnités et de primes refusé ;
- les cotisations patronales pour l'année 2013 n'ont pas été versées auprès de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
- son compte épargne temps et son solde de congé n'ont pas été gérés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2019, le centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjoint des cadres de la fonction publique hospitalière en poste au centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque depuis le 1er juin 2003, relève appel du jugement du 3 décembre 2018 en tant que par celui-ci, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de ce centre hospitalier à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime de la part de son administration.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Le juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. En premier lieu, si Mme B... invoque une surcharge de travail ainsi qu'une ambiance délétère, qui engendrent un stress permanent et ont conduit à sa dépression et à son " burn out ", il résulte de l'instruction que les missions qui lui ont été confiées lors de son affectation dans le secteur de la formation continue, tout comme ses horaires de travail, correspondent à la fiche de poste produite par le centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque. Par ailleurs, ce secteur a toujours été occupé par un seul agent et le retard dans le traitement des dossiers auquel elle soutient avoir dû faire face lors de sa prise de fonctions n'est établi par aucune des pièces qu'elle produit, pas plus que la nécessité de réorganiser ce secteur en raison de la situation d'abandon dans lequel il se trouvait selon elle. L'isolement dont elle fait état ne résulte pas davantage de l'instruction alors que le secteur dans lequel elle est affectée est rattaché au service de la direction des ressources humaines et que le poste en cause a toujours été, comme indiqué plus avant, géré par un seul agent. La requérante ne produit pas plus en appel qu'en première instance d'élément susceptible d'établir le caractère excessif de sa charge de travail ni les difficultés qu'elle a rencontrées avec sa hiérarchie.
5. En deuxième lieu, l'absence de réponse de l'administration à ses nombreux courriers et l'absence de soutien de sa hiérarchie ne sont pas susceptibles de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait été victime dès lors que son positionnement et son activité ont été modifiés de façon favorable au mois de juin 2015, que l'intéressée a pu évoquer son état de santé avec la directrice des ressources humaines qui l'a en outre accompagnée au mois d'octobre 2015 pour formuler une demande de détachement auprès du ministère des finances et des comptes de l'action publique et qu'elle a bénéficié de nombreux congés pour participer à des championnats de natation en 2014 ainsi qu'à un aménagement de ses horaires de travail pour s'entraîner en 2013 et à des multiples congés de formation de 2013 à 2016. Si Mme B... soutient qu'elle est victime d'un blocage de carrière, il résulte de l'instruction qu'elle a été promue au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe supérieure le 1er juin 2015 lorsque le premier tableau d'avancement depuis 2012 a pu être établi et ne démontre ni qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'un avancement en 2003 et en 2011, ni qu'elle aurait dû être promue au grade d'adjoint des cadres de classe exceptionnelle en 2017 à la place d'un collègue ayant plus d'ancienneté qu'elle dans le grade d'adjoint des cadres de classe supérieure.
6. En troisième lieu, contrairement à ce que Mme B... soutient, le centre hospitalier n'a pas omis de déclarer en 2013 les cotisations patronales auprès de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Elle n'établit pas non plus la carence de l'administration dans la gestion de son compte épargne temps et de son solde de congé. En outre, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la prime des régisseurs ne lui aurait pas été versée en 2011 ni qu'elle pouvait prétendre à son versement en 2012 et 2013 après son affectation au secteur de la formation continue. Elle ne justifie pas davantage qu'elle remplissait les conditions pour percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires au taux maximum à compter de 2010 ni la nouvelle bonification indiciaire en 2007.
7. Enfin, le refus opposé par le directeur du centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque de reconnaître l'imputabilité au service de la dépression de la requérante n'est pas constitutif en lui-même de harcèlement moral.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, pris ensemble ou isolément, les agissements que Mme B... impute à son administration ne peuvent être regardés comme excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ni, par suite, que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal a, pour refuser de lui accorder les indemnités qu'elle réclamait, retenu que de tels agissements n'étaient pas susceptibles de faire présumer l'existence, à son égard, d'un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande indemnitaire.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera au centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier Louis Raffalli de Manosque.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme E..., présidente-assesseure,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 mars 2020.
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N° 19MA00548
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