La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2019 | FRANCE | N°18MA01219

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 13 décembre 2019, 18MA01219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Autajon Etiquettes Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 7 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M. G..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 février 2015 et refusé d'autoriser le licenciement de M. G....

Par un jugement n° 1503794 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :<

br>
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018, sous le n° 18MA01219, la société Autajon Etiq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Autajon Etiquettes Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 7 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M. G..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 février 2015 et refusé d'autoriser le licenciement de M. G....

Par un jugement n° 1503794 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018, sous le n° 18MA01219, la société Autajon Etiquettes Méditerranée représentée par Me F... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2015 du ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de communication de l'enquête contradictoire ;

- la décision contestée méconnaît le principe du contradictoire de la procédure ;

- la matérialité des faits reprochés à M. G... est établie ;

- le ministre du travail a commis une erreur d'appréciation en estimant que la gravité de la faute de M. G... pouvait être atténuée par l'absence de protocole de sécurité ;

- cette faute d'une gravité suffisante justifie le licenciement de M. G....

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire.

Un courrier du 27 juin 2019 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 12 novembre 2019.

Deux mémoires présentés pour M. G... ont été enregistrés les 19 novembre et 2 décembre 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la société Autajon Etiquettes Méditerranée.

Une note en délibéré présentée pour M. G... a été enregistrée le 6 décembre 2019.

Une note en délibéré présentée pour la société Autajon Etiquettes Méditerranée a été enregistrée le 6 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., délégué syndical, secrétaire du comité d'entreprise et membre de la délégation unique du personnel occupait les fonctions de conducteur de machines complexes auprès de la société Autajon Etiquettes Méditerranée. Saisi, le 29 décembre 2014 d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire, l'inspecteur du travail a, par décision du 12 février 2015, autorisé le licenciement sollicité. Par un courrier du 8 avril 2015, M. G... a formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, lequel a rendu le 11 août 2015 une décision implicite de rejet. Par une décision du 7 octobre 2015, le ministre a retiré sa décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé d'autoriser le licenciement du salarié. La société Autajon Etiquettes Méditerranée relève appel du jugement du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 7 octobre 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. ". Aux termes de l'article L. 2411-8 du même code : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. Pour demander le 26 décembre 2014, l'autorisation de licencier M. G..., la société Autajon Etiquettes Méditerranée s'est fondée sur les circonstances que le 9 décembre 2014, le salarié aurait méconnu la consigne de sécurité de son supérieur hiérarchique lui demandant de faire le tour de l'usine par le nord et de ne pas emprunter le passage où des personnes étaient occupées au bâchage d'un camion. M. G... lui aurait répondu qu'il n'en avait " rien à foutre ". Il a ensuite emprunté cet itinéraire avec son véhicule et, selon l'employeur, forcé le passage en passant outre cet ordre. Il est monté sur le trottoir puis a roulé avec les roues gauches sur le gravier, plaçant les deux personnes entre le camion et son véhicule à moins de 50 cm d'eux à une vitesse trop élevée. Au moment de son passage, une violente rafale de vent a soulevé la bâche et a fait tomber le casque de sécurité du chauffeur. M. G... a roulé dessus l'embarquant sous son véhicule. Puis après avoir retiré le casque, il a quitté l'enceinte de l'entreprise. Le lendemain, alors que son supérieur hiérarchique, M. D... lui demandait des explications sur son comportement de la veille et a lui posé la main sur l'épaule, M. G... a eu une réaction violente en lui répondant " tu me frappes, tu me frappes, tu me manques de respect ". M. D... a préféré s'éloigner.

