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30/01/2020 | FRANCE | N°18MA01695

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 30 janvier 2020, 18MA01695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Grande Pharmacie de la Plaine a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un j

ugement nos 1500718, 1500723 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Grande Pharmacie de la Plaine a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1500718, 1500723 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2018, et des mémoires enregistrés les 3 juin 2019 et 21 juin 2019, la SELARL Grande Pharmacie de la Plaine, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de contrôle inopiné mise en oeuvre par le service en application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été détournée et a en réalité consisté en un commencement de la vérification de comptabilité sans que les garanties attachées à la mise en oeuvre de cette dernière procédure n'aient été respectées ;

- le choix du contribuable concernant l'option de réalisation des traitements informatiques n'a pas été valablement exercé faute d'annexion de la réponse du gérant à la copie du rapport de vérification ; en outre, les traitements réellement opérés diffèrent de ceux annoncés dans le courrier du 7 juin 2011 ;

- sa comptabilité revêt un caractère probant ;

- les méthodes de reconstitution de recettes retenues par l'administration fiscale sont erronées ;

- la majoration de 80 % qui lui a été infligée sur le fondement du c de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 novembre 2018, 13 juin 2019, 27 juin 2019 et 20 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme D..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exploite une officine de pharmacie à Marseille, la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine, a fait l'objet d'un contrôle inopiné le 17 mai 2011 suivi d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 mars 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité de la SELARL et procédé à la reconstitution des recettes omises, par deux propositions de rectification du 13 décembre 2011 et du 14 décembre 2011 selon la procédure contradictoire, lui a notifié des rectifications portant sur les résultats déclarés à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que sur la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de ces exercices, assortis de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Par jugement du 7 février 2018, le tribunal administratif de Marseille, après en avoir prononcé la jonction, a rejeté la demande de la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 à 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes ainsi que la demande de M. et Mme C... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010. La SELARL Grande Pharmacie de la Plaine doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la nature du contrôle engagé le 17 mai 2011 :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / (...) En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. ".

3. La société requérante soutient que la vérification de comptabilité de la pharmacie a débuté lors du contrôle inopiné, la privant ainsi de la possibilité de se faire assister par un conseil. Elle fait valoir que les inspecteurs ont créé sur le serveur un nouveau répertoire au titre de l'état des fichiers de données, ont effectué des recherches de fichier et utilisé la " commande history ". Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des mentions du compte-rendu d'intervention relatant les constatations matérielles effectuées le 17 mai 2011 dans le cadre de la procédure de contrôle inopiné, lequel a été contresigné par M. C..., gérant de la société, que l'administration fiscale s'est bornée à constater l'état de certains fichiers issus des logiciels de gestion et à faire copier par M. C..., sur un serveur de la société au sein d'un répertoire dénommé " sauve DGI ", certains de ces fichiers, sans aucune analyse ou examen critique de ces documents. En outre, en relevant l'absence du fichier " a_futil.d " et de toute mention de l'exécution d'une commande Linux dans l'historique, elle s'est bornée à une constatation matérielle de l'existence et de l'état des documents comptables de l'entreprise, au sens des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, et ne s'est pas livrée à une opération caractérisant un traitement informatique. Ainsi, la vérification de comptabilité ne peut être regardée comme ayant débuté avant le 17 mai 2011. La SELARL Grande Pharmacie de la Plaine n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour pouvoir se faire assister d'un conseil, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne les traitements informatiques :

4. Aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en oeuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

6. Il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions citées au point 4, la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine a été informée par courrier du 7 juin 2011 de la nature des traitements informatiques que l'administration voulait voir effectués, qui visaient à contrôler les recettes réalisées en caisses et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) collectée s'y rapportant, plus particulièrement les montants des ventes et des règlements, les taux de TVA appliqués aux articles vendus, les flux matière par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits et les opérations réalisées en caisses comprenant en particulier les procédures de correction et d'annulation utilisées notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés. Si la société requérante soutient que le rapport de vérification ne comportait pas en annexe son courrier de réponse à la lettre du 7 juin 2011, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. En outre, la société requérante, en s'abstenant de préciser la nature des investigations effectuées qui n'auraient pas été mentionnées dans le courrier du 7 juin 2011, ne permet pas à la cour d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Par suite, les moyens tirés de ce que le vérificateur n'aurait pas mis la SELARL en mesure de choisir une des options prévues à l'article L. 47 A et ne l'aurait pas informée de la nature des traitements envisagés doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

7. Pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la SELARL Grande Pharmacie de la Plaine au titre de la période vérifiée, l'administration fiscale fait valoir que cette société a obtenu le 20 septembre 2004, à la suite d'une demande formulée en ce sens le 15 septembre 2004, le mot de passe nécessaire pour activer sur le logiciel Alliance Plus qu'elle utilise une fonctionnalité permettant d'altérer la fiabilité et l'exhaustivité des informations reprises dans les écritures comptables et se prévaut de l'importance du nombre des ruptures constatées dans la numérotation séquentielle des données de facturation et de règlement, corroborées par des discordances significatives entre les quantités facturées et l'historique des produits.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a pris connaissance de pièces d'une procédure pénale dans l'exercice de son droit de communication, se rapportant à une autre officine de pharmacie et comportant notamment un rapport d'expert précisant que le logiciel de gestion Alliance Plus " dispose de fonctionnalités permettant à l'utilisateur de supprimer de l'historique de la caisse en cours un certain nombre d'opérations. L'accès à cette fonction est subordonné à la saisie d'un mot de passe dans un écran accessible après un laborieux parcours dans les menus et sous-menus de l'application. Il en résulte la suppression pure et simple des sommes correspondantes de la caisse en cours. Les opérations étant affectées par un numéro chronologique, aucun traitement n'est opéré pour rétablir une suite incrémentielle correcte dans ces données et le déroulement du détail de chaque vente laisse apparaître des interruptions dans cette suite de numéros. (...) Une fonction a été prévue pour permettre à l'utilisateur de lister les données qu'il a ainsi " traitées ". Elle s'appuie sur un fichier qualifié de " mouchard ", totalement intégré au programme (...). A notre sens, il en résulte que les fonctionnalités " traitement écritures règlements " et " traitement écritures factures " disponibles nativement dans le logiciel Alliance

Plus ne peuvent avoir pour finalité que de permettre à l'exploitant de faire disparaître une partie des recettes en espèces de l'officine. Les précautions nécessaires ont été prises par le programmeur pour que ces traitements ne puissent pas concerner des opérations commerciales engageant des tiers et ne perturbent pas les fonctions automatisées de gestion des stocks de marchandise. Une commande système simple, non intégrée au programme, permet de faire disparaître toute trace de ces manipulations par la suppression totale du fichier qui en tient la liste (...) ". Il résulte également de ce rapport que les encaissements supprimés ne peuvent porter que sur des espèces, le logiciel empêchant la suppression des encaissements par chèque, par carte bancaire ou avec " tiers payant ".

