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15/10/2019 | FRANCE | N°18MA02749

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 octobre 2019, 18MA02749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Armanal a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 août 2015 par lequel le maire de la commune de Loriol du Comtat a transféré à la SCI Luceb le permis de construire n°PC08406709NT0016 délivré à M. B... le 20 août 2009 pour la construction d'un auvent de stockage sur un terrain situé lieu-dit Le Mourre des Pins, à Loriol du Comtat, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n°1600641 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de

Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête un mémoire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Armanal a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 août 2015 par lequel le maire de la commune de Loriol du Comtat a transféré à la SCI Luceb le permis de construire n°PC08406709NT0016 délivré à M. B... le 20 août 2009 pour la construction d'un auvent de stockage sur un terrain situé lieu-dit Le Mourre des Pins, à Loriol du Comtat, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n°1600641 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête un mémoire, enregistrés le 13 juin 2018 et le 30 juin 2019, la SCI Armanal, représentée par la SELARL Juris-Thalès, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Loriol du Comtat du 26 août 2015 ;

3°) de mettre à la charge la commune de Loriol du Comtat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'en l'absence de réalisation de travaux réputés suffisants de manière continue, depuis le 1er octobre 2010 de nature à interrompre le délai de validité du permis de construire délivré le 20 août 2009, ce dernier est périmé et ne pouvait pas faire l'objet d'un arrêté de transfert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2018, la commune de Loriol du Comtat, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à ce que la cour constate l'irrecevabilité de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCI Armanal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir et tardiveté ;

- les moyens soulevés par la SCI Armanal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2019, la SCI Luceb, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCI Armanal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la SCI Armanal ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, la SCI Armanal n'a pas intérêt à agir.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la commune de Loriol du Comtat à fin d'appel incident au motif que cet appel est dirigé contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Nîmes du 27 avril 2018, qui a rejeté la demande de la SCI Armanal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ;

- le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 ;

- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 20 août 2009, le maire de la commune de Loriol du Comtat a, au nom de l'Etat, délivré à Monsieur D... B... un permis de construire un auvent de stockage de 574 m² avec un étage fermé de 250 m² sur un terrain situé lieu-dit Le Mourre des Pins, à Loriol du Comtat. Par arrêté du 26 août 2015, le maire a transféré ce permis de construire à la SCI Luceb. Par le jugement du 27 avril 2018, dont relève appel la SCI Armanal, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de l'appel incident de la commune de Loriol du Comtat :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel dirigé par le défendeur en premier ressort contre le jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur.

3. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la SCI Armanal dirigée contre l'arrêté du maire de la commune du 26 août 2015. Si, par son appel incident, la commune de Loriol du Comtat demande à la cour de constater que la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable, ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement mais contre ses motifs, ne sont pas recevables.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Loriol du Comtat et la SCI Luceb à la demande de première instance :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ".

5. Contrairement à ce que soutient la commune de Loriol du Comtat, le recours présenté par la SCI Armanal n'est pas dirigé contre l'arrêté du maire de la commune du 20 août 2009 mais du 26 août 2015. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'enregistrement de la demande présentée par la société, tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2015, devant le tribunal administratif de Nîmes, sa demande était tardive.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient (...) ".

7. La commune de Loriol du Comtat ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qui ne s'appliquent qu'aux permis de construire, de démolir ou d'aménager et non aux dispositions portant transfert de permis de construire qui n'emporte de modification de l'autorisation qu'au regard de son titulaire. La qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section A n° 750, 751, 833 à 836, voisin immédiat du terrain d'assiette de la construction autorisée par le permis de construire initial, de la SCI Armanal qui loue ses terrains à des exploitants d'activité artisanale, confère à celle-ci un intérêt à agir contre cet arrêté de transfert de ce permis.

8. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Loriol du Comtat et la SCI Luceb à la demande de première instance de la SCI Armanal doivent être écartées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

9. D'une part, aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, applicable aux permis de construire en cours de validité à la date de son entrée en vigueur, le 1er octobre 2007 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du reste ultérieurement allongé de façon pérenne. En vertu de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 20 décembre 2008.

10. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

11. D'autre part, aux termes de l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme : " Lorsque le commencement des travaux est subordonné à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation, le délai de deux ans mentionné à l'article R. 424-17 court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation si cette date est postérieure à la notification visée à l'article R. 242-10 ou à la date à laquelle la décision tacite est intervenue ".

