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14/10/2019 | FRANCE | N°18MA00120

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 14 octobre 2019, 18MA00120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le protocole transactionnel conclu le 31 mai 2015 entre la commune de Barcelonnette et les consorts I..., portant sur les conditions d'utilisation de la chapelle de l'Adroit, édifiée sur la parcelle cadastrée section A n° 95 au lieu-dit " Les Allemands ", ainsi que la délibération du 28 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de Barcelonnette a autorisé le maire à conclure cette transaction.

Par un jugement n° 1507915 du 8

novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le protocole transactionnel conclu le 31 mai 2015 entre la commune de Barcelonnette et les consorts I..., portant sur les conditions d'utilisation de la chapelle de l'Adroit, édifiée sur la parcelle cadastrée section A n° 95 au lieu-dit " Les Allemands ", ainsi que la délibération du 28 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de Barcelonnette a autorisé le maire à conclure cette transaction.

Par un jugement n° 1507915 du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 janvier 2018 et le 14 mars 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler le protocole transactionnel du 31 mai 2015 et la délibération du 28 avril 2015 ;

3°) d'annuler la décision du 4 août 2015 rejetant son recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Barcelonnette la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a intérêt à agir contre les décisions contestées ;

- en restreignant les conditions d'accès à la chapelle, le protocole transactionnel méconnaît l'article 7 de la loi du 9 décembre 1905 et l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907 ;

- il méconnaît le droit au libre exercice du culte ;

- le maire ne pouvait disposer contractuellement de ses pouvoirs de police ;

- la transaction ne comporte pas de concessions réciproques des parties ;

- les informations communiquées aux membres du conseil municipal étaient insuffisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2018, la commune de Barcelonnette, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par M. C... ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. C... n'a pas intérêt à agir contre les actes attaqués ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction été fixée au 31 juillet 2019 par une ordonnance du 10 juillet 2019.

Un mémoire en défense présenté pour M. K... I... a été enregistré le 24 septembre 2019.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance par le protocole transactionnel de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.

Un mémoire a été enregistré pour M. C... en réponse à cette mesure d'information le 24 septembre 2019 et pour la commune de Barcelonnette le 26 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

- la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Barcelonnette.

Considérant ce qui suit :

1. M. K... I... et Mme J... F..., d'une part, et M. A... I... et Mme H... I..., d'autre part, sont respectivement usufruitiers et nu-propriétaires de la parcelle cadastrée section A n° 95 située au lieu-dit " Les Allemands ", sur le territoire de la commune de Barcelonnette, sur laquelle a été édifiée en 1882 la chapelle dite " de l'Adroit ". Par un jugement en date du 16 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a enjoint à la commune de Barcelonnette de supprimer la mention de cette chapelle à l'inventaire des biens communaux, au motif que la commune n'établissait pas son appartenance au domaine public communal. A la suite de ce jugement, la commune et les consorts I... ont conclu le 31 mai 2015 un protocole transactionnel aux termes duquel, d'une part, la commune, qui reconnaît ne pas être propriétaire de la parcelle cadastrée section A n° 95 ni de la chapelle qui y est édifiée, s'engage à se désister de l'appel qu'elle avait introduit devant la cour administrative d'appel de Marseille, et, d'autre part, les consorts I... autorisent la commune à utiliser la chapelle et son mobilier pour la " fête du pain " le 1er mai de chaque année et à chaque fois qu'un événement ponctuel le justifiera, dans la limite de dix jours par an.

2. M. C... fait appel du jugement du 8 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du protocole transactionnel du 31 mai 2015 et de la délibération du 28 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Barcelonnette a autorisé le maire à conclure cette transaction.

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

4. En premier lieu, M. C..., habitant du hameau des Allemands qui se prévaut de la qualité de fidèle fréquentant régulièrement la chapelle en question, ne peut utilement faire valoir que les conseillers municipaux auraient été insuffisamment informés avant de délibérer sur le protocole transactionnel attaqué, dès lors que ce vice, qui n'est pas d'une gravité telle que le juge devrait le relever d'office, est sans rapport avec l'intérêt lésé dont il se prévaut.

5. En deuxième lieu, la commune de Barcelonnette, ainsi qu'il a été dit, reconnaît par le protocole transactionnel attaqué ne pas être propriétaire de la chapelle et de son terrain d'assiette et s'est engagée à se désister de l'appel qu'elle avait introduit dans une instance l'opposant aux consorts I..., en contrepartie de la faculté d'utiliser la chapelle, son mobilier et la parcelle attenante plusieurs jours chaque année. Elle comporte ainsi des concessions réciproques et équilibrées, alors même que les consorts I... conserveraient la faculté de résilier ce contrat.

6. En troisième lieu, les pouvoirs de police générale que tient le maire de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ne l'habilitent pas à réglementer les conditions d'accès à un lieu de culte privé en l'absence de trouble à l'ordre public. Contrairement à ce que soutient M. C..., le protocole transactionnel attaqué ne porte pas sur l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police. Le moyen tiré de ce que ces derniers auraient illégalement fait l'objet d'un contrat doit en conséquence être écarté.

7. En quatrième lieu, la chapelle de l'Adroit, construite par des personnes privées sur une propriété privée, n'appartenait ni à une collectivité publique, ni à un établissement public du culte, et n'est par suite pas au nombre des édifices cultuels régis par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat modifiée par celle du 13 avril 1908, et par la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes. M. C... ne peut par suite utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la loi du 9 décembre 1905 et de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907.

8. En cinquième lieu, aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. " La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat crée, pour les personnes publiques, des obligations, en leur imposant notamment, d'une part, d'assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes, d'autre part, de veiller à la neutralité des agents publics et des services publics à l'égard des cultes, en particulier en n'en reconnaissant ni n'en subventionnant aucun. Ainsi, aux termes de l'article 1er de cette loi : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " et, aux termes de son article 2 : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. "

9. L'article 2 de la transaction en litige se borne à permettre à la commune, ainsi qu'il a été dit, d'utiliser la chapelle, son mobilier et la parcelle attenante plusieurs jours chaque année. Elle ne porte pas sur l'organisation d'un culte. Elle ne constitue dès lors pas une libéralité que prohiberait la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat.

10. Enfin, contrairement à ce que soutient M. C..., le protocole transactionnel n'a pas pour objet ou pour effet de restreindre les conditions d'accès des tiers à la chapelle en question. Il ne porte donc pas atteinte à la liberté religieuse.

11. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du protocole transactionnel conclu le 31 mai 2015 entre la commune de Barcelonnette et les consorts I.... Ses conclusions dirigées contre la délibération du 28 avril 2015 et la décision du 4 août 2015 doivent être rejetées par voie de conséquence.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune en défense.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Barcelonnette sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. C... sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Barcelonnette sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune de Barcelonnette et à M. K... I....

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. G..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 octobre 2019.

2

N° 18MA00120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00120
Date de la décision : 14/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative - Neutralité du service public.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Contenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP TOMASI GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-14;18ma00120 ?
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