5. En premier lieu, il ressort de pièces du dossier que la société Autajon Etiquettes Méditerranée a produit deux attestations, la première émanant de M. D... déclarant qu'il était à la porte de sortie du personnel, le 9 décembre 2014 vers 13h35, pour donner la consigne de ne pas emprunter la voie où avait lieu le débâchage du camion, M. G... lui ayant répondu qu'il n'en avait " rien à foutre ", la seconde émanant de M. K... attestant avoir été présent sur les lieux, dans le hall d'entrée où se situe la pointeuse, quand M. D... a signifié à tout le personnel de faire le tour et de ne pas passer à côté du camion et qu'il a dit la même chose à M. G... qui lui a répondu dans les termes précités. Ces deux témoignages sont suffisamment circonstanciés et concordants pour établir que M. G... a bien reçu la consigne et a répondu à son supérieur en des termes grossiers. La circonstance que d'autres salariés n'aient pas été informés de cette consigne est sans incidence. Si M. G... a fait valoir, en première instance, qu'il existait une contradiction s'agissant de la présence sur les lieux de M. D... et de M. K..., ceux-ci prétendant à la fois s'être trouvés près de la pointeuse et avoir été témoins directs des faits alors qu'il est matériellement impossible, de l'emplacement où se trouve la pointeuse, de voir ce qui se passe au niveau de la sortie empruntée par lui, il ressort du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 23 décembre 2014 que le camion en cause était justement stationné à côté de la sortie du personnel et qu'en conséquence l'intimé était visible des deux intéressés. Par suite, le comportement de M. G... à l'égard de son supérieur hiérarchique est matériellement établi et présente un caractère fautif.

6. En deuxième lieu, il ressort des trois témoignages suffisamment clairs et concordants de M. D..., de M. K... et de M. B..., qui lui se trouvait près du camion, que M. G... est passé au volant de son véhicule à proximité des salariés à vive allure et a roulé sur le casque de l'un d'entre eux emporté par une rafale de vent. Les seules circonstances invoquées par M. G... en première instance que M. B... et M. A... présents sur les lieux travaillent pour la clientèle de la société Autajon Etiquettes Méditerranée et que leurs observations ont été sollicitées a postériori pour étayer son dossier de licenciement ne sont pas suffisantes pour écarter leurs attestations qui sont suffisamment circonstanciées pour être prises en compte. Si M. G... conteste être passé à vive allure en empruntant le trottoir, des photographies prises sur place, d'une part de traces de pneus, montrent que le véhicule conduit par l'intéressé est monté sur le trottoir puis avec les roues gauches sur le gravier et, d'autre part, de la configuration des lieux, qui révèlent l'existence d'une distance d'au maximum 1,5 mètres entre la camion et le trottoir, que le chauffeur de ce camion se trouvait au plus à 50 cms du véhicule en cause. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal du comité d'entreprise du 23 décembre 2014 que M. G... a indiqué avoir roulé trois ou quatre mètres avant de s'arrêter, ce qui corrobore la vitesse élevée du véhicule. Ce fait ainsi établi présente un caractère fautif.

7. En troisième lieu, le fait que M. G... a eu une réaction véhémente lorsque M. D... lui a posé la main sur l'épaule alors qu'il lui demandait des explications sur son comportement de la veille constitue également une faute.

8. Les trois fautes mentionnées aux points 5 à 7 pris dans leur ensemble doivent être regardées comme présentant une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. G..., alors même que ce dernier n'aurait pas d'antécédent disciplinaire. Par ailleurs, la circonstance que la société Autajon Etiquettes Méditerranée n'aurait pas établi de protocole de sécurité prévu par les dispositions de l'article R. 4515-5 du code du travail en cas de chargement et de déchargement d'un camion n'est pas de nature à atténuer la dangerosité de la manoeuvre de M. G..., de nature à mettre en péril la sécurité des personnels se trouvant sur les lieux.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Autajon Etiquettes Méditerranée est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Autajon Etiquettes Méditerranée et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 janvier 2018 et la décision du 7 octobre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Autajon Etiquettes Méditerranée une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Autajon Etiquettes Méditerranée, à M. H... G... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme J..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2019.

2

N° 18MA01219

ia


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01219
Date de la décision : 13/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP DEYGAS PERRACHON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-13;18ma01219 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award