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21/11/2019 | FRANCE | N°19MA02812

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 21 novembre 2019, 19MA02812


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1404125 du 18 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juin 2016 et 6 juillet 2017, M. B... et Mme F..., représentés par Me G..., ont dem

andé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1404125 du 18 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juin 2016 et 6 juillet 2017, M. B... et Mme F..., représentés par Me G..., ont demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2016 ;

2°) de prononcer la réduction, en droits et pénalités, de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutenaient que :

- l'indemnité de licenciement transactionnelle versée à M. B... n'est pas imposable en application des dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts dès lors que le licenciement a été prononcé à l'issue d'une procédure irrégulière et sans cause réelle et sérieuse ;

- la décision de le licencier était définitive dès avant l'entretien préalable en violation des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail ;

- les motifs du licenciement ne sont ni réels ni sérieux ;

- la transaction n'a eu pour objet ni de traiter le rappel de rémunération ni l'indemnité de licenciement ;

- la somme en litige apparaît sur le bulletin de paie comme étant exonérée d'impôt.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances a conclu au rejet de la requête.

Il soutenait que les moyens soulevés par les requérants n'étaient pas fondés.

Par un arrêt n° 16MA02431 du 30 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de M. B... et Mme F....

Par une décision n° 419455 du 7 juin 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 janvier 2018 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Les parties ont été informées, le 24 juin 2019, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut, à titre principal, au rejet de la requête de M. B... et Mme F... et, à titre subsidiaire, au maintien partiel de l'imposition litigieuse.

Il soutient que :

- le licenciement de M. B... ne présente pas un caractère abusif, si bien que l'indemnité transactionnelle versée est imposable ;

- cette indemnité transactionnelle n'a pas, en tout état de cause, pour seul objet d'indemniser le préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

- si le caractère abusif du licenciement n'était pas remis en cause, il appartiendra à la Cour de procéder à la répartition de l'indemnité litigieuse entre la part exonérée et celle versée en contrepartie des préjudices distincts du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 septembre 2019, M. B... et Mme F..., représentés par Me G..., demandent à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2016 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le recours parallèle devant la Caisse primaire ayant pour seul objet de conduire, le cas échéant, à l'annulation de son licenciement, il était dans l'intérêt de son employeur d'inclure dans le protocole transactionnel la renonciation à ce recours ;

- les indemnités versées en cas de nullité du licenciement, prévues à l'article L. 1235-11 du code du travail, qui constituent la seconde partie de l'indemnité transactionnelle globale, sont également exonérées d'impôt, si bien que la totalité de l'indemnisation doit être exonérée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme F... ont demandé à la Cour d'annuler le jugement du 18 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, en tant qu'elle résulte de la remise en cause, par l'administration, de l'exonération d'impôt sur le revenu d'une indemnité transactionnelle perçue M. B.... M. B... et Mme F... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour du 30 janvier 2018 rejetant leur requête d'appel. Par décision du 7 juin 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

2. Le 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; (...) ". Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ". L'article L. 1235-1 du même code dispose que " en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".

3. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnée à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées. Il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, au vu de l'instruction, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction, en recherchant notamment si elles ont entendu couvrir, au-delà des indemnités accordées au titre du licenciement, la réparation de préjudices distincts, afin de déterminer dans quelle proportion ces sommes sont susceptibles d'être exonérées.

4. M. B..., qui occupait des fonctions de directeur commercial a été licencié le 16 septembre 2011 par la SNC Midi Média pour insuffisance professionnelle. Par un protocole transactionnel conclu en 2012, cette société s'est engagée à verser à M. B... une indemnité d'un montant de 160 000 euros " en réparation des préjudices subis par le salarié du fait de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ", M. B... s'engageant, en contrepartie à se désister de l'action engagée devant le Conseil de Prud'hommes de Montpellier et à renoncer à son recours à l'encontre de la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Montpellier refusant la prise en charge de son arrêt de travail à compter du 13 juillet 2011 au titre de la législation sur les accidents du travail.

