La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2019 | FRANCE | N°19MA02673

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 19 décembre 2019, 19MA02673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et fait obligation de quitter le territoire français et d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
<

br>Par un jugement n° 1806073 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Montpell...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et fait obligation de quitter le territoire français et d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1806073 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, M. F..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte d'un même montant ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me C..., d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie, la procédure est irrégulière ;

- le préfet de l'Hérault a méconnu les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il a porté une appréciation manifestement erronée sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à son mémoire enregistré en première instance.

M D... F... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 1er octobre 2018, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. F..., ressortissant marocain, un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement du 13 mars 2019 dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. B... E..., sous-préfet hors-classe, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, lequel a reçu délégation par un arrêté préfectoral n° 2018-I-618 du 8 juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la Nation pour le temps de guerre, d'autre part, de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (...) ". Cet arrêté précise que cette délégation comprend, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers. La circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 ont été abrogées par le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique demeure sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige. Ainsi, nonobstant l'abrogation de la loi du 11 juillet 1938, cette délégation, qui n'est pas générale, habilitait M. E... à signer la décision contestée. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

4. Le requérant soutient être présent sur le territoire français depuis l'année 2000. Or, il ressort des pièces du dossier qu'au titre de l'année 2011, si M. F... justifie de l'exercice d'une activité professionnelle au cours des mois d'avril à septembre, les autres pièces produites telles que la demande d'octroi de l'aide médicale d'Etat et des relevés de compte des mois d'août à décembre sont insuffisantes pour établir la résidence habituelle de l'intéressé en France. Il en est de même en ce qui concerne l'année 2016 au titre de laquelle quelques documents sont communiqués au nombre desquels figurent notamment des relevés bancaires, un ordre de virement, deux courriers de la caisse primaire d'assurance maladie des 23 février et 14 avril, deux ordonnances médicales des 23 mai et 15 septembre et un courrier d'une compagnie d'assurance du 1er décembre. Ainsi, M. F... ne justifie pas avoir résidé habituellement en France pendant plus de dix ans à la date de la décision en litige. Le préfet de l'Hérault n'était dès lors pas tenu par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de recueillir l'avis de la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur la demande du requérant.

5. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M F... soutient avoir le centre de sa vie privée et familiale en France où résident son épouse, compatriote, et leurs trois enfants dont deux sont scolarisés. Toutefois, nonobstant les pièces versées aux débats, eu égard aux conditions de son séjour, l'intéressé dont le conjoint est en situation administrative irrégulière sur le territoire français, ne justifie pas qu'il a transféré le centre des intérêts privés et familiaux. En outre, M. F... conserve des attaches personnelles et familiales au Maroc où résident ses parents et un de ses frères. Enfin, ni les promesses d'embauche qui lui ont été accordées, ni les quelques périodes au cours desquelles il a travaillé ne suffisent à regarder ses tentatives d'insertion sociale comme suffisantes. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, en dépit de la présence de deux frères du requérant en France, le préfet de l'Hérault, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été édictée en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en cause n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale du requérant.

7. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Ainsi qu'il a été indiqué, l'épouse de M. F... est, comme lui, en situation irrégulière. Rien ne fait obstacle à ce qu'elle reparte avec lui et leurs enfants mineurs dans leur pays d'origine, où ces derniers pourront poursuivre leur scolarité. Dès lors, M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., au ministre de l'intérieur et à Me G... C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme A..., présidente assesseure,

- Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

N° 19MA02673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02673
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-19;19ma02673 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award