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19/11/2019 | FRANCE | N°17MA02703

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 19 novembre 2019, 17MA02703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Gardanne à lui verser une somme de 267 940 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du non-respect de l'obligation de sécurité envers les agents.

Par un jugement n° 1502354 du 31 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2017 et deux mémoires, présentés le 17 m

ai 2019 et le 1er juillet 2019, M. C..., représenté par Me G..., dans le dernier état de ses éc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Gardanne à lui verser une somme de 267 940 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du non-respect de l'obligation de sécurité envers les agents.

Par un jugement n° 1502354 du 31 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2017 et deux mémoires, présentés le 17 mai 2019 et le 1er juillet 2019, M. C..., représenté par Me G..., dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2017 ;

2°) de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 267 940 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le lien entre la maladie de Parkinson diagnostiquée le 9 juillet 2013 et les conditions d'exercice de son activité d'agent d'entretien des espaces verts est incontestable ;

- la commune de Gardanne n'a pas respecté son obligation de sécurité envers ses

agents ;

- il justifie avoir exercé des fonctions ayant entraîné un risque spécial pour sa santé pour lequel la commune doit le dédommager ;

- il est fondé à solliciter le versement de la somme de 30 000 euros au titre du préjudice matériel, la somme de 7 940 euros en raison de la perte de salaires, la somme de 200 000 euros pour le préjudice moral et la somme de 30 000 euros correspondant au préjudice d'agrément.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2018 et le 4 juin 2019, la commune de Gardanne, représentée par Me F..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de M. C... à payer les dépens ;

3°) à la condamnation de M. C... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais de justice.

Elle soutient que:

- à titre principal, les conclusions indemnitaires fondées sur le rejet de la demande de reconnaissance de la maladie de M. C... en maladie professionnelle sont irrecevables, faute pour le requérant d'avoir formé une demande préalable ;

- et à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune de Gardanne.

Les parties ont été avisées le 20 mai 2019, du renvoi de l'audience prévue le

21 mai 2019.

Par ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 9 octobre 2019 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 2012-665 du 4 mai 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant M. C..., et de Me A... D..., substituant Me F..., représentant la commune de Gardanne.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a exercé les fonctions d'agent d'entretien des espaces verts de la commune de Gardanne depuis le 1er août 1981. Il a été diagnostiqué le 9 juillet 2013 qu'il était atteint de la maladie de Parkinson. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 19 juin 2013 jusqu'au 18 juin 2015, et a fait valoir ses droits à la retraite au 1er janvier 2016. M. C... relève appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à faire condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de

276 940 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de sa maladie de Parkinson.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Gardanne :

2. Conformément aux termes de sa réclamation préalable formée le 24 novembre 2014, M. C... a demandé au tribunal administratif la condamnation de la commune de Gardanne à réparer l'ensemble des préjudices consécutifs à la maladie de Parkinson qu'il estimait avoir contracté dans le cadre de l'exercice de ses fonctions auprès de la commune. Même s'il s'est alors uniquement prévalu de la responsabilité pour faute de la commune de Gardanne, M. C... doit être ainsi regardé s'étant nécessairement fondé sur l'imputabilité au service de sa maladie. Par suite, contrairement à ce que soutient la commune de Gardanne, M. C... n'invoque pas, en appel, un nouveau fait générateur par rapport à celui invoqué en première instance, en se prévalant désormais explicitement, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision implicite par laquelle la commune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Gardanne doit être écartée.

En ce qui concerne l'imputabilité au service de sa maladie :

3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. / (...) IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau./ Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies,

la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ".

4. En premier lieu, ces dispositions n'étaient pas applicables à la date à laquelle la maladie de Parkinson de M. C... a été diagnostiquée, soit le 9 juillet 2013, et à la date à laquelle une décision implicite a été opposée à ses demandes en date des 24 novembre 2014 et 25 mars 2015 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. En tout état de cause, ces dispositions ne rendent pas applicables aux fonctionnaires les présomptions d'imputabilité prévues en faveur des salariés et non-salariés agricoles par l'annexe II du livre VII du code rural et de la pêche maritime. En conséquence, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions du décret du 4 mai 2012 qui modifie cette annexe pour ajouter aux tableaux des maladies professionnelles en agriculture, le tableau n° 58 relatif à la maladie de Parkinson provoquée par les pesticides.

