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03/03/2020 | FRANCE | N°18MA05321

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 03 mars 2020, 18MA05321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Carpentras à lui verser la somme de 65 000 euros et d'enjoindre à la commune de Carpentras de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 1602784 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 décembre 2018 et le 29 octobre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 octobre 2018 ;

2°) de condamner la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Carpentras à lui verser la somme de 65 000 euros et d'enjoindre à la commune de Carpentras de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 1602784 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 décembre 2018 et le 29 octobre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 octobre 2018 ;

2°) de condamner la commune de Carpentras à lui verser la somme de 65 000 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) d'enjoindre à la commune de Carpentras de reconstituer sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Carpentras une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, assortie des intérêts au taux légal.

Il soutient que :

- il est victime de harcèlement moral depuis le 1er octobre 2014, à la suite de la réorganisation des services ;

- le harcèlement moral qu'il a subi, qui a le caractère d'une faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service, ainsi que la méconnaissance, par l'administration qui n'a pas assuré sa sécurité physique et mentale, du protocole d'accord du 22 octobre 2013 rendant applicable à la fonction publique les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, constituent des fautes engageant la responsabilité de la commune ;

- son affectation au poste de " chef d'équipe " de la brigade de jour était irrégulière dès lors qu'il n'avait pas le grade permettant d'exercer cette fonction, qui lui a été confiée dans le seul but de le mettre en difficulté ;

- le préjudice moral est caractérisé et doit être indemnisé à hauteur de 50 000 euros ;

- le préjudice matériel est constitué de nombreuses pertes de revenus en raison de ses arrêts de maladie ;

- les troubles dans les conditions de l'existence doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros ;

- il a subi un préjudice de carrière qui doit, d'une part, être indemnisé à hauteur de 5 000 euros, et, d'autre part, doit être réparé par une reconstitution de carrière.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 mai 2019 et le 4 décembre 2019, la commune de Carpentras représentée par la SCP Monceaux-Favre de Thierrens-Barnouin Thévenot-Vrignaud, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la réduction des demandes de M. B... et en tout état de cause, à la mise à la charge de celui-ci de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les créances dont se prévaut M. B... pour des faits antérieurs à l'année 2012 sont prescrites ;

- la commune n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

- les demandes indemnitaires de M. B... sont trop élevées.

Par ordonnance du 5 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., policier municipal, exerce les fonctions de brigadier de police au sein de la police municipale de Carpentras (Vaucluse) depuis le 1er janvier 2013. Il a demandé au maire de la commune de Carpentras, par lettre du 25 avril 2016, reçue le 9 mai 2016, l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont il serait victime depuis le 1er octobre 2014. Du silence gardé par l'administration sur sa demande indemnitaire préalable est née, le 9 juillet 2016, une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement du 18 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices et à la reconstitution de sa carrière.

Sur les demandes indemnitaires, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

4. En premier lieu, M. B... soutient qu'il est victime de harcèlement moral depuis le 1er octobre 2014, date à laquelle, dans le cadre de la réorganisation des services de la police municipale de la commune de Carpentras, il a été affecté à la brigade de jour en position de chef d'équipe. Il soutient que cette affectation, dans une fonction qui ne correspondait pas à son grade dès lors qu'il n'est que brigadier et non brigadier-chef, n'a d'autre finalité que le déstabiliser, que ses conditions de travail sont dégradées dès lors que les missions confiées à la brigade de jour sont humiliantes et donnent lieu à des quolibets de la part de collègues, que ses horaires de présence, constamment surveillés, et ses jours de présence, en particulier un samedi sur deux, emportent des contraintes excessives, que son affectation à la surveillance vidéo et son interdiction de voie publique faute d'autorisation de port d'arme constitue une " mise au placard ". Il soutient en outre que les missions de l'équipe qu'il dirige se déroulent dans des conditions dégradées, notamment du fait de la longueur des patrouilles à pied, du fait de l'impossibilité d'utiliser des véhicules motorisés, dont la brigade de jour n'a pas été pourvue, ainsi que de l'obligation de travailler par tous les temps sans protection adéquate contre le vent et la pluie.

