Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 21 juin 2016 par laquelle la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, devenue Occitanie, a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et de condamner cette région à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 1603812 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 août 2018, et un mémoire, enregistré le 21 février 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 21 juin 2016 par laquelle la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, devenue Occitanie, a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;
3°) de condamner cette région à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;
4°) de mettre à la charge de la région Occitanie une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ont été méconnues ;
- son employeur a rejeté à tort sa demande de protection fonctionnelle ;
- il a été fouillé et agressé par deux de ses collègues à la sortie de son travail et a été à tort accusé de vol de denrées alimentaires par l'intendante du lycée ;
- cette fouille est illégale ;
- il n'a jamais été violent envers ses collègues.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 décembre 2018 et 13 mars 2019, la région Occitanie, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne développe aucun moyen à l'encontre du jugement attaqué ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., agent technique au sein de la région Occitanie, affecté au lycée Marc Bloch de la commune de Sérignan au service de restauration, a demandé, le 26 avril 2016, le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits s'étant déroulés le 12 mars 2015, ainsi que la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par une décision du 21 juin 2016, la région a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et sa demande indemnitaire. M. D... relève appel du jugement rendu le 29 juin 2018 par le tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) IV - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. D'autre part, eu égard aux restrictions qu'elle apporte aux droits des personnes et aux libertés individuelles, la vérification par l'administration des objets ou documents éventuellement emportés par ses agents ne peut s'opérer que si, d'une part, il ne sera procédé à une telle vérification qu'en cas de nécessité, notamment à la suite des disparitions de matériel ou s'il existe des risques particuliers de vol dans le service, d'autre part, que l'agent sera averti de son droit de s'opposer à un tel contrôle et d'exiger la présence d'un témoin, enfin que ce contrôle sera effectué dans des conditions préservant la dignité et l'intimité de la personne.
4. En l'espèce, le 12 mars 2015, à la fin de son service, M. D..., soupçonné de vol, a été pris à parti et invité par l'intendante et quatre agents, à entrer dans un local technique et sommé d'ouvrir son sac puis énergiquement convié aux aveux. Ces faits matériellement exacts ont constitué une situation humiliante pour l'intéressé caractérisant ainsi un outrage au sens des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 alors que, par ailleurs, l'administration ne justifie pas avoir averti M. D... de son droit de s'opposer à un tel contrôle et d'exiger la présence d'un témoin.
5. Toutefois, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier si l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. La région d'Occitanie doit être regardée comme demandant, dans son mémoire du 13 mars 2019, qu'au motif tiré de l'absence de matérialité des faits permettant de présumer d'agissements susceptibles d'ouvrir droit à la protection du fonctionnaire par la collectivité publique, soit substitué celui tiré de ce que le requérant a commis une faute personnelle. Ce motif peut être substitué au motif fondant la décision dès lors que cette substitution n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation. Il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motifs demandée, qui ne prive l'intéressé d'aucune garantie procédurale.
7. En l'espèce, alors que l'atteinte à la présomption d'innocence qu'allègue M. D... est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que le contrôle auquel ont procédé l'intendante et ses agents était nécessaire à la suite de la disparition répétée de marchandises consommables au sein des cuisines du lycée, il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages circonstanciés et concordants de treize des trente-et-un agents de cuisine, mentionnés dans le rapport non contesté du 27 mai 2015 du directeur de l'éducation de la région Occitanie, que M. D... a été, à plusieurs reprises, surpris en train de sortir de la marchandise de la cuisine du lycée où il exerçait ses fonctions pour la déposer dans son casier avant de l'emporter avec lui à la fin de son service. Ainsi, le 12 mars 2015, à la fin de son service, l'intéressé, lorsqu'il a aperçu l'intendante accompagnée des quatre agents stationnés aux portes de l'établissement, est descendu rapidement de sa bicyclette pour retourner aux vestiaires avant de revenir quelques minutes plus tard vers la sortie du lycée où il se savait attendu. Si aucune marchandise n'a été trouvée dans son sac lors du contrôle mentionné au point 4, les denrées disparues ont été retrouvées, après le départ du requérant, abandonnées dans un casier vide des vestiaires. M. D..., accompagné de son épouse, est en outre revenu vingt minutes plus tard dans l'établissement où il a agressé verbalement et menacé l'intendante ainsi qu'une de ses collègues de cuisine qui l'avait à plusieurs reprises surpris en train de voler des denrées. Ces agissements constituent une faute personnelle faisant obstacle à l'octroi de la protection fonctionnelle sollicitée par l'appelant. Ainsi, la région Occitanie aurait pris la même décision si elle s'était uniquement fondée sur ce motif. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la région Occitanie, que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Occitanie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros qu'il versera à la région Occitanie au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera la somme de 2 000 euros à la région Occitanie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la région Occitanie.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme F..., première conseillère,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2019.
N° 18MA04093 2