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28/11/2019 | FRANCE | N°18MA04546

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 28 novembre 2019, 18MA04546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de condamner la commune d'Oletta à leur verser la somme de 100 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de leurs parents, ainsi que la somme de 7 553,19 euros au titre des frais d'obsèques, avec intérêts de droit et capitalisation et, d'autre part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Oletta a rejeté leur demande du 24 novembre 2016 tendant à la réalisation

des travaux de viabilisation et de sécurisation du chemin communal d'accès ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de condamner la commune d'Oletta à leur verser la somme de 100 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de leurs parents, ainsi que la somme de 7 553,19 euros au titre des frais d'obsèques, avec intérêts de droit et capitalisation et, d'autre part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Oletta a rejeté leur demande du 24 novembre 2016 tendant à la réalisation des travaux de viabilisation et de sécurisation du chemin communal d'accès au lotissement de l'Orinajo et d'enjoindre à cette commune de réaliser ces travaux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1700282 et n° 1700283 du 23 août 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes ainsi que la demande de la commune d'Oletta présentée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2018, MM. C..., représentés par Me F..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 aout 2018 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Oletta a rejeté leur demande du 24 novembre 2016 tendant à la réalisation des travaux de viabilisation et de sécurisation du chemin communal d'accès au lotissement de l'Orinajo ;

3°) d'enjoindre à cette commune de réaliser ces travaux dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune d'Oletta à leur verser une somme de 100 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de leurs parents, ainsi que la somme de 7 553,19 euros au titre des frais d'obsèques, avec intérêts de droit et capitalisation ;

5°) à titre subsidiaire, si devait être retenue l'existence d'une faute de la victime, qui ne pourrait être exonératoire qu'à hauteur de 50% seulement, de condamner la commune d'Oletta à leur verser la moitié de ces sommes ;

6°) de mettre à la charge de la commune d'Oletta la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le refus du maire de prendre les mesures de police propres à assurer la sécurité des personnes est illégal eu égard à l'existence d'un péril d'une particulière gravité ;

- la responsabilité de la commune est engagée du fait d'un défaut de sécurisation et de viabilisation de l'ouvrage public et d'un vice de conception de l'ouvrage public en raison du sous-dimensionnement de la buse d'évacuation des eaux du ruisseau, en dépit de l'incertitude existant quant au chemin emprunté par les époux C... ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de la commune est engagée pour faute du fait de l'abstention d'exercice des pouvoirs de police générale sur le chemin communal et la voie privée ouverte à la circulation publique ;

- la faute des victimes n'est pas entièrement exonératoire ;

- ils ont droit à la réparation de leurs préjudices moral et matériel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019, la commune d'Oletta, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et de mettre à la charge de MM. C... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, de fixer les sommes, s'il devait en être alloué, à de justes proportions et d'ordonner une expertise avant dire droit aux frais des requérants concernant l'état de la voie communale.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par MM. C... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, une expertise est nécessaire afin de déterminer si les caractéristiques de la voirie communale et de ses dépendances sont ou non à l'origine du débordement des eaux en cas de fortes intempéries.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 mars 2015, alors qu'ils tentaient de regagner à pied leur domicile situé dans le lotissement de l'Orinajo, sur le territoire de la commune d'Oletta, M. H... C... et Mme D... C... ont été emportés par le courant d'un ruisseau en crue et sont décédés par noyade. Leurs fils, MM. A... et E... C..., demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 août 2018 en tant que par ce jugement, le tribunal a rejeté leurs demandes, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Oletta a rejeté leur demande du 24 novembre 2016 tendant à la réalisation des travaux de viabilisation et de sécurisation du chemin communal d'accès au lotissement de l'Orinajo, d'enjoindre à cette commune de réaliser ces travaux dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de la condamner à leur verser une somme de 100 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de leurs parents, ainsi que la somme de 7 553,19 euros au titre des frais d'obsèques, avec intérêts de droit et capitalisation et, à titre subsidiaire, de la condamner à leur verser la moitié de ces sommes si devait être retenue l'existence d'une faute de la victime, qui, selon eux, ne pourrait être exonératoire qu'à hauteur de 50% seulement. La commune d'Oletta conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la fixation des sommes, s'il devait en être alloué, à de justes proportions et à la réalisation d'une expertise avant dire droit concernant l'état de la voirie communale.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour s'exonérer de sa responsabilité, établir la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à la force majeure.

