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21/11/2019 | FRANCE | N°19MA01771

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 21 novembre 2019, 19MA01771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1809275 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2

019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1809275 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mars 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué du 16 octobre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 000 euros à verser à son conseil ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions combinées des articles L. 313-14 et L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que la commission du titre de séjour aurait dû être préalablement saisie ;

- il viole les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- il a été pris en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par décision du 6 septembre 2019, M. E... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né en 1977, a sollicité le 1er mars 2018 la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement de la vie privée et familiale. Cette demande a fait l'objet d'un arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. E... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 25 mars 2019 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

2. En premier lieu, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France. Il suit de là que les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux conditions de délivrance de titres temporaires de séjour aux étrangers au titre de leur vie privée et familiale, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord précité et notamment son article 6 alinéa 2-5°. Ainsi, M. E... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il appartient par ailleurs au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Si M. E... soutient être entré en dernier lieu en France le 2 février 2014 et y résider depuis cette date, avec son épouse et ses deux enfants nés en 2012 et 2014, il a déposé une demande d'asile le 5 mars 2014, qui a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 novembre 2014, confirmée par une décision du 4 mars 2015 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). L'intéressé a, par ailleurs, fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise par le préfet de Bouches-du-Rhône le 10 décembre 2015 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national sans exécuter cette mesure. En outre, si l'intéressé fait valoir qu'il réside en France aux côtés de son épouse, d'ailleurs elle-même en situation irrégulière, et de ses deux enfants - Yanis, né le 11 juillet 2012 et Kais Nayel, né le 28 juin 2014 - lesquels sont scolarisés, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans leur pays d'origine. Le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter à cet égard comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays. Enfin, s'il se prévaut de la présence en France de ses parents, de ses deux frères et de sa soeur, dont certains ont d'ailleurs la nationalité française, le requérant ne justifie pas être totalement dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu, selon ses dires, jusqu'à l'âge de trente-six ans. Dans ces conditions, et alors qu'il ne justifie pas d'une insertion socio-économique particulière, l'intéressé ne se prévalant lui-même que d' " activités professionnelles aléatoires ", M. E... n'établit pas que la décision de refus de séjour en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre et pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché son appréciation de la situation personnelle de l'appelant d'une erreur manifeste.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".

6. Le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les stipulations de l'accord franco-algérien équivalentes à celles de l'article L. 313-11 dudit code, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour temporaire, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Ainsi qu'il a été dit, M E... ne remplissait pas ces conditions. Par ailleurs, n'ayant pas présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'étant d'ailleurs pas à même de le faire utilement eu égard à sa nationalité algérienne, il n'est en tout état de cause pas fondé à se prévaloir du deuxième alinéa de cet article prévoyant la consultation de la commission sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par tout étranger justifiant par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans, ce qui n'est de surcroît pas le cas en l'espèce. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre la décision litigieuse.

7. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention visée ci-dessus relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n'implique pas par elle-même une séparation entre l'appelant et ses deux enfants dès lors que, tous les membres du foyer étant de nationalité algérienne, aucune circonstance ne s'oppose à la reconstitution de la vie familiale dans ce pays. Il n'est, par ailleurs, pas établi que les fils de M. E... ne pourraient poursuivre en Algérie une scolarité normale ni même continuer leurs activités sportives extra-scolaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9 En dernier lieu, en l'absence d'une argumentation spécifique dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation par les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4 concernant le refus de titre de séjour.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. L'ensemble des conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et celles présentées par l'avocat de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit être rejeté par voie de conséquence, ainsi qu'en tout état de cause, celles relatives aux entiers dépens, aucun dépens n'ayant été par ailleurs exposé dans le cadre de la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, où siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme Courbon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

2

N°19MA01771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01771
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : ABIKHZER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-21;19ma01771 ?
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