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04/10/2019 | FRANCE | N°18MA01320

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 04 octobre 2019, 18MA01320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Accompagnement Promotion Insertion (Api) Provence a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 novembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 3 de la 4ème section des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le licenciement pour fautes et insuffisance professionnelle de M. D... C..., ainsi que la décision du 10 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé cette d

cision et a refusé d'autoriser le licenciement de M. C....

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Accompagnement Promotion Insertion (Api) Provence a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 novembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 3 de la 4ème section des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le licenciement pour fautes et insuffisance professionnelle de M. D... C..., ainsi que la décision du 10 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé cette décision et a refusé d'autoriser le licenciement de M. C....

Par un jugement n° 1503095 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Nice a, à l'article 1er de ce jugement, annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 10 juin 2015 refusant à l'association Api Provence l'autorisation de licencier M. C..., en tant qu'elle porte sur la demande de licenciement pour insuffisance professionnelle et, par l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 et 27 mars 2018, sous le n° 18MA01320, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de l'association Api Provence présentée devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge de l'association Api Provence et de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 22 août 2014 de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de le licencier est définitive et revêtue de l'autorité de la chose jugée ;

- le comité d'entreprise n'a pas été consulté ;

- l'employeur était tenu de procéder à une recherche de reclassement ;

- le motif de l'insuffisance professionnelle n'est pas sérieux à défaut d'une évaluation de sa charge de travail ;

- les faits fautifs se prescrivant par deux mois, aucun des reproches antérieurs au 10 mai 2014 ne peut être discuté ;

- le grief tenant au non-respect des procédures et règles de fonctionnement résulte de l'absence de procédure au sein de l'association qui a entraîné de graves dysfonctionnements organisationnels ;

- ses retards et sa non présentation à des réunions ne sauraient justifier un licenciement pour faute ;

- il n'a jamais eu de comportement agressif vis à vis de sa direction ;

- il n'a pas eu les moyens de manager ses équipes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, l'association Api Provence représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 2018 en tant qu'il a confirmé la décision du 10 juin 2015 ayant refusé l'autorisation de licenciement de M. C... sur le motif de ses fautes professionnelles ;

2°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., représentant syndical au comité d'entreprise et délégué syndical occupait depuis le 5 octobre 2010 des fonctions de référent médiation locative et sociale au sein de l'association Api Provence. Cette dernière a demandé, par lettre du 30 septembre 2014, à l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 3 de l'unité territoriale des Alpes-Maritimes, l'autorisation de licencier M. C... pour fautes et insuffisance professionnelle. Cette demande a fait l'objet d'une décision de refus du 20 novembre 2014 de l'inspecteur du travail. L'association Api Provence a formé, le 16 janvier 2015, un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui, par décision du 10 juin 2015, a retiré la décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique née le 19 mai 2015, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 20 novembre 2014 et refusé le licenciement de M. C.... Le requérant relève appel du jugement du 30 janvier 2018 du tribunal administratif de Nice qui, à la demande de l'association Api Provence, a, par l'article 1er de ce jugement, annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 10 juin 2015 refusant à l'association Api Provence l'autorisation de licencier M. C..., en tant qu'elle porte sur la demande de licenciement pour insuffisance professionnelle et, par l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. C... doit être regardé comme demandant l'annulation de l'article 1er du jugement contesté. Les conclusions incidentes de l'association Api Provence doivent être regardées comme tendant à l'annulation de l'article 2 de ce jugement.

Sur les conclusions principales de M. C... tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué :

2. M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'un nouvel entretien préalable et du défaut de consultation du comité d'entreprise dès lors que ces moyens sont dirigés contre la décision du 10 juin 2015 qui lui est favorable, par laquelle le ministre chargé du travail a refusé la demande de licenciement de l'association Api Provence. Il en va de même des moyens tirés du caractère définitif de la précédente décision du 22 août 2014 de l'inspecteur du travail et de la violation de " l'autorité de la chose jugée " par cette décision, qui, n'étant pas une décision juridictionnelle, n'est en tout état de cause pas revêtue d'une telle autorité.

