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17/12/2019 | FRANCE | N°17MA04659

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 17 décembre 2019, 17MA04659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision non formalisée révélée par le bulletin de paye de septembre 2015 lui réclamant un trop perçu de 1 160 euros au titre des indemnités perçues dans le cadre de sa mise à disposition auprès de l'association nationale de l'action sociale des personnels du ministère de l'intérieur, ainsi que la décision par laquelle la direction générale des finances publiques d'Ile-de-France a rejeté implicitement son recours gracieux en dat

e du 23 mars 2016 contestant le prélèvement de la somme de 1 160 euros sur son t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision non formalisée révélée par le bulletin de paye de septembre 2015 lui réclamant un trop perçu de 1 160 euros au titre des indemnités perçues dans le cadre de sa mise à disposition auprès de l'association nationale de l'action sociale des personnels du ministère de l'intérieur, ainsi que la décision par laquelle la direction générale des finances publiques d'Ile-de-France a rejeté implicitement son recours gracieux en date du 23 mars 2016 contestant le prélèvement de la somme de 1 160 euros sur son traitement du mois de septembre 2015, et d'enjoindre à l'administration de lui restituer ladite somme.

Par un jugement n° 1600374 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision non formalisée révélée par le bulletin de paye de septembre 2015 réclamant à M. D... un indu de 1 160 euros, ainsi que le rejet implicite de la direction générale des finances publiques

d'Ile-de-France, et il a enjoint au ministre de l'intérieur de restituer à M. D... la somme de

1 160 euros (mille cent soixante euros) au titre des fonctions qu'il a exercées auprès de l'Association nationale d'action sociale des personnels de la police nationale et du ministère de l'intérieur (ANAS) durant la période allant du 1er janvier 2015 au 30 août 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2017, et un mémoire enregistré le 13 avril 2018, le ministre de l'intérieur, dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 octobre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nice.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute de satisfaire aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, dès lors qu'il vise un texte inapplicable au litige, soit le décret n° 65-845 du 4 octobre 1965 relatif au paiement sans ordonnancement préalable des rémunérations servies aux personnels civils de l'Etat qui était abrogé à la date de la décision attaquée, outre qu'il ne vise pas le décret n° 2005-1643 du 26 décembre 2005 portant attribution d'une indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques à certains fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale relatif au cas de l'espèce. Un tel jugement, qui ne cite, ni dans ses visas, ni dans ses motifs, le texte sur lequel il se fonde, ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 741-2 ;

- les écritures en défense de M. D... présentées devant la Cour doivent être écartées faute de respecter l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, puisque les 15 pièces produites au stade de l'appel par le conseil de l'intéressé n'auraient pas dû être incluses dans un unique fichier ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration n'était pas fondée à récupérer l'indu litigieux de 1 160 euros correspondant à l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques instituée par le décret n° 2005-1643 du 26 décembre 2005. En effet, préalablement à la mise à disposition de M. D... auprès de l'Association nationale d'action sociale des personnels de la police nationale et du ministère de l'intérieur (ANAS) située dans le département du Val-de-Marne, celui-ci était affecté à la circonscription publique de sécurité (CSP) de Nice, laquelle est une zone n'ouvrant pas droit à la perception de l'indemnité litigieuse, réservée aux fonctionnaires situés dans les ressorts territoriaux des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris, de Versailles et en Corse. Sa mise à disposition auprès de ladite association située à Joinville-le-Pont ne lui ouvrait pas droit à cette indemnité puisqu'il était initialement affecté hors de l'Ile-de-France ou en Corse ;

- aucune disposition légale n'obligeait le service à informer l'intéressé préalablement à la retenue sur rémunération de septembre 2015.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 février et le 4 mai 2018, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui verser la somme de 1 160 euros dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et à ce qu'il soit porté à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais de justice.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er juin 2018 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 2005-1643 du 26 décembre 2005 portant attribution d'une indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques à certains fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., brigadier de police, a été mis à disposition de l'Association nationale d'action sociale des personnels de la police nationale et du ministère de l'intérieur (ANAS) à compter du

1er janvier 2014. Par un arrêté du 7 mai 2015, réceptionné le 22 juin 2015, le ministre de l'intérieur a mis fin à cette mise à disposition. M. D... a repris ses fonctions dans son service d'origine, soit la circonscription de sécurité publique (CSP) de Nice, le 16 septembre 2015. Durant sa mise à disposition, il a perçu l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques pour la période de janvier à août 2015. Au mois de septembre 2015, l'administration a retenu la somme de 1 160 euros sur sa rémunération au titre d'un rappel d'indu de cette indemnité. Le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler le jugement du 18 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé à la fois la décision procédant à la récupération de cette somme, ainsi que la décision de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris rejetant le recours gracieux de M. D..., et a enjoint à l'administration de restituer ladite somme à l'intéressé.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Le jugement attaqué mentionne dans ses visas la loi n° 83-634 du

13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le code de justice administrative, ainsi que le décret n° 65-845 du 4 octobre 1965.

