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05/03/2020 | FRANCE | N°18MA02690

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 05 mars 2020, 18MA02690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL PROGECO a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat et la commune de Colomars à lui verser la somme de 492 438,49 euros en réparation du préjudice subi à raison du retrait illégal d'un permis de construire.

Par un jugement n° 1603609 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2018, la SARL PROGECO, représentée par Me A..., demande à la Cour :

- d'annul

er le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 avril 2018 ;

- de faire droit à sa demande d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL PROGECO a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat et la commune de Colomars à lui verser la somme de 492 438,49 euros en réparation du préjudice subi à raison du retrait illégal d'un permis de construire.

Par un jugement n° 1603609 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2018, la SARL PROGECO, représentée par Me A..., demande à la Cour :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 avril 2018 ;

- de faire droit à sa demande de première instance ;

- de mettre à la charge des défendeurs une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le retrait illégal d'un permis de construire constitue une faute ;

- l'annulation du retrait du permis de construire n'a pas effacé le préjudice de la requérante car elle n'a plus la maîtrise du terrain d'assiette du projet et elle ne peut plus mettre en oeuvre son projet ;

- l'obligation où elle s'est trouvée de licencier deux salariés est consécutive à la détérioration de sa trésorerie résultant de l'abandon du projet immobilier de Colomars ;

- A tout le moins, elle est fondée à demander réparation du préjudice découlant de la faute ayant consisté à lui délivrer un permis de construire illégal et dont elle justifie.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL PROGECO a obtenu le 24 septembre 2013 un permis de construire tacite délivré au nom de l'Etat pour la construction d'un immeuble de huit logements pour une surface de plancher de 497,46 m² sur le territoire de la commune de Colomars, 12 rue Jean-Baptiste-Augier. Le 3 décembre 2013, le maire de la commune de Colomars, agissant au nom de l'Etat, a retiré le permis de construire tacite et a accordé à la SARL PROGECO un permis de construire au nom de l'Etat. Par arrêté du 27 février 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a retiré l'arrêté du 3 décembre 2013 et refusé le permis de construire. Par un jugement du 16 février 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 27 février 2014 en raison de la méconnaissance de la procédure contradictoire et d'une insuffisance de motivation. La SARL PROGECO a demandé au tribunal administratif de Nice la condamnation de la commune de Colomars et de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retrait illégal du permis de construire et de la délivrance d'un permis de construire illégal. Par un jugement du 10 avril 2018, dont la requérante relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'un vice de forme ou de procédure, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu être prise, dans les circonstances de l'espèce, dans le respect des règles de forme et de procédure requises. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait pu être prise dans le respect de ces règles, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe des vices qui entachaient la décision administrative illégale.

3. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

4. La SARL PROGECO ne conteste pas que l'arrêté du 1er décembre 2013 par lequel lui avait été délivré un permis de construire était illégal en raison de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Colomars applicables dans le secteur UC et relatives à la hauteur des constructions et à l'aspect des toitures. Les préjudices dont elle fait état et consécutifs au retrait de ce permis de construire, tenant à la perte de bénéfices sur l'opération immobilière envisagée à Colomars, à la diminution de l'activité de l'entreprise et au coût de licenciement de deux salariés, ne peuvent être regardés comme la conséquence directe de la méconnaissance de la procédure contradictoire et de l'insuffisance de motivation dont est entachée la décision de retrait du 24 février 2014, que l'administration aurait pu prendre légalement en l'absence de ces vices de forme et de procédure, en raison de l'illégalité du permis de construire.

5. En deuxième lieu, le maire de la commune de Colomars, agissant au nom de l'Etat, a commis une faute en délivrant à la requérante un permis de construire illégal. La SARL PROGECO fait valoir que les frais engagés pour l'obtention du permis de construire l'ont été en vain, car le compromis de vente relatif au terrain d'assiette de son projet est devenu caduc. Toutefois, cette circonstance ne trouve pas son origine dans la délivrance d'un permis de construire illégal mais dans le retrait de ce permis de construire. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'administration aurait pu légalement retirer le permis de construire en raison de son illégalité. En l'absence de lien de causalité entre la délivrance fautive du permis de construire illégal et les frais liés à l'obtention de cette autorisation, la SARL PROGECO n'est pas fondée à demander réparation du préjudice correspondant à ces frais.

6. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Colomars, qui ne sont pas partie perdante, la somme que demande la requérante sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL PROGECO est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL PROGECO, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Colomars.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, où siégeaient :

- M. Poujade président,

- M. B..., président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2020.

4

N°18MA02690

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02690
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : AONZO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-05;18ma02690 ?
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