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19/12/2019 | FRANCE | N°19MA03508-19MA03509

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 décembre 2019, 19MA03508-19MA03509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... née D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902659 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n

° 19MA03508 le 26 juillet 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 8 octobre 2019, Mme C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... née D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902659 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19MA03508 le 26 juillet 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 8 octobre 2019, Mme C... née D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Marseille et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 juillet 2018 ;

3°) subsidiairement, d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de 48 heures à compter de la même date et sous les mêmes conditions d'astreinte une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'instruire à nouveau sa demande de renouvellement de titre de séjour et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, sous les mêmes conditions d'astreinte, et de lui délivrer dans l'attente et dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, à Me E... qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, ou à défaut, à Mme C... née D....

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que la tardiveté de sa requête de première instance ne pouvait lui être opposée dès lors que la date de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 novembre 2018 l'admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle n'était pas établie ;

En ce qui concerne la décision de refus d'un titre de séjour :

- l'avis du collège des médecins de l'OFII (Office français de l'immigration et de l'intégration) a été adopté suite à une procédure irrégulière ;

- il n'est pas prouvé que le rapport médical du médecin instructeur de l'OFII ait été transmis au collège des médecins antérieurement à l'émission de l'avis de ce collège ;

- l'avis du collège des médecins de l'OFII ne mentionne pas qu'il a été émis au regard de la connaissance de sa nationalité arménienne ;

- il n'est pas démontré que les médecins aient été régulièrement désignés pour examiner son dossier ;

- il n'est pas démontré que l'avis du collège des médecins ait été adopté suite à une délibération collégiale ;

- il n'est pas davantage établi que les signatures électroniques apposées sur l'avis du 27 juin 2018 répondent aux prescriptions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration et de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerner l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant l'admission au séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle justifie d'un droit au séjour ;

- eu égard à la gravité de son état de santé, elle méconnaît les dispositions du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision contestée méconnaît l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du délai de départ volontaire qui lui a été accordé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19MA03509 le 26 juillet 2019, Mme C... née D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 2 juillet 2019 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué par la Cour sur la requête au fond, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, à Me E... qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, ou à défaut, à Mme C... née D....

Elle soutient que :

- eu égard en particulier à son état de santé, l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables pour elle-même ;

- sa requête de première instance était parfaitement recevable ;

- les moyens d'annulation développés dans la requête de fond et visés ci-dessus sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête et fait valoir que les conditions du sursis à exécution ne sont, en l'espèce, pas remplies.

Mme C... née D... a été admise, dans ces deux dossiers, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... née D..., de nationalité arménienne, a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 24 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur la jonction :

2. Les affaires n° 19MA03508 et 19MA03509 sont afférentes à une même requérante, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision.

Sur la requête n° 19MA03508 :

3. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, [...] l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". En vertu des articles 23 de la loi du 10 juillet 1991 et 56 du décret du 19 décembre 1991, le ministère public ou le bâtonnier peuvent former un recours contre une décision du bureau d'aide juridictionnelle dans un délai " de deux mois à compter du jour de la décision ".

4. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... née D... a déposé, dans le délai de recours contentieux, une demande d'aide juridictionnelle le 6 août 2018, dans le cadre de la procédure tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2018, - et non 24 juillet 2017 comme mentionné à tort par le tribunal dans le jugement contesté -, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, lequel lui avait été notifié le 1er août 2018. Cette demande a été de nature à interrompre le délai de recours contre cette décision. L'intéressée a obtenu l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 novembre 2018. La date de notification de cette décision, qui ne ressort d'aucune pièce versée au dossier, ne peut toutefois être déterminée avec certitude. Eu égard aux principes ci-dessus rappelés, et alors même que la décision du bureau d'aide juridictionnelle serait devenue définitive, le délai de recours contentieux n'était dès lors pas opposable à l'intéressée de sorte que sa demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 22 mars 2019, n'était pas tardive.

6. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Marseille a entaché sa décision d'irrégularité en rejetant comme tardive la demande de l'intéressée. Son jugement doit, par suite, être annulé.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille, afin qu'il y soit statué.

Sur la requête n° 19MA03509 :

8. Par le présent arrêt, la Cour se prononce sur la demande d'annulation du jugement du 2 juillet 2019. La demande de sursis à exécution dirigée contre le même jugement, ainsi que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué par la Cour sur la requête au fond, sont donc devenues sans objet.

Sur les frais des litiges :

9. Mme C... née D... a obtenu, dans le cadre des deux instances, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 6 septembre 2019. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au profit de Me E..., conseil de Mme C... née D..., sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution et d'injonction de la requête n° 19MA03509.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2019 est annulé.

Article 3 : L'affaire enregistrée sous le n° 19MA03508 est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il y soit statué.

Article 4 : L'Etat versera à Me E..., sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... née D..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2019, où siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- Mme B..., présidente assesseure,

- Mme Courbon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

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N°19MA03508, 19MA03509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03508-19MA03509
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : VINCENSINI ; VINCENSINI ; VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-19;19ma03508.19ma03509 ?
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