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17/09/2019 | FRANCE | N°18MA01003

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 17 septembre 2019, 18MA01003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande du 27 octobre 2014 ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux du 30 décembre 2014 tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA).

Par un jugement n° 1501852 du 5 janvier 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande du 27 octobre 2014 ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux du 30 décembre 2014 tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA).

Par un jugement n° 1501852 du 5 janvier 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2018, et des mémoires, enregistrés les 8 février et 1er avril 2019, Mme A..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 janvier 2018 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière et de lui accorder le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été affectée au sein de la circonscription de police de Nice laquelle lui ouvre droit à l'ASA ;

- l'arrêté interministériel du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, pris en application du décret n° 95-313 du 21 mars 1995, a été invalidé par une décision du Conseil d'Etat du 16 mars 2011, en tant qu'il limite le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté aux seuls fonctionnaires ayant été affectés dans le ressort territorial des circonscriptions de police de Paris et Versailles, pour erreur de droit ;

- aucune prescription ne peut lui être opposée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre 2018 et 18 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- la créance de l'intéressée est frappée de prescription.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 ;

- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me G..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., fonctionnaire de police, a été affectée à la préfecture de police de Paris du 1er août 1990 au 30 septembre 1991, à la direction de la sécurité publique (DSP) du 13ème arrondissement de Paris du 1er octobre 1991 au 31 août 1993, à la circonscription de sécurité publique (CSP) de Nice du 1er septembre 1993 au 30 novembre 2002, à la CSP de Carpentras du 1er décembre 2002 au 4 décembre 2002, de nouveau à la CSP de Nice du 5 décembre 2002 au 31 août 2005 et à l'antenne de police judiciaire de Nice, à compter du 1er septembre 2005. Le 27 octobre 2014, elle a sollicité le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er septembre 1993. L'intéressée relève appel du jugement rendu le 5 janvier 2018 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites du ministre de l'intérieur lui refusant le bénéfice de cet avantage.

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre de l'intérieur :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 7 de cette loi : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'a pas soulevé devant le tribunal administratif de Nice l'exception de prescription. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968, il n'est pas fondé à opposer, pour la première fois en appel, la prescription des créances de Mme A....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". En vertu de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". L'arrêté interministériel du 17 janvier 2001 fixant la liste des CSP en application du décret du 21 mars 1995 a été abrogé et remplacé par un arrêté du 3 décembre 2015 entré en vigueur le 17 décembre 2015 lequel a édicté une nouvelle liste comprenant soit des circonscriptions de sécurité publique, qui constituent, aux termes de l'article 252-3 du règlement général d'emploi de la police nationale approuvé par l'arrêté du 6 juin 2006, " la structure de base des services territoriaux de la sécurité publique ". Si l'arrêté du 3 décembre 2015 ne dispose que pour l'avenir, une directive du ministre de l'intérieur du 9 mars 2016, publiée au bulletin officiel du 18 avril 2016, a arrêté, à titre d'orientation générale pour le traitement de la situation des agents en matière d'avantage spécifique d'ancienneté entre le 1er janvier 1995 et le 16 décembre 2015, une liste indicative de circonscriptions de sécurité publique éligibles à cet avantage pour cette période passée. Au nombre des circonscriptions mentionnées par cette directive figure la circonscription de sécurité publique de Nice et celle de Carpentras.

5. D'autre part, le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Ces dispositions font par suite obstacle à l'attribution d'un avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un service dépendant directement de la direction départementale de la sécurité publique, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions.

6. Le ministre de l'intérieur a opposé, dans son mémoire en défense, notamment comme motif de refus, une analyse de l'ensemble des statistiques disponibles permettant d'identifier les CSP éligibles à l'ASA pour la période antérieure à celle ouverte par l'arrêté du 3 décembre 2015, ce qui a eu pour conséquence l'édiction de la liste actualisée des CSP, annexée à la directive du 9 mars 2016 citée au point 4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense, que Mme A... a été affectée administrativement à la CSP de Nice du 1er septembre 1993 au 30 novembre 2002, à la CSP de Carpentras du 1er décembre 2002 au 4 décembre 2002, de nouveau à la CSP de Nice du 5 décembre 2002 au 31 août 2005 et à l'antenne de police judiciaire de Nice, à compter du 1er septembre 2005. Si l'antenne de police judiciaire de Nice ne fait pas partie des circonscriptions de police évoquées au point 5, seules éligibles à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté au sens du décret du 21 mars 1995, et n'en constitue pas non plus une subdivision, toutefois, l'intéressée a été affectée au sein de la CSP de Nice et de Carpentras correspondant à des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, elles-mêmes éligibles à l'ASA. Il s'ensuit que le bénéfice de l'ASA ne pouvait donc être refusé à cet agent qui justifie d'une durée minimale de trois ans de services continus à compter du 1er janvier 1995 dans un quartier urbain visé à l'article 2 du décret du 21 mars 1995. Dès lors, les décisions litigieuses sont illégales, en tant qu'elles rejettent la demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'ASA seulement pour la période du 1er janvier 1995 au 30 novembre 2002, période dont il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas fait l'objet du versement de l'ASA.

7. Enfin, la requérante excipe de l'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001 au motif que les ministres auteurs de cet arrêté auraient commis une erreur de droit. Toutefois, rien dans le dossier ne vient attester de ce que les décisions implicites en cause sont fondées sur cet arrêté. Dès lors, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cet arrêté est sans influence sur le litige et doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites du ministre de l'intérieur en tant qu'elles lui refusent le bénéfice de l'ASA pour la période du 1er janvier 1995 au 30 novembre 2002. Elle est, dès lors, fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement et, dans cette même mesure, les décisions implicites de rejet du ministre de l'intérieur.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif que le fonde, le présent arrêt implique nécessairement que l'administration reconstitue la carrière de Mme A... en prenant en compte l'avantage spécifique d'ancienneté et lui verse les sommes correspondantes pour la période visée au point précédent. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais du litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdant pour l'essentiel dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les décisions implicites du ministre de l'intérieur sont annulées en tant qu'elles ont refusé à Mme A... le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er janvier 1995 au 30 novembre 2002.

Article 2 : Le jugement du 5 janvier 2018 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de reconstituer la carrière de Mme A... en prenant en compte l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à Nice pour la période du 1er janvier 1995 au 30 novembre 2002 et de lui verser les sommes correspondantes dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, où siégeaient :

- Mme F..., présidente,

- Mme E..., première conseillère,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2019.

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N° 18MA01003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01003
Date de la décision : 17/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Ahmed SLIMANI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : AARPI MASQUELIER-CUERVO AVOCATS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-17;18ma01003 ?
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