9. Il résulte également de l'instruction que l'analyse des résultats obtenus par l'administration fiscale après traitements informatiques a mis en évidence des ruptures de séquence dans la numérotation des factures à hauteur de 4 971 factures manquantes pour l'exercice clos en 2009, 10 079 pour l'exercice clos en 2010 ainsi que, pour la période courant du 1er janvier 2008 au 31 juillet 2009, la purge volontaire des fichiers clients avec historique sans sauvegarde entraînant l'effacement des coupures centralisatrices journalières, dites " tickets Z ", afférentes à cette période. En outre, lors des opérations de contrôle, l'administration a constaté l'absence du fichier " a_futil.d " qui aurait permis de consulter la trace des interventions effectuées et fait valoir, sans être contredite, que ce fichier peut être supprimé par l'utilisateur au moyen d'une commande dont la mise en oeuvre peut à son tour être effacée de l'historique des commandes saisies. La SELARL Grande Pharmacie de la Plaine se borne à soutenir que l'administration ne justifie pas de l'obtention du mot de passe permettant de supprimer certains paiements en espèces de l'historique de la caisse faute de produire une demande écrite de sa part sans sérieusement contredire les éléments circonstanciés avancés en ce sens par l'administration. Si elle fait également valoir que la purge de l'historique client antérieur au 1er août 2009 visait à permettre un meilleur fonctionnement du logiciel Alliance Plus, cette allégation n'est corroborée par aucun élément alors qu'il ressort de la proposition de rectification qu'elle n'a été en mesure de produire, en édition papier, que les documents récapitulatifs journaliers des opérations de caisse qui globalisent les opérations et ne permettent pas de valider la séquence chronologique des factures. Si elle indique également que la suppression du fichier " a_futil.d " aurait dû être vérifiée sur tous les postes informatiques et non sur un seul poste, l'administration fait valoir sans être utilement contredite que cette vérification a été effectuée par accès au serveur central, cet accès pouvant être réalisé depuis n'importe quel poste informatique de l'officine. En outre, alors que l'administration a pris en compte les tickets en attente au moyen d'un abattement forfaitaire de 1% et fait valoir sans être contredite qu'il n'a pas été constaté une suppression simultanée d'un nombre significatif de tickets pouvant résulter d'un problème informatique mais des ruptures concernant seulement un ou deux tickets consécutifs, la SELARL Grande Pharmacie de la Plaine n'apporte aucun élément de nature à corroborer que les ruptures de séquence dans les règlements sont justifiées par des raisons autres qu'une suppression volontaire, tenant à la reprise des factures en attente d'un produit manquant, à la suppression de clients dans la base de données, à des problèmes de fonctionnement du logiciel, des systèmes ou de la base de données. Enfin, le service a relevé des discordances significatives entre les quantités vendues selon le journal des ventes et les quantités vendues selon l'historique des produits (2 209 références produits entre la période du 1er août au 31 décembre 2009 et 3 836 références produits pour l'exercice clos en 2010). Dans ces conditions, eu égard aux nombreuses omissions et anomalies affectant la comptabilité, l'administration fiscale a pu, à bon droit, regarder celle-ci comme non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'officine de pharmacie.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes de la société :

10. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) "

11. Il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 4 octobre 2012. En application des dispositions citées au point 10, la société requérante ne peut, par suite, obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'elle conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration.

12. Pour reconstituer les recettes, le vérificateur a utilisé deux méthodes, dont il a fait la moyenne des résultats, la première s'appuyant sur une valorisation du montant des factures supprimées à partir d'un " ticket moyen ", en multipliant le nombre de règlements manquants par le montant du ticket moyen tiers payant tout mode de règlement confondu, et la seconde sur une valorisation des écarts entre les quantités facturées et les quantités déstockées.

