Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Immobilière Holding a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 et de procéder au rétablissement des déficits remis en cause au titre des exercices clos de 2008 à 2010.
Par un jugement n° 1501013 du 10 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille l'a déchargée, en droits et pénalités, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 8 mars 2018, 12 et 13 mars 2019, la SCI Immobilière Holding, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 janvier 2018, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;
2°) de lui accorder la décharge des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) d'annuler la réintégration de frais de missions et de réception dans ses recettes imposables au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ;
4°) de lui accorder le sursis de paiement des sommes contestées en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les sommes de 780 973 euros et 71 977 euros mises à la disposition de la société Tanimob, respectivement en 2009 et en 2010, ne peuvent être qualifiées de revenus distribués sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts dès lors qu'elles correspondent à des sommes confiées à cette société en vue de faire fructifier ses excédents de trésorerie en application de conventions de trésorerie intra-groupe, ainsi que cela ressort du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue le 2 novembre 2012 et qui confirme le mandat donné à la société Tanimob et à M. D... à cet effet ;
- les sommes ainsi confiées sont assimilables à des créances et ont été inscrites au débit du compte courant de la société Tanimob ;
- la tenue de cette assemblée générale ne constitue qu'une formalité, compte tenu de la dépendance dans laquelle elle se trouve, comme la société Tanimob, à l'égard de M. D... ;
- l'administration ne peut, sans méconnaître le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, s'immiscer dans sa gestion et lui imposer l'usage de ses capitaux et de son patrimoine ;
- les fonds mis à la disposition de la société Tanimob et de M. D... ont été utilisés pour réaliser des placements judicieux dans des oeuvres et objets d'art, la collection acquise, en partie au moyen des sommes en litige, étant d'une valeur estimative comprise entre plus de cinq et plus de dix millions d'euros ;
- M. D..., à qui la somme de 670 072 euros a été mise à disposition en 2010, a décidé d'effectuer un apport de 738 150 euros sur son compte-courant d'associé en 2017, pour démontrer sa bonne foi ;
- M. D... détenant la totalité du capital de la société Tanimob, la créance inscrite au nom de celle-ci ne peut être considérée comme celle d'un tiers mais d'un associé ;
- M. D..., pour le compte de la société Tanimob, a procédé en 2018 au remboursement de la totalité des fonds mis à la disposition de cette société, en lui apportant des parts sociales de la société Beterson Water International, opération qui s'est traduite comptablement par l'inscription d'un million d'euros au crédit du compte 2742000 ouvert au nom de Tanimob dans ses écritures, en contrepartie du débit du compte 2610010 " titres de participation " ;
- s'agissant de son résultat imposable, c'est à tort que l'administration a exclu des frais de restauration à hauteur de 14 067 euros en 2009 et 17 712 euros en 2010 dès lors que ces charges ont été exposées dans son intérêt par M. D..., dans le cadre de déjeuners avec des conseillers en immobilier, des avocats, notaires, d'autant que le nombre de repas est très faible et leur coût des plus normaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme B..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SCI Immobilière Holding.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Immobilière Holding a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à la retenue à la source au titre des années 2008 à 2010, à raison de revenus distribués à des tiers résidant à l'étranger et a remis en cause le montant des déficits déclarés au titre des exercices clos de 2008 à 2010, à raison, notamment, de charges non admises en déduction du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés. La SCI Immobilière Holding relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des compléments d'imposition auxquels elle a ainsi été assujettie.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la retenue à la source afférente aux années 2009 et 2010 :
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Aux termes de l'article 119 bis de ce code : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". En vertu du 1 de l'article 187 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le taux de la retenue à la source est fixé, pour les dividendes, à 25 %. Les stipulations de l'article 11 de la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 prévoient en outre que : " 1. Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2 a) Les dividendes visés au par. 1 sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes. ".
3. Il résulte de l'instruction que des sommes ont été inscrites au débit du compte courant n° 274200 ouvert dans les écritures de la SCI Immobilière Holding au nom de la société suisse Tanimob, pour un montant total de 780 973 euros au cours de l'exercice clos 2009 et de 71 977 euros au cours de l'exercice clos en 2010, alors que la société Tanimob n'était plus l'associée de la SCI Immobilière Holding depuis le 22 décembre 2008. L'administration a considéré que ces sommes constituaient des distributions occultes, au sens des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts, au motif, notamment, qu'elles avaient été comptabilisées dans un compte sciemment libellé de manière erronée comme un compte de prêt aux associés, qu'aucun prêt n'avait été établi ni enregistré entre ces deux sociétés, que ces sommes n'avaient jamais été remboursées et que les deux sociétés n'avaient aucune relation commerciale.
4. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que la société Tanimob ne soit plus son associée faisait obstacle à ce que l'administration se fonde sur les dispositions du a. de l'article 111 du code général des impôts, quand bien même le capital social de Tanimob aurait été entièrement détenu par M. D..., lui-même détenteur de 99 % de son capital. La SCI Immobilière Holding ne conteste pas que les sommes en litige ont été remises à la société Tanimob. Elle fait néanmoins valoir que cette dernière avait reçu mandat de sa part pour valoriser les sommes ainsi versées, qualifiées d'excédents de trésorerie, en réalisant, pour son compte, des placements et investissements. Si elle se prévaut d'une convention de trésorerie conclue à cette fin le 17 novembre 2006, rien ne permet de rattacher les sommes en litige à l'exécution de ce contrat, conclu alors que la société Tanimob était l'associée de la société requérante et qui n'a pas été enregistré. La SCI Immobilière Holding ne peut davantage se prévaloir d'une délibération de son assemblée générale extraordinaire du 2 novembre 2012 confirmant la mise en disposition des deux sommes litigieuses à la société Tanimob, et du courrier établi à la même date par cette société, reconnaissant l'existence à son profit d'un solde créditeur dans ses comptes à hauteur de 2 600 148 euros au 31 décembre 2009 et 2 672 125 euros au 31 décembre 2010, ces documents ayant été établis après les opérations de contrôle fiscal dont la société requérante a fait l'objet, et pour les besoins de la cause. La SCI Immobilière Holding n'établit pas, par ailleurs, que les sommes mises à disposition de la société Tanimob auraient été utilisées pour acquérir des oeuvres d'arts, les pièces produites à cet égard, notamment des photographies et un courrier de M. D... daté du 5 mars 2018, ne permettant aucunement de considérer que les acquisitions effectuées l'auraient été pour son compte. Enfin, la seule circonstance, constatée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 13 juin 2018, que la société Tanimob lui ait apporté des titres de participations de la société Beterson Water International pour un montant d'un million d'euros, ne permet pas de considérer que cette opération, qui a donné lieu à l'inscription du même montant au crédit de son compte courant, constituerait le remboursement des mises à disposition effectuées près de dix ans auparavant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale, qui ne s'est pas immiscée dans la gestion de la société mais s'est bornée à tirer les conséquences des mouvements constatés au débit du compte ouvert au nom de la société Tanimob, a assujetti à la retenue à la source les sommes distribuées par la SCI Immobilière Holding à cette société suisse, en application des dispositions précitées du c. de l'article 111 et du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts.
En ce qui concerne la détermination du bénéfice imposable de la SCI Immobilière Holding à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010 :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
6. L'administration fiscale a remis en cause, sur le fondement de ces dispositions, le caractère déductible de frais de réception, d'un montant de 14 067 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 17 712 euros au titre de l'exercice clos en 2010, consistant essentiellement en des frais de restaurant engagés par M. D... dans des établissements gastronomiques, eu égard à leur montant et à la qualité de holding de la société requérante, dont l'objet est la détention de parts sociales de SCI propriétaires d'immeubles, ce qui ne justifie pas d'engager de telles dépenses dans le cadre de relations commerciales. Si la SCI Immobilière Holding fait valoir que ces frais sont d'importance limitée et ont été exposés dans son intérêt, dans le cadre de déjeuners organisés en présence de professionnels de l'immobilier, elle ne justifie ni de l'identité des professionnels concernés, ni de la nature des liens professionnels ou commerciaux entretenus avec ces derniers. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a exclu les sommes concernées des charges déductibles de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010.
Sur les conclusions à fin de sursis de paiement :
7. Un sursis légal de paiement accordé en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales n'a de portée que pendant la durée de l'instruction de la réclamation et de l'instance devant le tribunal administratif. Aucune disposition légale n'a prévu une procédure de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel. Par suite, la SCI Immobilière Holding n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander à la Cour de prononcer en sa faveur le bénéfice du sursis de paiement des impositions en litige.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCI Immobilière Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 et au rétablissement des déficits déclarés au titre des exercices clos de 2008 à 2010. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'allocation de frais liés à l'instance doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Immobilière Holding est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Immobilière Holding et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020, où siégeaient :
- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 janvier 2020.
18MA01129 2