5. En second lieu, en l'absence d'une présomption légale d'imputabilité, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance de l'imputabilité au service est demandée.

6. Il résulte des termes du rapport d'expertise du 15 février 2016 du docteur Azais, que M. C... souffre de la maladie de Parkinson dite " idiopathique ", qu'il a contracté à l'âge de 59 ans, soit à un âge regardé comme " habituel " pour ce type de maladie. L'expert précise qu'il s'agit d'une maladie sans cause véritable connue et probablement multi-factorielle impliquant des facteurs génétiques, anatomiques et environnementaux. Parmi ces derniers, ainsi que le précise ce rapport et le rapport du 13 juin 2013 d'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les effets des pesticides, biocides et produits phytopharmaceutiques sur la santé, des études épidémiologiques et toxicologiques témoignent de résultats en faveur d'un lien entre l'exposition aux pesticides et la maladie de Parkinson. Toutefois, en leur état actuel, les données scientifiques ne permettent ni de déterminer les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la maladie de Parkinson, ni de préciser la durée des expositions et les relations dose-effet, selon la nature des produits en cause. Aussi, en l'absence d'une présomption légale telle que celle instituée en faveur des salariés et non-salariés agricoles mentionnée au point 5, l'imputabilité au service de la maladie de Parkinson contractée par un fonctionnaire qui a fait usage, dans le cadre de son service, de produits pesticides, ne peut être retenue, sous réserve d'un éventuel usage accidentel de tels produits, que s'il est établi que l'agent y a été exposé de manière particulière, par les conditions et la durée de l'exposition.

7. Il résulte de l'instruction que M. C... avait la responsabilité d'une équipe et d'un secteur dont il assurait la maintenance avec trois agents. Ses taches comportaient principalement le nettoyage général des espaces verts et le ramassage des feuilles en saison, les tontes avec tondeuses autotractées, l'entretien et la taille d'arbustes, l'arrosage et le désherbage qui pouvait être manuel à l'aide de rotofil ou chimique. M. C... soutient qu'il a ainsi été exposé à des produits phytosanitaires contenant du glyphosate et notamment les produits commercialisées sous les marques " Roundup " et " Gardenurs ". Il résulte, toutefois, de l'attestation de son chef de service que le désherbage chimique ne concernait que les massifs d'arbustes et les allées de parcs et jardins et qu'elle représentait seulement, par agent, une durée de 15 heures par an, l'usage des traitements insecticides et fongicides étant, quant à lui, exceptionnel. Si la fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels afférente à son poste de travail mentionne une durée d'exposition potentiellement plus longue, soit trois heures par jour du 2 avril au 15 juin, son exposition personnelle effective sur une telle durée, qui resterait, au demeurant, relativement modeste par rapport à la totalité de son service, n'est pas démontrée par les pièces versées au dossier ou même par des explications circonstanciées du requérant sur les conditions d'exercice de ses activités. Si le requérant soutient également ne pas avoir reçu en temps utile une formation spécifique concernant l'utilisation de produits phytosanitaires et conteste le caractère adapté des équipements de protection mis à sa disposition, ses allégations qui visent ainsi à démontrer les manquements que la commune aurait commis dans ses obligations de sécurité, ne permettent pas d'établir qu'il aurait effectivement manipulé ces produits dans des conditions non conformes aux préconisations de sécurité. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, un lien direct ne peut être regardé comme établi entre les différentes tâches accomplies par M. C... au cours de sa carrière, débutée en 1981, et la survenance du syndrome parkinsonien dont il souffre.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner si la commune de Gardanne aurait méconnu ses obligations de sécurité envers ses agents, imposées notamment par le code du travail, que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Gardanne à réparer les conséquences dommageables de la maladie de Parkinson qu'il a contractée.

Sur les dépens :

9. Il résulte du point 3 du jugement attaqué que les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 800 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2016, ont été mis à la charge de M. C.... Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune de Gardanne tendant à ce que M. C... soit condamné à payer les frais en litige.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Gardanne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par cette dernière au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Gardanne sur les dépens et l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à la commune de Gardanne et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, où siégeaient :

- Mme H..., présidente,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.

N° 17MA027032

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA02703
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS MARSEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-19;17ma02703 ?
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