5. Il ne résulte pas de l'instruction que l'affectation de M. B... ait été décidée dans l'intention de lui nuire, dès lors qu'au contraire, il a été placé en position de " chef d'équipe " du fait de ses qualités professionnelles, de son excellente notation et de son expérience antérieure de gendarme. Par ailleurs, les missions effectuées par la brigade de jour ne sauraient être regardées comme humiliantes et dégradantes dès lors qu'elles correspondent aux missions d'agents de la police municipale et M. B... n'établit pas que les agents de la brigade de jour, quand bien même ils se déclarent collectivement insatisfaits par les missions qui leurs sont confiées, seraient la cible de propos ou d'attitudes désobligeantes des agents des autres brigades ou de sa hiérarchie. Il n'établit pas davantage qu'il serait interdit de voie publique, que ses horaires de travail et les jours de présence qui lui sont imposées dépassent les contraintes normales de son poste, ou encore que la circonstance qu'une partie de ses missions consiste à effectuer, seul, l'activité de surveillance vidéo serait comparable à une " mise au placard ", dès lors que cette activité, à laquelle il n'est pas exclusivement dédié, fait partie des attributions qui peuvent lui être confiées aux termes de sa fiche de poste. Enfin, il résulte de l'instruction d'une part, que M. B..., comme l'ensemble des membres de son équipe, a été pourvu de tous les équipements nécessaires pour remplir sa mission, en particulier des vêtements permettant de se protéger du froid et de la pluie, et, d'autre part, que le défaut d'affectation d'un véhicule à la brigade de jour, compte tenu de sa mission principale à la surveillance de centre-ville, n'a pas pour autant pour effet de priver les agents de cette brigade de la possibilité d'utiliser les véhicules de service de la police municipale, en particulier en cas de mauvaises conditions climatiques ou lors des services du samedi.

6. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la baisse de la notation de M. B..., de " très bon " à " bon " en 2015, après son affectation à la brigade de jour en position de chef d'équipe, serait imputable à une quelconque animosité de sa hiérarchie à son encontre. S'il soutient, sans l'établir au demeurant, qu'il lui a été reproché une notation trop généreuse de ses subordonnés, il ressort de sa fiche d'évaluation que son sérieux et le bilan positif de son activité ont été soulignés, même s'il lui a été recommandé d'améliorer sa méthode de management et de poursuivre son adaptation à ses nouvelles fonctions de responsable d'équipe.

7. En troisième lieu, si M. B... fait valoir qu'il a été placé en arrêt maladie du 8 juin au 28 août 2015, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir qu'il serait victime de harcèlement moral.

8. Il résulte des points 4 à 7 que les éléments de fait invoqués par M. B... ne sont pas, qu'ils soient pris isolément ou ensemble, de nature à faire présumer l'existence d'agissements par la commune de Carpentras, constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

9. Par ailleurs, il ne peut être déduit des difficultés relationnelles et des conflits survenus sur les lieux ou à l'occasion du service entre différents agents et leur hiérarchie, ainsi qu'aux difficultés spécifiques inhérentes aux agents chargés du maintien de l'ordre que les services de la commune de Carpentras auraient méconnu leurs obligations en matière de protection de la sécurité physique et mentale des agents en général et de M. B... en particulier.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Carpentras n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à solliciter le versement d'une indemnité en réparation des préjudices allégués.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de l'intéressé à cette fin.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Carpentras, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... sur ce fondement. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme quelconque au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Carpentras tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Carpentras.

Délibéré après l'audience du 11 février 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président de chambre,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 mars 2020.

2

N° 18MA05321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05321
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : VALLAR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-03;18ma05321 ?
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