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01/10/2019 | FRANCE | N°18MA02284

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 01 octobre 2019, 18MA02284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 mars 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour portant mention "étudiant" et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par le jugement n° 1703013 du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2018, M. A...

, représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2017 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 mars 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour portant mention "étudiant" et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par le jugement n° 1703013 du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2018, M. A..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "étudiant" dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de prendre une décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me F... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- les premiers juges ont opéré une substitution de base légale de la décision en litige sans en avoir informé au préalable les parties.

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet s'est fondé à tort sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il justifie du caractère sérieux et de la réalité de ses études au sens du premier paragraphe du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Sur le délai de départ volontaire de 30 jours :

- le préfet aurait dû lui accorder un délai supplémentaire.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par lettre en date du 9 juillet 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office par la Cour tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi par le préfet, qui a fondé la décision en litige sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur l'accord franco-algérien.

Une réponse à ce moyen d'ordre public a été présentée le 10 juillet 2019 par le préfet des Bouches-du-Rhône.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à 55 % par décision du 26 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 novembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône le renouvellement de son titre de séjour portant mention "étudiant". Par la décision en litige du 22 mars 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 mars 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

3. Il ressort notamment des visas de la décision en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé, pour prendre cette décision, sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicables à la demande de renouvellement d'un certificat de résidence portant mention "étudiant" d'un ressortissant algérien comme l'est M. A.... L'administration n'a pas demandé dans ses écritures en défense de première instance la substitution de base légale de la décision en litige avec le premier alinéa du Titre III du Protocole annexé au premier avenant à l'accord franco-algérien, seul applicable en l'espèce. Il ressort des visas du jugement attaqué que le tribunal a appliqué d'office l'accord franco-algérien sans avoir mis les parties en mesure de présenter leurs observations sur cette substitution de base légale. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour ce motif et à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu en conséquence d'évoquer et par-là, de statuer en qualité de juge de première instance sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... C..., signataire de l'arrêté contesté, bénéficiait, par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 septembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 223 du 22 septembre 2016, en sa qualité d'adjoint au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône, d'une délégation à l'effet de signer les décisions en matière de refus de séjour, d'obligation de quitter le territoire français, de décisions relatives au délai de départ volontaire, et de décisions fixant le pays de destination. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

6. En deuxième lieu, le préfet ne pouvait pas légalement se fonder, pour prendre sa décision contestée, sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les parties en ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

7. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2, il appartient à la Cour de procéder à la substitution de base légale de la décision en litige, dès lors que M. A... a disposé des garanties dont est assortie l'application du Titre III du Protocole annexé au premier avenant à l'accord franco-algérien.

8. Aux termes du premier alinéa du Titre III du Protocole annexé au premier avenant à l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (...) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention étudiant ou stagiaire ". Le renouvellement de ce titre de séjour est subordonné notamment à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 7 septembre 2013 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention "étudiant" et qu'il a bénéficié à ce titre de plusieurs titres de séjour jusqu'au 31 octobre 2016. Au titre des années universitaires 2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016, il s'est inscrit en troisième année de licence "'administration économique et sociale" et n'a validé qu'un seul semestre au terme de ces trois années universitaires. S'il fait valoir qu'il n'a pas pu se présenter aux examens du premier semestre de l'année universitaire 2014-2015 en raison de son état de santé, le certificat médical du 14 avril 2017 mentionnant qu'il présente des problèmes de santé depuis le mois d'octobre 2015 n'est pas de nature à établir que ces problèmes l'auraient empêché de suivre une scolarité normale pendant cette période. Au titre de l'année universitaire 2016-2017, il s'est réorienté pour suivre pendant deux ans une formation de brevet de technicien supérieur (BTS) "services informatiques aux organisations". Alors même qu'il aurait obtenu de meilleurs résultats scolaires lors de cette nouvelle formation, qu'il serait selon les attestations de ses professeurs de BTS qu'il produit un étudiant sérieux et impliqué, qu'il bénéficierait d'un contrat de professionnalisation conclu dans le cadre de ce BTS pour la période du 26 septembre 2016 au 30 juin 2018 et qu'il aurait été proposé au requérant d'intégrer un master I en Ressources Humaines, M. A... n'a obtenu aucun diplôme pendant les trois premières années de ses études en France. Par suite, le préfet a pu à bon droit estimer, à la date de la décision attaquée, que M. A... ne justifiait pas de la réalité et du sérieux de ses études et refuser pour ce motif de renouveler son titre de séjour "étudiant" sans méconnaître le 1er paragraphe du titre III du protocole annexé à l'accord franco algérien du 27 décembre 1968.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. M. A... est entré en France le 7 septembre 2013 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention "étudiant" ne l'autorisant pas à séjourner durablement en France. Il est célibataire sans charge de famille. S'il soutient être fiancé avec une ressortissante française, il ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il partage une communauté de vie avec cette dernière. Il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, et alors même que son oncle et ses deux tantes sont de nationalité française, M. A... n'établit pas avoir constitué le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de l'admettre au séjour au titre de sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. D'abord, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'en l'absence d'illégalité du refus de délivrance du titre de séjour sollicité, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

13. Ensuite, en l'absence d'une argumentation spécifique dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation par les mêmes motifs que ceux indiqués au point 11 concernant le refus de titre de séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...)".

15. En se bornant à soutenir que le délai de départ volontaire de trente jours qui lui a été accordé était trop court eu égard à sa formation en cours de BTS, le requérant n'établit pas que le préfet n'aurait pas tenu compte des circonstances particulières de son cas de nature à lui accorder un délai de départ supérieur à trente jours, en méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est annulé.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... F....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme E..., première conseillère,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

6

N° 18MA02284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02284
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : TOUHLALI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-01;18ma02284 ?
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