3. Le ministre de l'intérieur reproche au jugement attaqué de ne pas faire mention des textes dont il est fait application. Il ressort de la décision des premiers juges que la mesure de récupération de l'indu contesté a été annulée par le tribunal qui a estimé que M. D... pouvait prétendre au bénéfice de l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques. Or, ce jugement, qui se borne à viser le code de justice administrative, la loi du 13 juillet 1983 et le décret du 4 octobre 1965, alors que ce texte est inapplicable au litige, ne fait mention ni dans ses visas ni dans ses motifs des dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application. Il est dès lors entaché d'irrégularité. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à en demander l'annulation. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nice.

Sur la recevabilité du mémoire en défense de M. D... :

4. Aux termes des dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative alors applicable : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier (...) Lorsque les parties et mandataires inscrits dans l'application transmettent, à l'appui de leur mémoire, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire qui en est dressé. S'ils transmettent un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Ces obligations sont prescrites aux parties et mandataires inscrits dans l'application sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction ".

5. Il ressort des pièces du dossier, que le conseil de M. D... a utilisé l'application Télérecours pour produire devant la cour, le 7 février 2018, un mémoire en défense accompagné d'un inventaire mentionnant quinze pièces qui y étaient numérotées par ordre croissant continu et désignées par des libellés suffisamment explicites, ainsi que des fichiers dans lesquels ces pièces étaient réparties par des signets reprenant les numéros des pièces figurant à l'inventaire comportant des libellés identifiant les pièces telles qu'elles étaient nommées dans l'inventaire. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir le ministre de l'intérieur, les pièces produites par l'intimé satisfont à l'exigence d'une présentation conforme aux dispositions précitées de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative. Dès lors, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que ce mémoire devrait être écarté faute d'être accompagné d'un inventaire et de la production de ces pièces dans les conditions prévues par ces dispositions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. D 'une part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-1643 du 26 décembre 2005: " Une indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques est attribuée aux fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale affectés dans le ressort territorial des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris, de Versailles et, s'agissant de Marseille, pour ceux affectés dans les départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse. Cette indemnité est attribuée après service effectif ".

7. D'autre part, conformément aux dispositions combinées de l'article 41 de la loi du

11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et de

l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les agents mis à la disposition d'un organisme hors du service où ils ont vocation à servir, dès lors qu'ils sont réputés occuper leur emploi et continuer à percevoir la rémunération correspondante, peuvent prétendre au versement d'une indemnité, dans le cas où ils occupaient, au moment de leur mise à disposition, un emploi ouvrant droit à cette indemnité.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., après avoir été mis à disposition de l'Orphelinat Mutualiste de la Police Nationale (OMPN) à compter de l'année 2007, association située à Fontenay-sous-Bois dans le département du Val-de-Marne, est réputé avoir réintégré la CSP de Nice du 1er octobre au 31 décembre 2013, par l'effet de deux arrêtés du ministre de l'intérieur n° 5266 et

n° 5267 du 14 novembre 2013. Par arrêté du 10 février 2014, il a été, à compter du 1er janvier 2014, mis à disposition auprès de l'ANAS dont le siège est à Joinville-le-Pont (94). Par un arrêté du 7 mai 2015, le ministre de l'intérieur l'a réintégré dans son service d'origine avec effet rétroactif au

1er janvier 2015.

9. Il est constant que M. D... a perçu l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques au titre de son activité auprès de l'OMPN située en Ile-de-France. En premier lieu, s'il résulte des éléments du dossier, et notamment des bulletins de paye de M. D... du dernier trimestre de

l'année 2013 produits devant la Cour, que ce dernier a continué à être payé par la direction des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, d'octobre à décembre 2013, alors même qu'il n'aurait pas repris ses fonctions au sein de la CSP de Nice à compter au 1er octobre 2013, alors qu'il avait été affecté sur un emploi au sein de ce service, il ne peut être regardé comme réputé occuper, au moment de sa mise à disposition auprès de l'ANAS, le 1er janvier 2014, un emploi ouvrant droit à l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques. Il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que M. D... n'était pas en droit de percevoir ladite indemnité au titre de la période du 1er janvier 2015 à août 2015. En deuxième lieu, la circonstance alléguée que la réintégration de

M. D... dans son service ne pouvait intervenir rétroactivement au 1er janvier 2015, est à cet égard sans influence sur son absence de droit au versement de l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques. Enfin, si M. D... soutient que l'administration a manqué à son obligation de l'informer de son intention de prélever la somme récupérée, une telle obligation n'est prévue par aucun texte législatif ou réglementaire.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, une somme de

2 000 euros au titre des frais exposés par M. D... à l'occasion du litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

N° 17MA04659 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA04659
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Traitement. Retenues sur traitement.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : ROIG

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-17;17ma04659 ?
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