3. Il résulte de l'instruction, en particulier des procès-verbaux de gendarmerie établis à la suite de l'accident, que des pluies diluviennes se sont abattues dans la région du Nebbiu dans la journée du 16 mars 2015 et se sont poursuivies durant la nuit. La région était placée ce jour là en niveau de vigilance orange pluie et inondations, de 18 heures au lendemain 15 heures. Aux alentours de 23 heures, les époux C... ont stationné leur véhicule à l'entrée du lotissement de l'Orinajo et ont tenté de rejoindre leur domicile à pied en traversant un ruisseau en crue. Tant la voie communale d'accès au lotissement que le pont de la voie privée permettant également cet accès étaient submergés par un torrent d'eau. Les époux C... ont alors été emportés par le courant et leurs corps ont été retrouvés en aval, à plus de 100 mètres du lotissement. Les procès-verbaux de gendarmerie relèvent qu'il a été impossible de déterminer si l'accident est survenu alors que les parents des requérants empruntaient la voie communale ou le chemin privé lorsqu'ils ont tenté de rejoindre à pied leur propriété. Il résulte encore de l'instruction, en particulier des procès-verbaux d'audition de M. B... C... et de l'un des voisins de M. et Mme C..., que l'accès au chemin communal était empêché par la présence d'une bande phosphorescente bicolore le jour de l'accident vers 18h30.

4. Ainsi que cela a été exposé au point précédent, les éléments de l'enquête effectuée par les services de gendarmerie ne permettent pas de déterminer laquelle, de la voie privée ou de la voie communale menant à leur habitation, M. et Mme C... ont empruntée. Ceux-ci, qui connaissaient parfaitement les lieux pour y vivre depuis 2011, ont, en tout état de cause, commis une grave faute d'imprudence en s'engageant à pied, de nuit et sans visibilité, sur une voie submergée par la crue d'un ruisseau provoquée par de violentes intempéries. Cette imprudence doit, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, être regardée comme la cause exclusive de l'accident dont M. et Mme C... ont été victimes. En admettant qu'ils aient eu la qualité d'usagers d'un ouvrage public, une telle faute a porté en elle l'intégralité du préjudice. La responsabilité de la commune n'est donc pas engagée, que ce soit sur le terrain du défaut d'entretien normal de la voie communale, dont l'accès était au demeurant barré ainsi que cela a également été exposé au point précédent, ou sur celui d'une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale qui aurait tenu à l'absence de réalisation de travaux de viabilisation et de sécurisation de cette voie et du chemin privé menant au lotissement. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires de MM. C....

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publique. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". Le refus opposé par le maire à une demande tendant à ce qu'il fasse usage des pouvoirs de police qui lui sont conférés par le code général des collectivités territoriales n'est entaché d'illégalité que dans le cas où, à raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la salubrité et la sécurité publique et notamment la sécurité de la circulation, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales.

6. Il résulte de l'instruction que tant à la date de la demande des requérants, le 24 novembre 2016, qu'à celle de la décision implicite de rejet de cette demande, l'aménagement de la voie communale menant au lotissement de l'Orinajo, pourvue d'une buse à l'endroit où passe le ruisseau, n'était pas terminé. L'état de cette voie, en l'absence notamment de goudronnage et d'éclairage, entrainait des difficultés d'accès, en particulier les jours d'intempéries. Lors de l'évènement pluvieux du 16 mars 2015, l'accès à cette voie communale avait été condamné ainsi que cela a été exposé aux points 3 et 4. A la date de la décision contestée, si l'existence de difficultés d'accès persistait, celles-ci ne revêtaient toutefois pas le caractère d'un péril grave résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour la sécurité publique, et notamment la sécurité de la circulation, tel que le maire, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril, aurait méconnu ses obligations légales. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que MM. C... n'étaient pas fondés à demander l'annulation du refus implicite opposé par le maire d'Oletta à leur demande tendant à ce qu'il fasse usage de ses pouvoirs de police pour sécuriser et viabiliser cette voie. Par suite, leurs conclusions présentées à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Oletta, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demandent MM. C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que la commune d'Oletta demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de MM. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Oletta présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à M. B... C... et à la commune d'Oletta.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme I..., présidente assesseure,

- Mme J..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.

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N° 18MA04546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04546
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de police - Police municipale - Police de la sécurité.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime - Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : TALAMONI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-28;18ma04546 ?
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