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19/12/2019 | FRANCE | N°18MA00069

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 19 décembre 2019, 18MA00069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Plein Sud a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision, en date du 24 novembre 2015, par laquelle la préfète des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de procéder au mandatement d'office de la somme de 52 200 euros à l'encontre de la commune de Saint-Féliu d'Amont ainsi que celle du ministre de l'économie et des finances, en date du 11 février 2016, rejetant son recours hiérarchique et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de mandater d'office la dépens

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Plein Sud a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision, en date du 24 novembre 2015, par laquelle la préfète des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de procéder au mandatement d'office de la somme de 52 200 euros à l'encontre de la commune de Saint-Féliu d'Amont ainsi que celle du ministre de l'économie et des finances, en date du 11 février 2016, rejetant son recours hiérarchique et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de mandater d'office la dépense obligatoire d'un montant de 52 200 euros de la commune de Saint-Féliu d'Amont à son bénéfice dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1601860 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de la préfète des Pyrénées-Orientales du 24 novembre 2015 et la décision implicite du ministre des finances et des comptes publics et enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de mettre en demeure le maire de Saint-Féliu d'Amont de procéder au mandatement de la somme de 52 200 euros et, en cas de refus, de procéder d'office à ce mandatement dans le délai d'un mois à compter de l'échéance de cette mise en demeure.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 janvier 2018 et le 12 octobre 2018, la commune de Saint-Féliu d'Amont, représentée par Me B..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 novembre 2017 ;

3°) de rejeter la demande présentée par la SCI Plein Sud devant le tribunal administratif de Montpellier ;

4°) de mettre à la charge de la SCI Plein Sud une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le point 4 du jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le recours contentieux qui porte sur le principe et le montant de la dette constitue à lui seul une contestation sérieuse ;

- l'attestation de bonne fin des travaux a été obtenue frauduleusement ;

- les factures des travaux ayant donné lieu à procès-verbal de réception des travaux du 2 décembre 2013 n'ont été produites qu'au cours de l'instance contentieuse ;

- la déclaration d'achèvement des travaux est purement déclarative ;

- compte tenu de l'existence d'une contestation sérieuse, l'article 6 de la convention s'oppose à tout paiement ;

- la décision du 24 novembre 2015 est motivée ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite du ministre est inopérant ;

- la dette n'est pas échue, ni certaine et a fait l'objet d'une contestation sérieuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2018, la SCI Plein Sud, représentée par la SCP CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saint-Féliu d'Amont la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Féliu d'Amont ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Saint-Féliu d'Amont et de Me C..., représentant la SCI Plein Sud.

Une note en délibéré présentée pour la SCI Plein Sud a été enregistrée le 17 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 22 juillet 2015, la SCI Plein Sud a saisi la chambre régionale des comptes (CRC) du Languedoc-Roussillon afin, d'une part, de constater le caractère de dépense obligatoire d'une créance de 52 200 euros qu'elle estime détenir sur la commune de Saint-Féliu d'Amont en application d'une convention signée le 15 mai 2012 et, d'autre part, de mettre en demeure la commune d'inscrire la dépense à son budget. Par un avis du 8 octobre 2015, la chambre régionale des comptes a reconnu le caractère de dépense obligatoire de cette somme mais dit qu'il n'y avait pas lieu de mettre en demeure la commune de Saint-Féliu d'Amont d'ouvrir des crédits supplémentaires, celle-ci disposant de lignes de crédits existantes suffisantes. Par décision du 24 novembre 2015, la préfète des Pyrénées-Orientales a refusé de procéder au mandatement d'office de la somme précitée. Le 11 décembre 2015, la SCI Plein Sud a formé un recours hiérarchique auprès du ministre des finances et des comptes publics sollicitant le retrait de la décision de la préfète et le mandatement d'office de la somme mentionnée. Le ministre de l'intérieur, auquel ce recours avait été transmis, l'a rejeté par une décision du 22 avril 2016. Par un jugement du 7 novembre 2017 dont la commune de Saint-Féliu d'Amont relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé la décision de la préfète des Pyrénées-Orientales du 24 novembre 2015 et la décision de rejet du recours hiérarchique et, d'autre part, enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de mettre en demeure le maire de Saint-Féliu d'Amont de procéder au mandatement de la somme de 52 200 euros et, en cas de refus, de procéder d'office à ce mandatement dans le délai d'un mois à compter de l'échéance de cette mise en demeure.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La commune de Saint-Féliu d'Amont soutient que le jugement attaqué, en son point 4, est insuffisamment motivé. Or, en estimant que la seule existence d'une instance de plein contentieux pendante devant le tribunal, et désormais en appel, ne suffisait pas pour permettre au préfet de considérer que la créance dont il s'agit faisait l'objet d'une contestation sérieuse alors que le motif de la décision de la préfète des Pyrénées-Orientales en litige était notamment fondé sur cette considération, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement d'une insuffisante motivation à cet égard. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales : " A défaut de mandatement d'une dépense obligatoire par le maire, le président du conseil départemental ou le président du conseil régional suivant le cas, dans le mois suivant la mise en demeure qui lui en a été faite par le représentant de l'Etat dans le département, celui-ci y procède d'office. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1612-15 du même code : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. " Il résulte de ces dispositions qu'une dépense ne peut être regardée comme obligatoire et faire l'objet d'un mandatement d'office que si elle correspond à une dette échue, certaine, liquide, non sérieusement contestée dans son principe et son montant et découlant d'une loi, d'un contrat ou de toute autre source d'obligations.

4. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 10 février 2012, le maire de la commune de Saint-Féliu d'Amont a délivré à la SCI Plein Sud un permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de 31 lots à usage principal d'habitation sur les parcelles cadastrées section A n° 1004, 1005 et 1006 d'une surface de 3 416 m². L'article 4 de cet arrêté a mis à la charge du bénéficiaire une participation à hauteur de 381 271,92 euros TTC au titre du programme d'aménagement d'ensemble (PAE) institué par délibération du conseil municipal du 10 juin 2009, modifié le 7 décembre 2009. En exécution de la délibération du 23 mars 2012, la SCI Plein Sud et le maire de la commune sont convenus, le 15 mai 2012, de l'acquittement de la participation en totalité sous forme d'exécution de travaux relatifs notamment à la voirie, et aux réseaux publics d'eaux pluviales et usées et d'électricité (VRD), conformément à l'article L. 332-10 du code de l'urbanisme. L'article 6 de la convention conclue le 15 mai 2012 doit être regardée comme stipulant que les emprises foncières du PAE, une fois les travaux faisant l'objet de ce contrat réalisés, seront acquises par la commune au prix de 30 euros le mètre carré.

5. Pour s'opposer à la demande de mandatement d'office de la somme de 52 200 euros, la préfète des Pyrénées-Orientales s'est fondée sur l'existence de contestations sérieuses présentées par la commune sur le principe et le montant de la créance revendiquée par la SCI Plein Sud, compte tenu de la réalisation des travaux, objet de la convention du 15 mai 2012 et du " recours de plein contentieux " de la SCI Plein Sud pendant devant le tribunal administratif de Montpellier.

6. Pour annuler la décision de la préfète des Pyrénées-Orientales du 24 novembre 2015 et la décision du ministre des finances et des comptes publics rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par la SCI Plein Sud, les premiers juges se sont fondés sur les motifs, d'une part, que la seule existence d'une instance de plein contentieux pendante devant le tribunal et désormais en appel, ne suffisait pas pour permettre au préfet de considérer que la créance revendiquée faisait l'objet d'une contestation sérieuse et, d'autre part, qu'il ressortait des pièces que la condition prévue par les stipulations de l'article 6 de la convention du 15 mai 2012 devait être regardée comme remplie.

7. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'établissement du procès-verbal de réception, après la levée de réserves, le 19 septembre 2013 signé contradictoirement par le cabinet d'études S. Abig, maître d'oeuvre, la SCI Plein Sud et l'entrepreneur SOMOTP et à la délivrance de l'attestation de bonne fin des travaux relatifs aux voiries et réseaux divers du PAE, signée contradictoirement le 2 décembre 2013 par le maire de la commune, le représentant de la SCI Plein Sud et les entrepreneurs, la SCI Plein Sud a accompli des démarches afin de procéder à la cession, en exécution des stipulations de l'article 6 de la convention du 15 mai 2012, des emprises foncières des VRD réalisés, à la commune. Le 31 mars 2015, un procès-verbal de carence a été dressé par le notaire. Or, dès le 25 mars 2015, la commune faisait état auprès tant du notaire chargé de la vente que de la SCI Plein Sud de son opposition à l'acquisition des terrains en cause au motif que, à la suite de vérifications des métrés par le maître d'oeuvre donnant lieu à une note en février 2015, l'ensemble des travaux prévus au titre du PAE correspondant aux réseaux publics d'eaux usées et pluviales, à un poste de transformation électrique et à l'implantation de candélabres sur un chemin piétonnier correspondant à la somme de 31 896 euros, n'avait pas été réalisé. La commune portait à la connaissance de la préfète des Pyrénées-Orientales ces contestations y ajoutant que, dès lors que l'achèvement des travaux était arrêté au 19 septembre 2013 au lieu du 1er juillet 2013 tel que prévu par la convention du 15 mai 2012, la SCI Plein Sud était redevable de pénalités de retard et, enfin, que le montant des travaux relatifs aux VRD effectivement réalisés était inférieur à celui arrêté par la convention précitée. En outre, le défaut de réalisation de travaux portant sur les réseaux publics d'eaux usées et pluviales, prévus au titre du PAE est corroboré par la SCI Plein Sud elle-même, dans sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 26 mai 2015 tendant notamment à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de signer l'acte authentique d'acquisition des emprises foncières du PAE, renvoyant sur ce point à un compte rendu de réunion de chantier de " Mise au point des réseaux EPL et EU " établi le 28 juillet 2014. La copie de cette requête a été communiquée à la préfète des Pyrénées-Orientales par la commune à l'appui de la réponse apportée à la demande d'explication. Enfin, la délivrance de l'attestation de non-contestation de la conformité des travaux propres au lotissement Le Ribéral par le maire de la commune est sans incidence sur la réalité des travaux portant sur les VRD, réalisés en exécution de la convention précitée. Ainsi, à la date des décisions contestées, la créance revendiquée par la SCI Plein Sud faisait l'objet d'une contestation sérieuse du caractère obligatoire de la dépense alléguée, dans son principe et son montant de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de mandatement d'office prévue par les dispositions de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, en s'opposant à la demande sollicitée par la société en se fondant sur l'existence d'une contestation sérieuse que révélait également le recours contentieux pendant devant le tribunal administratif de Montpellier, la préfète des Pyrénées-Orientales n'a pas porté une appréciation erronée. C'est donc à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le procès-verbal de réception et de levée de réserves établi le 19 septembre 2013 et l'attestation de bonne fin des travaux VRD du PAE signée par le maire le 2 décembre 2013 pour annuler les décisions contestées. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SCI Plein Sud devant le tribunal administratif de Montpellier.

9. Contrairement à ce que soutient la SCI Plein Sud, l'arrêté de la préfète des Pyrénées-Orientales comporte l'énoncé des considérations de droit, tout particulièrement le rappel des dispositions de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales et celles de fait caractérisées par l'existence de contestations sur le principe et le montant de la créance alléguée qui en constituent le fondement. Le moyen doit dès lors être, en tout état de cause, écarté.

10. La mesure d'expertise sollicitée avant dire droit par la commune de Saint-Féliu d'Amont sur la réalité des travaux effectués au titre du PAE ne présente pas un caractère utile à la solution du litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Féliu d'Amont est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de la préfète des Pyrénées-Orientales du 24 novembre 2015 et la décision de rejet du recours hiérarchique de la SCI Plein Sud et enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de mettre en demeure le maire de Saint-Féliu d'Amont de procéder au mandatement de la somme de 52 200 euros et, en cas de refus, de procéder d'office à ce mandatement dans le délai d'un mois à compter de l'échéance de cette mise en demeure.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Féliu d'Amont qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SCI Plein Sud au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Plein Sud la somme demandée par la commune de Saint-Féliu d'Amont au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Plein Sud devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Saint-Féliu d'Amont est rejeté.

Article 4. Les conclusions de la SCI Plein Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Féliu d'Amont et à la SCI Plein Sud.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme A..., présidente assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

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N° 18MA00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00069
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Dépenses - Dépenses obligatoires.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Questions diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-19;18ma00069 ?
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