13. Concernant la première méthode, si la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine fait valoir que l'abattement de 1% pour les factures mises en attente n'est pas explicité et que les tickets manquants peuvent s'expliquer par la reprise des factures en attente d'un produit manquant, par la suppression de clients dans la base de données ou encore par des problèmes de fonctionnement du logiciel, des systèmes ou de la base de données, elle ne justifie aucunement qu'un taux supérieur devrait être appliqué. Si elle soutient également qu'il y avait lieu de retenir un ticket moyen " hors ordonnances " et que la rareté des paiements en espèces supérieurs à 10 euros rend artificielle la pondération des tickets moyens réglés en espèces en se fondant sur les tickets moyens tous modes de règlement, l'administration fait valoir sans être utilement contredite que le nombre de règlements en espèces supérieurs à 10 euros avancé est erroné, le fichiers des ventes 2010 révélant par exemple que les tickets hors tiers payant réglés en espèces présentant un total TTC supérieur ou égal à 10 euros sont au nombre de 8 001 tickets (sur un total de 47 510, soit 17 %), que la méthodologie de fraude de l'utilisateur peut porter principalement sur les tickets les plus importants hors tiers payant réglés en espèces et que, dès lors, la prise en compte des seuls tickets hors tiers payant réglés en espèces sous-évaluerait le montant des recettes reconstituées. En outre, si la société requérante affirme qu'il faudrait retenir la valorisation du ticket moyen " hors ordonnance ", il ressort des précisions contenues dans la proposition de rectification, laquelle s'appuie sur un rapport d'expertise judiciaire communiqué à l'administration, que les manipulations sur les recettes réalisées avec le logiciel Alliance Plus ne concernent que les tickets " hors tiers payant ". Enfin, si elle soutient que des travaux importants ont été menés et que la pharmacie a rouvert en octobre 2009 avec un doublement de sa surface de vente, elle n'établit ni la réalité de ces changements ni qu'ils auraient eu pour effet de rendre le chiffre d'affaires tel que reconstitué incohérent, le chiffre d'affaires déclaré pour l'année 2008 (2 346 280 euros) étant proche de celui de l'année 2009 (2 440 379 euros).

14. Concernant la seconde méthode, la seule circonstance qu'elle soit fondée sur les données chiffrées issues de traitements comparatifs du journal des ventes et de l'historique des produits, qui comportent des discordances, ne suffit pas à l'écarter alors qu'il résulte de l'instruction que, pour apprécier ces discordances, l'administration fiscale a tenu compte des ventes en rétrocession, des factures en attente, des articles non référencés ainsi que ceux dont le Code Identifiant de Présentation (CIP) ressort en anomalie. En outre, en établissant qu'une employée de la pharmacie a été licenciée pour avoir procédé à des annulations de vente en encaissant pour son propre compte le prix de certains produits vendus, ainsi que cela ressort d'un constat d'huissier dressé le 31 janvier 2013, la société requérante n'apporte pas la preuve qu'elle aurait subi des vols durant la période vérifiée par l'administration.

15. Enfin, pour tenir compte des approximations inhérentes à toute reconstitution, le vérificateur a déterminé le montant des recettes minorées en retenant la moyenne des résultats des deux méthodes réunies. Eu égard à ce qui précède, la méthode de reconstitution, qui s'appuie sur les conditions d'exploitation de l'établissement pendant une période significative, ne saurait être regardée comme étant radicalement viciée ou même excessivement sommaire. La société requérante, qui propose une méthode d'évaluation fondée, s'agissant du chiffre d'affaires reconstitué pour les années 2008 et 2009, sur une extrapolation des seules données d'août à décembre 2009 et sur un ticket moyen concernant uniquement les règlements en espèces, ne justifie, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, par aucun élément que cette méthode correspondrait davantage à la réalité de son exploitation.

Sur l'application des pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

17. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le logiciel Alliance Plus utilisé par la SELARL Grande Pharmacie de la Plaine comporte un module permettant de dissimuler des recettes encaissées en espèces hors tiers payant. L'administration souligne que l'activation de ce module nécessitait l'entrée d'un mot de passe effectivement sollicité par la société requérante et que celle-ci a utilisé de façon très régulière au cours de la période en litige les fonctionnalités permissives de ce logiciel et effacé le fichier qui assurait la traçabilité des manipulations opérées. Ces agissements délibérés ont créé une situation occultant des opérations imposables tout en donnant à la comptabilité l'apparence de la sincérité. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de manoeuvres frauduleuses justifiant l'application de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Grande Pharmacie de La Plaine et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020, où siégeaient :

- Mme D..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Courbon, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.

N° 18MA01695 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01695
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : BINISTI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-30;18ma01695 ?
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