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22/11/2019 | FRANCE | N°18MA04433

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 22 novembre 2019, 18MA04433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 octobre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé son licenciement, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 12 janvier 2014, ainsi que la décision implicite de rejet du 8 mars 2014 née du silence gardé par le ministre du travail sur son recours hiérarchique et la décision du 28 mars 2014 par laquelle cette même autorité a expressément rejeté ce recours.r>
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 octobre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé son licenciement, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 12 janvier 2014, ainsi que la décision implicite de rejet du 8 mars 2014 née du silence gardé par le ministre du travail sur son recours hiérarchique et la décision du 28 mars 2014 par laquelle cette même autorité a expressément rejeté ce recours.

Par un jugement du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a transmis, sur le fondement du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête présentée par M. F... B... au tribunal administratif de Marseille.

Par un jugement n° 1605944 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 4 octobre 2013 et du 12 janvier 2014 et la décision du ministre du travail du 28 mars 2014 qui s'est substituée à la décision implicite intervenue le 8 mars 2014.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2018, la société Fiducial Private Security, représentée par Me D..., demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 septembre 2018.

Elle soutient que :

- l'inspecteur du travail de Marseille était compétent pour instruire la demande d'autorisation de licenciement ;

- la matérialité des faits et l'imputabilité des faits au salarié est établie ;

- la rédaction de fausses lettres de démission de son emploi et des mandats détenus par un délégué syndical présentent un caractère de gravité suffisante et traduisent une intention de nuire caractérisée ;

- la procédure de licenciement est autonome de la procédure disciplinaire proprement dite de telle sorte que les dispositions légales se suffisent à elles-mêmes, y compris dans l'hypothèse où n'existerait pas de règlement intérieur.

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2019, la ministre du travail a présenté ses observations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2019, M. B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail de Marseille était incompétent pour connaître de la demande d'autorisation de licenciement ;

- les griefs qui ont justifié l'autorisation de le licencier ne lui sont pas imputables dès lors qu'il a été relaxé des faits d'usage de faux ;

- ils sont intervenus en dehors de l'exécution de son contrat et n'ont pas eu de répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise ;

- son licenciement est en lien avec ses mandats représentatifs ;

- en l'absence de règlement intérieur, le licenciement pour motif disciplinaire est privé de cause réelle et sérieuse.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. C...,

- et les observations de Me A... substituant le cabinet d'avocat Welsch-Kessler, représentant M. B....

1. M. B... a été embauché le 30 décembre 2008 par la société Group 4 Securitor en qualité d'agent de sécurité. Son contrat de travail a été transféré au 1er septembre 2012 à l'entreprise Fiducial Private Security SAS. Cette société dont le siège social se situe à Courbevoie compte plusieurs agences et antennes réparties sur quatre grandes régions : Nord Normandie - Grand Ouest - Grand Est et Ile de France. M. B... exécutait son travail au sein de l'agence située en Alsace à Oberhausbergen. M. B... était détenteur des mandats de membre du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de la région Grand Est, de délégué syndical régional syndical de la région Grand Est, de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de Strasbourg, de conseiller prud'homal et de conseiller du salarié du Bas-Rhin. Par lettre du 20 juin 2013 la société Fiducial Private Security a sollicité auprès de l'inspection du travail de Lyon l'autorisation de procéder au licenciement de M. B... pour motif disciplinaire, lui reprochant d'avoir adressé trois courriers distincts, à la société Fiducial Private Security, à l'organisation syndicale CFTC et à l'inspecteur du travail, en usurpant l'identité d'un de ses collègues et en prétendant que ce dernier prenait acte de la rupture de son contrat de travail et démissionnait de ses mandats représentatifs du personnel. Cette demande a été transmise à l'inspecteur du travail de Marseille qui a autorisé, par une décision du 4 octobre 2013, la société Fiducial Private Security à procéder à son licenciement. Suite au recours gracieux formé contre cette décision par un courrier du 6 novembre 2013, une décision implicite de rejet est intervenue le 12 janvier 2014. Par une décision implicite de rejet du 8 mars 2014 puis une décision explicite du 28 mars 2016, le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par M. B... et confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 4 octobre 2013. La société Fiducial Private Security relève appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. B..., les décisions de l'inspecteur du travail du 4 octobre 2013 et du 12 janvier 2014 et la décision du ministre du travail du 28 mars 2014 qui s'est substituée à la décision implicite intervenue 8 mars 2014.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail applicable aux faits de l'espèce dans sa version antérieure au 1er janvier 2018 : " La demande d'autorisation de licenciement est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement où est employé l'intéressé (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où le salarié est affecté ou rattaché. A défaut, l'inspecteur du travail compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise qui emploie le salarié protégé, même lorsque cette entreprise appartient à un groupe.

3. Pour retenir la compétence de l'inspecteur du travail dont dépend le siège social de la société Fiducial Private Security pour autoriser le licenciement de M. B..., le tribunal administratif de Marseille a jugé que ni le site d'Oberhausbergen, où était affecté M. B..., ni même l'établissement Grand Est auquel est rattaché le site d'Oberhausbergen, ne disposaient d'une autonomie suffisante pour être regardés comme un établissement au sens des dispositions de l'article R. 2421-10 cité au point 2.

4. Toutefois il ressort des pièces du dossier que l'établissement Grand Est de la société Fiducial Private Security a été reconnu comme un établissement distinct, par décision du 29 novembre 2011 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France, instituant un comité d'entreprise. A la date à laquelle la société a saisi l'inspecteur du travail, l'établissement Grand Est n'avait pas perdu sa qualité d'établissement distinct institué dans les formes prévues par le 9ème alinéa de l'article L. 433-2 du code du travail. Ainsi, l'inspecteur du travail compétent était celui dans le ressort duquel se situait cet établissement distinct, quelles que fussent ses modalités de gestion. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'établissement Grand Est qui regroupe plusieurs sites, aurait disposé d'un lieu d'implantation géographique. Il convient dès lors de prendre en considération le lieu où est effectivement implanté le comité d'établissement auquel il était rattaché. Ce lieu d'implantation a été fixé à Lyon ainsi que cela ressort de la délibération du comité d'établissement en date du 22 mai 2012. Par suite, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Rhône était territorialement compétent. Les circonstances selon lesquelles la désignation des membres du comité d'établissement s'est faite à Marseille au terme d'un protocole d'accord préélectoral de la Région Grand Est du 30 janvier 2012, que la domiciliation du " décideur commun " des agences de Lyon et Marseille se situait à Marseille et que l'effectif des salariés du site Marseille était plus important que celui du site de Lyon est sans incidence sur le lieu d'implantation réel de fait du comité d'établissement. Par suite, l'inspecteur du travail de Marseille (5ème section des Bouches-du-Rhône) était, en tout état de cause, incompétent pour statuer sur la demande de la société Fiducial Private Security et la décision du 28 mars 2014 par laquelle le ministre du travail a confirmé l'autorisation de licencier M. B..., accordée le 4 octobre 2013 par l'inspecteur du travail de Marseille à la société Fiducial Private Security est elle-même entachée d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Fiducial Private Security n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions de l'inspecteur du travail de Marseille du 4 octobre 2013 et du 12 janvier 2014 et la décision du ministre du travail du 28 mars 2014.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er: La requête la société Fiducial Private Security est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fiducial Private Security, à M. B... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2019.

N° 18MA04433

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04433
Date de la décision : 22/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Autorité compétente.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS FIDUCIAL SOFIRAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-22;18ma04433 ?
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