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23/01/2020 | FRANCE | N°18MA05412

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 23 janvier 2020, 18MA05412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 4 février 2016 du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes procédant au retrait de son agrément d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1601492 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2018 et le 16 septembre 2019, le département des Alpes-Maritimes, représe

nté par la SELARL Bazin et Cazelles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 4 février 2016 du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes procédant au retrait de son agrément d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1601492 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2018 et le 16 septembre 2019, le département des Alpes-Maritimes, représenté par la SELARL Bazin et Cazelles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence d'indication dans les visas d'un mémoire déposé par Mme E... le 7 décembre 2017 ;

- le jugement est irrégulier en l'absence de signature de l'expédition du jugement et du courrier d'envoi de l'expédition par le greffier en chef ;

- le litige conserve son objet à la date à laquelle la décision contestée est intervenue et dès lors qu'elle n'a pas été retirée ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration soulevé pour la première fois en appel est irrecevable ;

- l'auteur de la décision contestée bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- il ne s'est pas estimé lié par l'avis de la commission consultative paritaire départementale ;

- la décision ne méconnaît pas le principe non bis in idem ;

- elle ne contrevient pas au principe de proportionnalité ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 mars 2019 et le 25 septembre 2019 et un mémoire non communiqué enregistré le 9 janvier 2020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;

3°) et de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a plus lieu à statuer sur la requête, la décision contestée ayant été retirée ;

- la décision contestée méconnaît l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'est pas motivée en droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est disproportionnée par rapport aux faits reprochés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2012-364 du 15 mars 2012 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., assistante maternelle depuis le 10 janvier 2006, a déposé le 6 octobre 2015 une demande de renouvellement de son agrément pour 4 enfants à temps complet. En l'absence de réponse dans le délai de trois mois à compter du dépôt de la demande en application de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, une décision implicite de renouvellement est née le 10 janvier 2016 puis un agrément a été expressément délivré par décision du 13 janvier 2016 pour une durée de cinq ans qui a été ensuite retirée par une décision du 4 février 2016 du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Le département des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a, sur la demande de Mme E..., annulé cette dernière décision.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Contrairement à ce qui est soutenu par Mme E..., en l'informant par un courrier du 20 novembre 2018, qu'une décision d'agrément selon les modalités du dernier renouvellement du 10 janvier 2016 allait lui être envoyée, ce qui a été fait le 17 décembre suivant, le président du conseil départemental n'a fait qu'exécuter le jugement attaqué du tribunal administratif de Nice. Ainsi, la délivrance de l'agrément ne rend pas sans objet l'appel du département des Alpes-Maritimes. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense ne saurait être accueillie.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. La décision de retrait de l'agrément d'assistante maternelle doit être motivée en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles.

4. Il ressort des pièces du dossier que le département des Alpes-Maritimes a envoyé un courrier à Mme E... le 14 décembre 2015 l'informant des raisons pour lesquelles lui était adressé l'avertissement préalable à la mise en oeuvre de la procédure de retrait de son agrément, tenant notamment à un manquement grave aux obligations de déclaration prévues aux articles R. 421-38, R. 421-39, R. 421-40 et R. 421-41 du code de l'action sociale et des familles. Ainsi, l'assistante maternelle était à même de connaître les motifs de droit sur lesquels s'est fondé le président du conseil départemental pour lui retirer son agrément. Il en résulte que le département des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a jugé que la décision portant retrait de l'agrément de Mme E... était insuffisamment motivée en droit.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif de Nice.

Sur les autres moyens invoqués par Mme E... :

6. La décision attaquée a été signée, pour le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, par Mme B..., directeur général adjoint pour le développement des solidarités humaines, qui disposait, en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2015, publié au recueil des actes administratifs du département des Alpes-Maritimes n° 1 du 4 janvier 2016, d'une délégation à l'effet de signer, dans le cadre de ses attributions, tous les documents, arrêtés et décisions concernant, en particulier, la coordination des procédures d'agrément des assistantes maternelles en application de l'article 38.5.1 du chapitre 4 relatif à la direction générale adjointe pour le développement des solidarités humaines de l'arrêté du 2 avril 2015 portant organisation des services du département des Alpes-Maritimes, lui-même régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 6 du 2 avril 2015. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.

7. Contrairement à ce que soutient Mme E..., la décision contestée trouve sa base légale dans les dispositions de l'article R. 421-38 du code de l'action sociale et des familles qui font obligation aux assistantes maternelles d'informer " sans délai le président du conseil départemental de toute modification des informations figurant dans le formulaire de demande d'agrément mentionné à l'article L. 421-3 et relatives à leur situation familiale, aux personnes vivant à leur domicile ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de la motivation en fait de la décision contestée, que le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes n'aurait pas porté une appréciation sur la situation de Mme E... ou qu'il se serait estimé, à tort, en situation de compétence liée au regard de l'avis de la commission consultative paritaire départementale.

9. Il résulte des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi par les services du département des Alpes-Maritimes, que le département a été informé, le 20 novembre 2015, par la mairie de Valbonne qu'une perquisition administrative dans le cadre de l'état d'urgence avait été effectuée au domicile de Mme E..., sans que cette dernière ne l'en ait avisé. Il ressort également de ce rapport que l'intéressée reçue en entretien le 11 décembre 2015 notamment par le médecin du service départemental de la Protection maternelle et infantile a banalisé l'événement en minimisant les effets de l'enquête administrative visant son compagnon. Par ailleurs, l'attestation de parents d'enfants produite par l'intéressée se rapporte à une période trop ancienne et n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée dans le rapport sur le détachement dont elle fait preuve par rapport à l'absence d'information qui lui est reprochée. Les circonstances qu'aucune poursuite n'a été engagée à la suite de cette perquisition et que celle-ci s'est déroulée en l'absence des enfants sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

11. Compte tenu des faits énoncés au point précédent, qui ne sont pas contestés, le président du conseil départemental a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer, que les conditions d'accueil proposées par Mme E... ne garantissaient plus notamment la sécurité du ou des enfants accueillis, et prononcer le retrait de son agrément.

12. Il résulte des dispositions de l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles qu'un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-38, R. 421-39, R. 421-40 et R. 421-41 du même code peuvent justifier, après avertissement, un retrait d'agrément. L'avertissement préalable à l'engagement de la procédure de retrait n'ayant pas la nature d'une sanction, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée, prise à la suite de cet avertissement, la sanctionnerait une seconde fois en violation du principe " non bis in idem ".

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 4 février 2016 du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes procédant au retrait de son agrément d'assistante maternelle.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Alpes-Maritimes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme E... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département des Alpes-Maritimes.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : Mme E... versera au département des Alpes-Maritimes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Mme E... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département des Alpes-Maritimes et à Mme A... E....

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2020.

La rapporteure,

signé

A. G...Le président,

signé

J.-F. ALFONSI

La greffière,

signé

M. D...

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

6

N° 18MA05412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05412
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-05-05-02 Procédure. Incidents. Non-lieu. Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SELARL BAZIN et CAZELLES AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-23;18ma05412 ?
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