12. Le projet, autorisé par le permis de construire délivré le 20 août 2009 à M. B..., gérant de la société DSMI, consistait à réaliser un bâtiment de stockage comportant un auvent en rez-de-chaussée et un local fermé à l'étage, sur un terrain d'assiette, parcelle classée en zone rouge du plan de prévention des risques inondation (PPRI) du bassin Sud-ouest du Mont Ventoux approuvé le 30 juillet 2007. Si la SCI Luceb soutient, en s'appuyant sur les mentions figurant au plan de masse annexé à la demande de permis de construire que la réalisation du bassin de rétention et les travaux relatifs à la protection de l'ouvrage de gaz situé à proximité de l'emplacement du bassin étaient imposés par la mise en œuvre du permis ainsi délivré, il ressort de la notice architecturale jointe au dossier de demande, produite par la SCI Armanal et non contestée que les eaux pluviales devaient être collectées à travers des chéneaux et évacuées vers le réseau pluvial existant. Ainsi, l'autorisation de construire n'avait pas pour objet la réalisation de ce bassin.

13. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, notamment des mentions portées sur le plan de masse joint à la demande de permis de construire, de l'extrait du dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau, de l'attestation de la SARL Daniel et Caussaul, architecte, du 28 février 2018, de la déclaration d'intention de commencement de travaux à proximité d'un ouvrage de transport de gaz naturel, déposée le 29 mars 2011 et du récépissé remis par GRT Gaz, daté du 1er avril 2011, que, contrairement à ce qu'affirme la SCI requérante et nonobstant les mentions portées sur la notice architecturale jointe à la demande de permis de construire déposée par M. B..., les travaux autorisés par l'arrêté du 20 août 2009, nécessitaient la réalisation sur le terrain d'assiette de ce projet, classé en zone rouge du PPRI, d'un bassin de rétention, soumis aux prescriptions du code de l'environnement relatives à la protection des eaux et à ce titre, au dépôt d'une déclaration au titre de la loi sur l'eau dont le dossier a été établi le 29 avril 2009 par Aquapôle. La production d'un compte rendu d'ouverture de chantier de travaux à proximité d'un ouvrage de transport de gaz établi par GRT gaz, établi le 23 avril 2009 n'est pas de nature à infirmer la réalité de ces travaux commencés au début de l'année 2011, postérieurement à la déclaration d'intention de commencement de travaux à proximité d'un ouvrage de transport de gaz naturel souterrain situé à proximité immédiate de l'implantation du bassin, ayant donné lieu à un récépissé établi dans le cadre du décret du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution. Il n'est pas contesté que les travaux relatifs au bassin de rétention ont pris fin en 2012, retardant le chantier. Ainsi, nonobstant les quelques travaux préparatoires effectués sur le terrain, le commencement des travaux liés à l'autorisation de construire était subordonné à la réalisation de travaux relevant d'une procédure prévue par une autre législation au sens de l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme. Dès lors, le délai de péremption du permis de construire, prévu par l'article R. 424-17 a couru à compter de la date à laquelle les travaux ont pu commencer en application de la procédure prévue par les dispositions du code de l'environnement, soit début de l'année 2012.

14. A l'appui de sa demande de transfert du permis de construire initial, la SCI Luceb a produit la copie de factures d'entreprises diverses, adressées notamment à la société DSMI, émises sur une période de 2012 à 2015, relatives à la fourniture de matériaux divers, portant sur la réalisation de travaux de raccordement du terrain aux réseaux de télécommunication et d'assainissement, d'enrobé, des attestations d'ouvriers de chantier ainsi que des clichés photographiques. Toutefois, eu égard aux contestations développées par la SCI Armanal, d'une part et à leur objet, d'autre part, ces factures qui ne sont pas corroborées par les photographies produites, non datées, ni localisées, ne sont pas de nature à établir la réalité des travaux, leur lien avec le projet de construction autorisé et leur consistance, ni davantage les attestations d'ouvriers de chantier peu circonstanciées. Ainsi, il ne ressort pas de l'ensemble des pièces du dossier que M. B... a, au cours de la période de validité telle que définie par l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, soit à compter de l'année 2012 jusqu'à l'arrêté du 26 août 2015, réalisé des travaux en lien avec ceux autorisés par le permis de construire initial et dont la consistance aurait été telle que ce permis n'aurait pas été périmé à la date de son transfert par l'arrêté contesté. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'apprécier si les travaux entrepris ont fait l'objet d'une interruption de plus d'un an, en transférant le permis de construire périmé à la SCI Luceb, le maire de la commune de Loriol du Comtat a entaché l'arrêté contesté d'illégalité.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Armanal est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler ce jugement et l'arrêté du maire de la commune de Loriol du Comtat du 26 août 2015 transférant le permis de construire du 20 août 2009.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Armanal, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Loriol du Comtat et la SCI Luceb, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Loriol du Comtat la somme demandée par la SCI Armanal, au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 avril 2018 et l'arrêté du maire de la commune de Loriol du Comtat du 26 août 2015 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Loriol du Comtat présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Armanal, à la commune de Loriol du Comtat et à la SCI Luceb.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

2

N°18MA02749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02749
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Péremption.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Transfert.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP PENARD-OOSTERLYNCK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-15;18ma02749 ?
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