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21/02/2020 | FRANCE | N°19MA00923

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 février 2020, 19MA00923


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1800865 du 8 novembre 2018, le

tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1800865 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 février 2019 et le 28 août 2019, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 du préfet de la Haute-Corse ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer un titre de séjour.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- l'arrêté querellé est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien ;

- il ne peut voyager pour retourner dans son pays d'origine ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien ;

- il justifie d'une présence en France de plus de dix ans ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- il serait exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est illégale en ce qu'elle ne mentionne pas les motifs qui la fonde.

Un mémoire, présenté par le préfet de la Haute-Corse, enregistré le 3 février 2020, n'a pas été communiqué.

M. A... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Le préfet mentionne, dans la décision contestée, les textes applicables à la situation de M. A... D..., la date et les conditions dans lesquelles celui-ci indique être entré en France, le fondement sur lequel l'intéressé a présenté sa demande d'admission au séjour, enfin l'examen qu'il a fait de l'ensemble de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. L'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés. Ainsi, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences de motivation prévues aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D... a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien. Par un avis rendu le 23 mars 2018 dans le cadre de l'instruction de cette demande, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé.

6. Les documents médicaux produits dans la présente instance par M. A... D..., s'ils permettent d'établir qu'il présente une scoliose cervico-dorsale, souffre de coliques salivaires et est atteint d'une pathologie psychiatrique et que son état de santé requiert des soins et un suivi médical continu ne sont néanmoins pas de nature à contrarier l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. La circonstance selon laquelle, s'agissant du remboursement des soins médicaux, M. A... D... ne bénéficierait pas en Algérie des mêmes modalités que celles prévues par l'assurance maladie en France est à cet égard sans incidence. Enfin, si M. A... D... soutient qu'il ne peut voyager pour retourner dans son pays d'origine, il se fonde sur les mentions figurant sur un certificat médical daté du 10 mai 2013, qui est ancien et non précisément circonstancié.

7. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

9. M. A... D... ne peut soutenir que le préfet aurait dû lui délivrer de plein droit un certificat de résidence en application des stipulations précitées de l'article 6 alinéa 1-1 de l'accord franco-algérien dès lors que moins de dix ans se sont écoulés entre la date à laquelle il est entré en France, le 24 juillet 2009, et la date de la décision contestée, le 14 mai 2018.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. Il ressort des énonciations de la décision querellée que le préfet a retenu, pour justifier la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an qu'il a prise à l'encontre de M. A... D..., que celui-ci n'a pas exécuté les mesures d'éloignement dont il a fait l'objet le 20 octobre 2010, le 28 février 2013 et le 13 août 2014 en se maintenant irrégulièrement sur le territoire, qu'il ne justifie pas de circonstances humanitaires s'opposant au prononcé d'une interdiction de retour, qu'il n'établit pas avoir tissé en France des liens personnels, privés, familiaux et sociaux qui soient à la fois intenses, stables et anciens, enfin qu'il ne démontre pas l'ancienneté de sa résidence en France. Dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que cette décision serait illégale faute de comporter les motifs qui la fonde comme manquant en fait.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 février 2020.

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N° 19MA00923

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00923
Date de la décision : 21/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CARREGA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-21;19ma00923 ?
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