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06/12/2019 | FRANCE | N°19MA03458-19MA03459

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 06 décembre 2019, 19MA03458-19MA03459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour d'un an sur le territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1900905 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019 sous le n° 19MA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour d'un an sur le territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1900905 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019 sous le n° 19MA03458, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour d'un an sur le territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et enfin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée par une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il est privé de l'autorité parentale ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 6, 4 de l'accord franco-algérien ;

- cette décision est entachée par une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée par une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- les dispositions de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- cette décision est disproportionnée au regard de ses attaches familiales en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019 sous le n° 19MA03459, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de suspendre l'arrêté du 12 novembre 2018 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux ;

- ils sont de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. E... n'a pas été admis à l'aide juridictionnelle par des décisions du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19MA03458 et n° 19MA03459 présentées par M. E... sont relatives à sa situation personnelle et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. E..., ressortissant algérien né le 27 septembre 1982, déclare être entré en France le 1er juillet 2014. Sous l'identité de Mehdi Larizine, l'intéressé a fait l'objet, le 12 juin 2015, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, qui a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 18 juin 2015. Le 18 juillet 2016, une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre par le préfet de la Haute-Savoie. Sous l'identité de Mehdi Larizine, il a été condamné, le 14 novembre 2016, à deux ans d'emprisonnement et à cinq ans d'interdiction de séjour par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains pour agression sexuelle et exhibition. Le 26 janvier 2017, il est condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour vol et destruction ou dégradation par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains. M. E... est par ailleurs connu des autorités algériennes pour des faits d'association de malfaiteurs, agression par arme blanche et vol. Le 8 mars 2018, l'intéressé a reconnu un enfant de nationalité française, né le 23 mai 2017 dont la mère est décédée, le 11 juin 2017. Le 29 mai 2018, M. E... a sollicité la régularisation de sa situation administrative. Par un arrêté du 12 novembre 2018, le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Dans sa requête n° 19MA03458, l'intéressé relève appel du jugement du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Dans sa requête n° 19MA03459, l'appelant demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, si l'intéressé fait valoir que le préfet a commis une erreur de fait dès lors qu'en vertu d'une ordonnance du 2 octobre 2018 du juge des tutelles de Montpellier, il a été intégré au conseil de famille aux côtés des grands-parents, de la tante et de l'oncle de l'enfant, alors que l'arrêté en litige fait état de ce que le requérant était privé de l'autorité parentale, cette erreur est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs énoncés, lesquels étaient de nature à la fonder.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ".

5. En l'espèce, l'intéressé est le père d'un enfant français, né le 23 mai 2017, qu'il a reconnu postérieurement à sa naissance, le 8 mars 2018. Toutefois, les pièces, peu probantes, versées au dossier faisant état d'envois ou de remise de sommes d'argent en mains propres aux grands-parents de l'enfant, au cours des mois de décembre 2017 et d'octobre 2018 ou des tickets de caisses qui ne mentionnent pas le nom de l'intéressé, sont insuffisants pour établir qu'il subvient aux besoins de son enfant depuis sa naissance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6, 4 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

6. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, en usant à cette fin du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. M. E... soutient qu'il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France depuis cinq ans et qu'il doit demeurer auprès de son fils de nationalité française dont la mère est décédée le 11 juin 2017. Toutefois, l'intéressé a fait l'objet de deux décisions portant obligation de quitter le territoire français le 12 juin 2015 et le 18 juillet 2016, a été condamné et incarcéré pendant deux années et a fait l'objet d'une interdiction de séjour, le 14 novembre 2016, prononcée par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains pour agression sexuelle et exhibition. Alors, ainsi qu'il a été dit au point 5, que l'intéressé n'établit pas subvenir à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation personnelle du requérant ne justifiait pas de l'existence de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires de nature à permettre la régularisation exceptionnelle de son séjour au titre de la vie privée et familiale.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

9. En l'espèce, l'intéressé qui déclare être entré en France au mois de juin 2014 sans en justifier, soit à l'âge de 32 ans, ne justifie d'aucune intégration en France ni être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la plus grande partie de sa vie. N'ayant pas de lien avec son enfant lequel est pris en charge par ses grands-parents, la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Enfin, M. E... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne qui ne sont opérantes qu'à l'encontre de la mesure d'éloignement en vertu des stipulations de l'article 51 de cette Charte limitant son applicabilité aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

12. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. E... ne justifie d'aucune circonstance de fait ou de droit permettant de considérer que le préfet de l'Hérault aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

13. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour, le moyen invoqué par voie de conséquence, tiré de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté.

14. En second lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an au titre de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait disproportionnée, qui ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montpellier dans le point 17 de son jugement.

15. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

16. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de M. E... tendant à l'annulation du jugement contesté, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. E... aux fins de sursis à l'exécution du jugement du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... E... et à Me C... B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme F..., première conseillère,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2019.

N° 19MA03458 - 19MA03459 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03458-19MA03459
Date de la décision : 06/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Ahmed SLIMANI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BAUTES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-06;19ma03458.19ma03459 ?
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