5. Si l'employeur de M. B... lui reprochait, ainsi qu'il ressort de la lettre de licenciement du 16 septembre 2011, l'insuffisance du chiffre d'affaires de la régie publicitaire dont il avait la charge, dans un contexte général pourtant favorable sur le secteur de la publicité locale, l'absence de plan d'action pour relancer l'activité et un manque d'implication dans l'établissement du prévisionnel 2011 à 2014, il ressort des pièces produites par l'intéressé que celui-ci a été gratifié en février 2011 d'une prime de résultat de 10 000 euros bruts en vue de récompenser " l'implication dont [il fait] preuve dans l'exercice de [ses] fonctions " et qu'au 31 juillet 2011, juste avant son licenciement, il avait réalisé 98 % des objectifs annuels qui lui avaient été fixés en termes de chiffre d'affaires, justifiant le versement d'une part variable de 8 187 euros. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le licenciement de M. B... était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

6. Le protocole transactionnel conclu avec la SNC Midi Média a eu pour objet, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, en premier lieu, de mettre fin au contentieux prud'hommal engagé par M. B..., dans le cadre duquel ce dernier sollicitait le versement d'une somme globale de 310 000 euros, dont 30 000 euros en réparation du préjudice résultant des conditions d'exécution de son contrat de travail au printemps et à l'été 2011 et 280 000 euros en réparation du préjudice résultant du caractère irrégulier et sans cause réelle et sérieuse de son licenciement. Il avait également pour objet, en second lieu, de mettre fin au contentieux engagé contre la CPAM tendant à la reconnaissance d'un accident du travail, au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, résultant des conditions dans lesquelles il a été informé, lors de l'entretien informel du 13 juillet 2011, de la décision de son employeur de le licencier. A cet égard, si les requérants soutiennent que ce recours avait pour unique objet de permettre à M. B... de faire constater la nullité de son licenciement, un licenciement ne pouvant intervenir, sauf en cas de faute grave, pendant un arrêt de travail consécutif à un accident du travail en application des dispositions des articles L. 1226-7 et suivants du code du travail, la part de l'indemnité transactionnelle correspondant à la renonciation à ce recours ne figure pas au nombre de celles énumérées à l'article 80 duodecies précité du code général des impôts bénéficiant d'une exonération d'impôt, qui ne concerne que les indemnités versées en cas de nullité d'un licenciement pour motif économique, en application de l'article 1235-11 du code du travail. En revanche, la reconnaissance d'un accident du travail permet notamment au salarié concerné de bénéficier de prestations plus importantes au titre des indemnités journalières de sécurité sociale et, sous conditions, d'un complément de salaire versé par son employeur lui assurant un maintien en tout ou partie de sa rémunération antérieure ainsi que de la prise en charge des frais médicaux et paramédicaux nécessités par son état. En renonçant à son recours contre la décision de la CPAM, M. B... a nécessairement renoncé à ces avantages. Dans ces conditions, l'indemnité transactionnelle versée à l'intéressé doit être regardée comme ayant pour objet d'indemniser trois préjudices distincts : le renoncement à la prise en charge de son arrêt de travail au titre de la législation sur les accidents du travail, les troubles subis dans les conditions d'exécution de son contrat de travail et son licenciement sans cause réelle et sérieuse. En l'absence de toute précision dans le protocole quant à la ventilation de la somme allouée de 160 000 euros entre ces trois chefs de préjudices, et de toute pièce utile à cet égard produite par les parties, il sera fait une juste appréciation de cette répartition en considérant que l'indemnité versée a pour objet de couvrir, à hauteur de 10 %, le préjudice lié aux conditions d'exécution du contrat de travail avant licenciement, à hauteur de 20 %, le préjudice lié au renoncement à contester la décision de la CPAM et, à hauteur de 70 %, celui résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. B..., seule cette dernière fraction étant exonérée d'impôt sur le revenu en application des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Par suite, M. B... et Mme F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a inclus la totalité de l'indemnité transactionnelle versée par l'employeur de M. B... dans leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme F... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, à concurrence de la prise en compte de la part d'indemnité exonérée d'impôt sur le revenu déterminée au point 6 ci-dessus.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et Mme F... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les bases d'imposition de M. B... et Mme F... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 sont réduites dans les proportions déterminées au point 6 du présent arrêt.

Article 2 : M. B... et Mme F... sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 correspondant à la réduction en base prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1404125 du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La somme de 2 000 euros est mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et Mme F... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B... et Mme E... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, où siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

N° 19MA02812 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02812
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : MBA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-21;19ma02812 ?
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