3. Si M. C... soutient que l'association Api Provence aurait dû procéder à une recherche de reclassement, aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe n'impose une telle obligation à un employeur qui souhaite licencier un salarié auquel il reproche une insuffisance professionnelle, les dispositions du code du travail ne prévoyant une telle obligation que dans les hypothèses où le licenciement est justifié soit par un motif économique soit par l'inaptitude physique du salarié. Dès lors, les premiers juges ont estimé à juste titre que le ministre chargé du travail a commis une erreur de droit en retenant que l'employeur ne justifiait d'aucune démarche de reclassement du salarié au sein de l'association.

4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'insuffisance professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

5. Il ressort de la demande d'autorisation de licenciement de l'employeur que l'insuffisance professionnelle reprochée à M. C... est fondée sur son absence totale d'implication dans le recrutement d'un salarié, l'absence d'accueil et de suivi particulier des nouveaux personnels embauchés placés sous sa responsabilité, l'absence d'encadrement de ses collaborateurs dans le cadre de la relation contractuelle, ainsi que l'absence de gestion, de transmission au siège et de suivi des demandes d'absences et des demandes de remboursements de frais de ses collaborateurs. Par la décision contestée, le ministre chargé du travail a reconnu que les pièces produites par l'association API Provence permettaient non seulement d'attester des retards de la part du salarié dans la gestion, la transmission au siège et le suivi des demandes d'absences et des demandes de remboursement de frais de ses collaborateurs mais établissaient également que le salarié répondait partiellement à l'accueil et au suivi d'une nouvelle personne embauchée dans l'entreprise et a tardé à s'impliquer dans le recrutement des candidats à des postes à pourvoir dans l'entreprise. M. C..., qui ne conteste pas la matérialité de ces griefs, soutient qu'il aurait dû bénéficier d'un entretien organisé par l'employeur dès 2011 ainsi que d'une formation et que sa charge de travail n'a pas été évaluée. Toutefois, au regard du caractère durable des insuffisances de M. C... et de son expérience professionnelle dans des fonctions d'encadrement, ces éléments retenus par la décision contestée ne sont pas de nature à justifier les insuffisances professionnelles reprochées, d'autant que des objectifs assez précis lui avaient été fixés en mai 2014. Si M. C... se prévaut d'un rapport d'expertise du 10 septembre 2012 sollicité par le CHSCT lequel a mis en avant les lacunes de l'employeur dans la gestion de son personnel, il ressort des pièces du dossier que ce rapport a été demandé suites aux plaintes des collaborateurs de M. C... concernant son comportement. Ainsi, ces insuffisances professionnelles sont de nature à justifier son licenciement.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 10 juin 2015 refusant à l'association Api Provence l'autorisation de le licencier en tant qu'elle porte sur la demande de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Sur les conclusions incidentes de l'association Api Provence tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2014 de l'inspecteur du travail :

7. Par la décision du 10 juin 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a notamment annulé la décision du 20 novembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'accorder à l'association Api Provence l'autorisation de licencier M. C.... Dès lors, les conclusions de l'association Api Provence tendant à l'annulation de cette dernière décision sont irrecevables.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Il ressort des pièces du dossier que la demande du 30 septembre 2014, par laquelle l'association Api Provence a demandé l'autorisation préalable de licencier M. C... portait notamment sur le grief tiré de l'attitude inappropriée du salarié à l'égard de la direction. Toutefois, il ne ressort pas de la décision contestée que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social aurait examiné ce grief. Par suite l'appréciation du ministre quant aux fautes professionnelles reprochées à M. C... est entachée d'un défaut d'examen.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des conclusions incidentes que l'association Api Provence est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2, le jugement attaqué a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2015 en tant que celle-ci refuse l'autorisation de licenciement de M. C... pour faute professionnelle.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Api Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association Api Provence et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 30 janvier 2018, en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'association Api Provence tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2015 en tant qu'elle refuse le licenciement pour faute professionnelle de M. C..., ensemble cette décision dans la même mesure, sont annulés.

Article 3 : M. C... versera à l'association Api Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à l'association Api Provence et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

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N° 18MA01320

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01320
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Motifs autres que la faute ou la situation économique - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DEOUS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-04;18ma01320 ?
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