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17/12/2019 | FRANCE | N°18MA00804

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 17 décembre 2019, 18MA00804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner le département de la Corse du sud, devenu collectivité de Corse, à leur verser la somme de 18 250 euros, correspondant à la valeur du bien dont ils estiment avoir été dépossédés, outre la somme de 1 500 euros par année de privation de jouissance depuis l'année 2013, assortie des intérêts de droit au taux légal, eux-mêmes capitalisés.

Par un jugement n° 1600879 du 21 décembre 2017, le tribunal administ

ratif de Bastia a rejeté la requête de MM. B....

Procédure devant la Cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner le département de la Corse du sud, devenu collectivité de Corse, à leur verser la somme de 18 250 euros, correspondant à la valeur du bien dont ils estiment avoir été dépossédés, outre la somme de 1 500 euros par année de privation de jouissance depuis l'année 2013, assortie des intérêts de droit au taux légal, eux-mêmes capitalisés.

Par un jugement n° 1600879 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de MM. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, MM. B..., représentés par Me H..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 décembre 2017 ;

2°) de condamner la collectivité de Corse à leur verser la somme de 18 250 euros, outre la somme de 1 500 euros depuis l'année 2013, sommes abondées de l'intérêt légal capitalisé ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est par une erreur de droit que les premiers juges leur ont opposé le " principe de sécurité juridique " pour rejeter la demande d'indemnisation. Par ailleurs, il leur a été opposé à tort la tardiveté de la requête introductive d'instance, dès lors que le litige porte sur une question de travaux publics pour laquelle il n'est pas exigé de décision préalable de l'administration. C'est en méconnaissance de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi que de l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, que l'emprise du département de la Corse à la suite d'une ordonnance du 2 mai 1967, jamais retranscrite au fichier immobilier, n'a pas été justement indemnisée. Au surplus, cette emprise routière qui été élargie par des travaux réalisés en 2013 n'a jamais fait l'objet d'un accord amiable, ni ne leur a été notifiée. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a considéré que la collectivité de Corse était propriétaire depuis 1967 de l'emprise litigieuse ;

- ils sont fondés à demander une juste et préalable indemnisation de 18 250 euros correspondant au prix de 50 euros/m² du secteur en cause, outre le versement d'une somme de

1 500 euros destinée à réparer le trouble de jouissance depuis l'année 2013.

Par deux décisions du 25 mai 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Toulon a rejeté les demandes de MM. B....

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er et le 18 octobre 2019, la collectivité de Corse, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. D... B... la somme de 3 000 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

La collectivité de Corse a présenté deux nouveaux mémoires enregistrés le 5 novembre 2019 ; elle informe la cour du décès de M. F... B... en juillet 2018.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions présentées par MM. B... tendant au versement d'une somme relative à une indemnité d'expropriation, dès lors que, par ordonnance du 2 mai 1967, le juge de l'expropriation du TGI d'Ajaccio a prononcé le transfert de la propriété de la parcelle A 1611, anciennement A 847, par application de l'article L. 311-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (ancien code de l'expropriation, article L. 13.1).

Un mémoire présenté pour les requérants a été enregistré le 2 décembre 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., substituant Me H..., représentant les consorts B..., et de Me C..., représentant la collectivité de Corse.

Une note en délibéré présentée pour les consorts B... a été enregistrée le 4 décembre 2019.

Une note en délibéré présentée pour la collectivité de Corse a été enregistrée le 5 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par le jugement attaqué du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté pour irrecevabilité la demande de MM. B... en réparation des préjudices causés par ce qu'ils estiment une emprise irrégulière. Ils relèvent appel de ce jugement.

2. La Cour a été informée par la défense, le 5 novembre 2019, du décès de l'un des requérants, M. F... B..., le 20 juillet 2018. L'affaire étant en état d'être jugée, il y a lieu d'y statuer.

3. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-997 du 23 octobre 1958 portant réforme des règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique : " A défaut d'accord amiable, le transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est prononcé sur le vu des pièces constatant que les formalités prévues par le chapitre 1er ont été accomplies et dans les huit jours de la production de ces pièces, par ordonnance du juge dont la désignation est prévue par l'article 12 ci-après. L'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme aux dispositions du chapitre III et de l'article 32 de la présente ordonnance. ". Et aux termes de l'alinéa 1er de l'article 7 de la même ordonnance : " L'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés. ". Ces textes ont été codifiés par le décret n° 77-392 du 28 mars 1977.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 12-1 du code de l'expropriation, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2015 : " Le transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré par voie, soit d'accord amiable, soit d'ordonnance. " Aux termes de l'article L. 222-1du code de l'expropriation, créé par l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, et applicable à compter du 1er janvier 2015 : " L'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il ait procédé au paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement ou de refus de le recevoir, à la consignation de l'indemnité ou qu'il ait obtenu l'acceptation ou la validation de l'offre d'un local de remplacement ". Selon l'alinéa 1er de l'article L. 222-2 du même code, créé par l'ordonnance du 6 novembre 2014 et reprenant la rédaction de l'ancien article L. 12-2 dudit code :

" L'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés. ". Enfin, selon l'article L. 311-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique " A défaut d'accord sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l'expropriation ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 2 mai 1967, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance d'Ajaccio a mis le département de la Corse, autorité expropriante, en possession de la parcelle A 1611 au lieudit Viva à Grossetto-Prugna d'une superficie de 365 m² appartenant à M. E... B... au droits duquel sont venus

M. F... B... et M. D... B..., ses deux fils. Cette expropriation a été faite en vue de l'aménagement de la route départementale 55, aujourd'hui réalisé, l'indemnité d'expropriation n'ayant été ni payée, ni consignée.

6. En premier lieu, le litige soulevé par la requête de MM. B... porte sur l'évaluation de leur bien pour la fixation de l'indemnité d'expropriation, dont le contentieux relève du juge de l'expropriation. Dès lors, la requête, qui est portée devant un ordre de juridiction manifestement incompétent pour en connaître.

7. En deuxième lieu, les requérants demandent la condamnation de la collectivité de Corse à réparer un préjudice de jouissance résultant d'une emprise irrégulière qui se serait accompagnée d'une dépossession de leur propriété. Les juridictions de l'ordre judiciaire sont donc seules compétentes pour connaître de leur demande d'indemnisation des conséquences dommageables de cette emprise.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 décembre 2017 en tant qu'il a statué sur le litige dont il n'avait pas compétence pour en connaître et de rejeter la requête des consorts B....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Corse, venue aux droits du département de la Corse du sud, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la collectivité de Corse au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par MM. B... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux ayants droit de M. F... B..., à

M. D... B... et à la collectivité de Corse, venue aux droits du département de la Corse du sud.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

N° 18MA00804 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00804
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

26-04-04-01 Droits civils et individuels. Droit de propriété. Actes des autorités administratives concernant les biens privés. Voie de fait et emprise irrégulière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BLONDIO MONDOLONI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-17;18ma00804 ?
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