La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2020 | FRANCE | N°19MA02492

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 13 février 2020, 19MA02492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2018 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 1900366 du 14 mars 2019, le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cou

r :

1°) d'annuler cette ordonnance du 14 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2018 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 1900366 du 14 mars 2019, le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 14 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 28 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort qu'il a été statué sur sa demande présentée devant le tribunal administratif par ordonnance prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- les actes d'état civil qu'il a présentés ne sauraient être regardés comme des faux ;

- l'arrêté préfectoral a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation individuelle.

Le préfet du Var, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par décision du 24 mai 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 23 janvier 2020, Mme C..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée par Me D... pour M. A... a été enregistrée le 5 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui déclare être né en 2000 à Bamako, de nationalité malienne, relève appel de l'ordonnance du 14 mars 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2018 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".

3. À l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Toulon, M. A... a notamment invoqué, à l'encontre de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'atteinte à sa vie privée, en faisant valoir qu'il était dépourvu de toute attache dans son pays d'origine et qu'il était parfaitement intégré en France en se prévalant notamment des formations qu'il y avait suivies. Ce moyen, qui était assorti de faits susceptibles de venir à son soutien et n'était pas dépourvu des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien-fondé, n'était pas inopérant. Les termes dans lesquels il était exprimé permettaient au juge d'en saisir la portée et d'en apprécier le mérite au regard des pièces produites. Il en est de même du moyen tiré de ce que le préfet du Var a considéré, à tort, que les actes d'état civil produits étaient falsifiés, l'intéressé remettant ainsi en cause l'un des motifs opposés à sa demande de titre de séjour, en produisant au soutien de ce moyen des pièces permettant d'en apprécier le mérite. Dès lors, la demande de M. A... n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et relevait de la seule compétence d'une formation de jugement collégiale. Il suit de là que l'ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon en date du 14 mars 2019 est entachée d'irrégularité et doit être annulée pour ce motif.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, aux termes du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 313-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. Dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour de M. A..., le préfet du Var a transmis aux services spécialisés de la police aux frontières de Toulon la copie d'un extrait d'acte de naissance et d'un jugement supplétif que l'intéressé avait produits. Le rapport établi le 25 avril 2018 par l'analyste en fraude documentaire et à l'identité, qui fonde son appréciation sur des modèles d'actes figurant dans sa base documentaire, relève que l'acte de naissance a été délivré suite à un jugement supplétif dont le formalisme n'était pas respecté, et que la date de l'extrait de naissance n'était pas conforme en ce qu'elle aurait dû être inscrite en toutes lettres. Si M. A... produit en appel un nouvel extrait d'acte de naissance, comportant la mention " certifiée conforme par le consul général du Mali ", ce dernier ne fait figurer qu'une date d'établissement en chiffres, comme c'était déjà le cas des pièces soumises à l'examen des services spécialisés de police. Par ailleurs, il résulte de pièces produites par le préfet dans le dossier de première instance, notamment la fiche descriptive individuelle du numéro d'identification (NINA) du centre de traitement des données de l'état civil malien, que les autorités maliennes ont pu elle-même considérer que l'extrait d'acte de naissance établi au nom du requérant à la date du 21 juin 2000 était faux. Si l'appelant produit un passeport délivré par les autorités maliennes, un tel document ne constitue pas un acte d'état civil mais un document de voyage qui ne permet pas d'établir son identité et pour lequel la présomption de validité résultant des dispositions de l'article 47 du code civil ne s'applique pas. Il s'ensuit que M. A... ne peut être regardé comme remplissant les conditions posées par les dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour " vie privée et familiale ".

8. En second lieu, si M. A... se prévaut du sérieux de son parcours scolaire, de l'obtention d'un certificat de formation générale le 21 juin 2017 et d'un certificat de compétences de citoyen de sécurité civile ainsi que du suivi d'une formation en langue française et d'un certificat d'aptitude professionnelle de cuisine, il est célibataire et sans enfant, son entrée en France est très récente et il a passé la majeure partie de son existence dans son pays d'origine. S'il affirme ne pas connaître sa mère et que son père est décédé, il n'établit cependant pas être isolé en cas de retour au Mali. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne peut pas être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Var doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 octobre 2018. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi qu'en tout état de cause, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1900366 du 14 mars 2019 du président du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, où siégeaient :

- Mme C..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Courbon, premier conseiller,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

2

N°19MA02492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02492
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : GONTARD-QUINTRIC

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-13;19ma02492 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award