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05/11/2019 | FRANCE | N°18MA02912

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 05 novembre 2019, 18MA02912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 août 2015 du maire de Bagnols-sur-Cèze qui lui refuse la protection fonctionnelle, ainsi que la décision du 21 décembre 2015 de cette même autorité rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au maire de lui accorder la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1600566 du 19 avril 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enre

gistrée le 20 juin 2018, et des mémoires présentés le 24 mai 2019 et le 14 juin 2019, Mme B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 août 2015 du maire de Bagnols-sur-Cèze qui lui refuse la protection fonctionnelle, ainsi que la décision du 21 décembre 2015 de cette même autorité rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au maire de lui accorder la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1600566 du 19 avril 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2018, et des mémoires présentés le 24 mai 2019 et le 14 juin 2019, Mme B... E..., représentée par Me D... F..., dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la décision du 17 août 2015 par laquelle le maire de Bagnols-sur-Cèze a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ainsi que la décision du 21 décembre 2015 de cette même autorité rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Bagnols-sur-Cèze de lui accorder la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bagnols-sur-Cèze la somme de 3 000 euros de frais de justice.

Elle soutient que:

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le débat contradictoire n'a jamais porté sur l'enquête administrative retenue par le tribunal en son point 6 ;

- c'est par une erreur de droit que le jugement ne retient pas le vice de procédure tiré de l'absence de consultation préalable de la commission administrative paritaire alors que sa mutation à la maison des associations a eu des effets importants sur sa situation personnelle et familiale ;

- le premier juge a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'elle n'a pas subi de faits de harcèlement moral, ni de discriminations dans ses fonctions ; notamment, le procès-verbal n° 2014/001825 du 17 décembre 2014 atteste que Mme C... a délibérément refusé de lui accorder les congés sollicités.

Par un mémoire enregistré le 10 août 2018, la commune de Bagnols-sur-Cèze, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de

2 500 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requérante ne sont pas fondés.

La commune de Bagnols-sur-Cèze a présenté un mémoire le 13 septembre 2019, qui n'a pas été transmis à la partie adverse.

Mme E... a présenté un mémoire le 24 septembre 2019, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant le commune de Bagnols-sur-Cèze.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., agent administratif, exerce ses fonctions au sein de la commune de Bagnols-sur-Cèze depuis décembre 2000. Après avoir découvert, en janvier 2014, des courriels à caractère raciste et islamophobe dans la boîte électronique de sa supérieure hiérarchique, qu'elle était chargée de relever en son absence, et dont elle affirme que leur contenu l'a profondément choquée, elle a été placée en arrêt de maladie. Par un courrier du 27 octobre 2014, réceptionné le 3 novembre suivant, la requérante a demandé au maire de la commune de Bagnols-sur-Cèze, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 17 août 2015, le maire de la commune a rejeté cette demande. Mme E... a alors formé, par courrier du 26 octobre 2015, un recours gracieux, qui a été rejeté le 21 décembre 2015. Elle a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 août 2015 rejetant sa demande de protection fonctionnelle, et de la décision du 21 décembre 2015 rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 19 avril 2018 n° 1600566, le tribunal a rejeté ses prétentions.

Mme E... demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme E... soutient que le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le débat contradictoire n'a jamais porté sur l'enquête administrative évoquée par le tribunal. Le point 6 de ce jugement précise notamment " qu'une enquête administrative interne a été diligentée afin de vérifier la matérialité des faits ". Il ne résulte pas des termes de la phrase critiquée, ni du dossier de première instance, que le tribunal aurait eu connaissance de documents relatifs à ladite enquête, en dehors de l'ensemble des pièces produites par les parties. Ces pièces permettaient d'établir que, par un courrier du 29 décembre 2014, le maire de Bagnols-sur-Cèze a informé l'intéressée qu'il souhaitait engager une enquête administrative avant toute prise de décision, qu'il avait procédé à une enquête administrative, et qu'un entretien a eu lieu, dans le cadre de cette enquête, le 26 juin 2015. Par suite, en se fondant sur ces seules pièces, les juges de première instance ont pu valablement faire état de l'engagement d'une telle enquête. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait été mis en possession de documents constitutifs d'une " enquête administrative " autres que les pièces mentionnées, et dont il aurait eu connaissance sans en informer les parties, ou à tout le moins l'intéressée. Dès lors,

Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu et à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées :

3. D'une part, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. En premier lieu, Mme E..., secrétaire auprès de la direction Education, Sport et Jeunesse à compter du 15 février 2013, au sein des services de la commune de Bagnols-sur-Cèze, a été affectée au 26 mai 2014 à la Maison des Associations. L'appelante soutient qu'en raison des bouleversements de ses horaires, cette décision a entraîné des conséquences graves dans son quotidien du fait qu'elle élève seule un enfant, et que l'absence de saisine de la commission administrative paritaire révèle un agissement fautif. Cependant, il est constant que cette affectation de la requérante sur un nouveau poste, réalisée sans que cela soit utilement contesté dans l'intérêt du service, n'a emporté aucune incidence sur sa résidence administrative, son statut et sa rémunération. Par suite, elle constitue une mesure d'ordre intérieur dont n'avait pas à connaître la commission administrative paritaire. Ainsi, l'absence de saisine de ladite commission préalablement à l'affectation de Mme E... à la maison des associations, contrairement à ce que soutient l'intéressée, ne saurait révéler, en tout état de cause, un fait constitutif de harcèlement moral.

6. En deuxième lieu, Mme E... soutient que Mme C..., sa supérieure hiérarchique directe, a avoué dans un procès-verbal de police établi le 17 décembre 2014, lui avoir délibérément refusé des jours de congés qu'elle avait sollicités. Cependant, il ressort des pièces du dossier que, ledit procès-verbal est la transcription de la seule audition de la requérante. Ainsi, par ce seul document, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a fait l'objet d'une discrimination dans le traitement desdits congés, et que le tribunal a mal apprécié les pièces produites en première instance.

7. En troisième lieu, outre les griefs développés en appel cités aux points 5 et 6 de la présente décision, Mme E... soutient que le refus de bénéfice de la protection fonctionnelle est illégal en raison des arguments et moyens invoqués en première instance, tirés de courriels, d'injures et de propos calomnieux à caractère raciste, de la soustraction de ses outils de travail, d'une absence de promotion interne constitutive d'une sanction déguisée et d'une appréciation erronée de sa valeur professionnelle, du refus discriminatoire d'aménager ses horaires de travail, de la dégradation de ses conditions d'exercice professionnel. En l'absence de toute circonstance de droit ou de fait nouvelles présentée à l'appui de ces arguments et moyens, en dépit des nombreuses écritures et pièces produites, il y a lieu de les écarter, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nîmes, qui a pris en compte l'ensemble du contexte invoqué par l'appelante en vue d'établir une situation de harcèlement moral.

8. Il résulte des points 5 à 7 que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les éléments avancés par Mme E..., pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 et que le maire de la commune de Bagnols-sur-Cèze avait pu refuser d'accorder à Mme E... le bénéfice de la protection fonctionnelle sans commettre d'erreur d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des actes attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais non compris dans les dépens :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme E... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Bagnols-sur-Cèze et non compris dans les dépens. Par ailleurs, ces dispositions font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au même titre soit mise à la charge de la commune de Bagnols-sur-Cèze, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Mme E... versera à la commune de Bagnols-sur-Cèze une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et à la commune de Bagnols-sur-Cèze.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2019, où siégeaient :

- M. Badie, président de chambre,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02912
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DE LAUBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-05;18ma02912 ?
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