Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 août 2018 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui accorder une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant un étranger mineur malade ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de trente jours à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1806306 du 1er avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter de territoire ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui accorder une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant un étranger mineur malade, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de dire qu'aucune procédure d'exécution de la mesure d'éloignement ne saurait être envisagée ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me D..., d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'état de santé de sa fille mineure nécessite des soins de longue durée et un suivi spécialisé en France, la prise en charge de l'affection dont elle souffre restant médiocre en Algérie ;
- le préfet a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder une autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de sa fille mineure et commis une erreur de droit ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de sa fille ;
- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte au mémoire enregistré en première instance le 7 février 2019.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien, a sollicité le 27 février 2018 la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de sa fille mineure. Par un arrêté du 2 août 2018, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français Par un jugement du 1er avril 2019 dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont celles de l'état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont l'étranger est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
4. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par le préfet de l'Hérault pour apprécier la situation médicale de la fille du requérant, née le 29 juillet 2014, a, dans son avis émis le 30 juin 2018, conclu que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que cette enfant peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et en outre, au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, son état peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Algérie.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des comptes rendus d'hospitalisation et de consultation que Meriem E... souffre notamment d'une tétraparésie spastique à l'origine d'un retard global de développement psychomoteur nécessitant un suivi pluridisciplinaire ophtalmique, kinésithérapeutique, orthophonique et orthopédiste régulier. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Hérault a évalué le taux d'incapacité de l'état de l'enfant à au moins 80 %. M. E... soutient que l'état de santé de Meriem nécessite des soins de longue durée et un suivi spécialisé ne pouvant être assuré qu'en France, la prise en charge de l'affection dont elle souffre restant " très médiocre " en Algérie. Ce faisant, alors que la réalité de l'état de santé n'est pas contestée par le préfet de l'Hérault, en se bornant à produire les pièces précitées tant en première instance qu'en appel, M. E... n'apporte aucun élément de nature à infirmer les conclusions du collège de médecins de l'OFII qui, dans son avis du 30 juin 2018, a estimé que l'enfant peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie et que son état peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Algérie. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation à laquelle il s'est livré de la situation personnelle de la fille de M. E... et de la propre situation de ce dernier.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'entré sur le territoire français récemment, le 26 novembre 2017, à l'âge de 50 ans, M. E... dont le conjoint, de nationalité algérienne, est en situation irrégulière, ne fait en outre état d'aucune insertion socio-professionnelle particulière. Eu égard aux conditions de l'entrée du requérant sur le territoire français et de son séjour, la décision refusant de lui accorder un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les éléments médicaux produits ne sont pas de nature à établir que l'enfant de M. E... ne pourrait pas bénéficier d'un suivi médical pluridisciplinaire adapté à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de délivrer une autorisation de séjour en qualité de parent accompagnant d'enfant malade, qui n'aura pas non plus pour conséquence de séparer l'enfant de ses parents, ne peut être regardé comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la mesure portant obligation de quitter le territoire français :
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5, 7 et 9, les moyens invoqués par M. E... et tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation ainsi que de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne le surplus de la requête :
11. Eu égard à ce qui a été indiqué précédemment, les conclusions présentées par M. E... tendant à ce qu'il soit fait obstacle à toute exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... au ministre de l'intérieur et à Me B... D....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme A..., présidente assesseure,
- Mme F..., première conseillère.,
Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.
N° 19MA03006