Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision, en date du 1er décembre 2015, par laquelle le maire d'Allos a résilié la convention d'exploitation du restaurant " Le Plan d'Eau ", ensemble sa décision du 22 février 2016 rejetant son recours gracieux, d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de condamner la commune d'Allos à lui verser une indemnité de 181 783 euros en réparation des préjudices qu'il a subis.
Par un jugement n° 1603458 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 juin 2018 et 2 avril 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du maire d'Allos du 1er décembre 2015 portant résiliation de la convention d'exploitation du restaurant " Le Plan d'Eau ", ainsi que celle du 22 février 2016 rejetant son recours gracieux ;
3°) de condamner la commune d'Allos à lui payer une indemnité de 181 783 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Allos la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a répondu ni au moyen tiré de ce que la décision contestée constitue une sanction et devait donc être motivée ni aux moyens dirigés contre la décision du 22 février 2016 ;
- la mesure de résiliation est fondée sur une prétendue faute, non sur un motif d'intérêt général, du fait de la substitution de la décision de rejet du recours administratif à la décision initiale du 1er décembre 2015 ;
- la première décision de résiliation du 1er décembre 2015 n'est pas motivée ;
- le maire d'Allos n'a pas respecté les exigences de l'article L. 121-1 code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2019, la commune d'Allos conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de résiliation contestée n'est pas une sanction et n'était soumise à aucune obligation de motivation ;
- elle repose sur un motif d'intérêt général dont le requérant n'invoque pas le caractère infondé et qu'il ne pourrait d'ailleurs désormais contester, faute de l'avoir fait en première instance ;
- la décision du 22 février 2016 est confirmative en ce qu'elle n'entendait pas revenir sur celle du 1er décembre 2015, de sorte que le recours était tardif, donc irrecevable ;
- le principe du contradictoire a été respecté, notamment lors de la réunion de la commission relative à la gestion de la base de loisirs du 25 novembre 2015 ;
- M. C... n'a pas respecté certaines stipulations de la convention d'exploitation, justifiant l'absence d'indemnisation en cas de résiliation pour motif d'intérêt général, ou en tout état de cause, la résiliation pour faute ;
- la décision de résiliation n'ouvre pas droit à indemnisation des investissements matériels, du fait que ceux-ci auraient pu faire l'objet d'une reprise sur le fondement de l'article 6 du cahier des charges de la convention d'exploitation ;
- la décision, à la supposer entachée d'un vice de procédure, ne pourrait ouvrir droit à indemnisation.
Par ordonnance du 3 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., représentant M. C... et celles de Me E..., substituant Me F..., pour la commune d'Allos.
Considérant ce qui suit :
1. Par convention du 12 mai 2015, la commune d'Allos a confié à M. C... l'exploitation du snack-restaurant " le Plan d'Eau ", situé sur sa base de loisirs. Par décision du 1er décembre 2015, notifiée le lendemain, la commune d'Allos a prononcé la résiliation de cette convention, à compter du 1er mars 2016. M. C... a formé le 26 janvier un recours gracieux contre cette mesure, qui a été rejeté le 22 février 2016 par une décision du maire mentionnant diverses fautes imputées à l'intéressé. Celui-ci relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions et à la condamnation de la commune d'Allos à lui verser une indemnité.
I. Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que soutient M. C..., le Tribunal a expressément répondu à son moyen tiré de ce que la décision de résiliation prise à son égard constituait une sanction et devait dès lors être motivée. Le jugement attaqué n'est donc entaché sur ce point d'aucune irrégularité.
4. En second lieu, il résulte des termes de ce jugement que le Tribunal a regardé la décision du 22 février 2016 comme confirmant celle du 1er décembre 2015 et reposant sur les mêmes motifs. S'il est loisible à M. C..., au titre de la critique du bien-fondé du jugement, de contester la pertinence de cette réponse au regard des moyens invoqués à l'encontre de cette décision, qui étaient les mêmes que ceux articulés à l'encontre de la décision initiale, il n'est en revanche pas fondé à soutenir que le Tribunal a insuffisamment motivé sa décision sur ce point.
II. Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
II.1. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de résiliation :
5. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat, dans le délai de deux mois, un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles.
6. Si M. C..., qui sollicite devant la Cour l'annulation de la décision résiliant le contrat, peut être regardé comme demandant à celle-ci de faire usage des pouvoirs ci-dessus décrits, sa requête ne conteste pas les motifs par lesquels les premiers juges ont prononcé le non-lieu à statuer sur ces conclusions. Le jugement doit par suite être confirmé sur ce point.
II.2. En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
II.2.1. S'agissant du caractère fautif de la résiliation et de ses conséquences :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Selon l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (....) ". L'article L. 122-2 de ce code dispose : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention d'exploitation litigieuse : " 1) résiliation pour faute de l'exploitant : A défaut de paiement de la redevance ou encore d'inexécution d'une seule des conditions de la convention, et un mois après sommation d'exécuter (...), la présente convention sera résiliée unilatéralement (...) / 2) résiliation par l'exploitant : (...) 3) résiliation du fait de la commune : A tout moment, et sans avoir à se justifier la commune d'Allos se réserve le droit de résilier la présente convention après un préavis de trois mois (....) ".
8. Si la commune d'Allos soutient avoir résilié le contrat en application des stipulations du 3 de son article 8, il résulte de l'instruction, et notamment des propos échangés entre la collectivité et l'exploitant lors de la commission municipale relative à la base de loisirs tenue le 25 novembre 2015, ainsi que des termes du courrier du 22 février 2016 rejetant le recours gracieux contre la décision du 1er décembre 2015, que la mesure litigieuse ne constitue pas une résiliation " du fait de la commune " au sens de ces stipulations, lesquelles se borne à instaurer un pouvoir de résiliation pour motif d'intérêt général, mais une mesure destinée à sanctionner le constat d'une faute imputée à l'exploitant, auquel était reprochée l'inexécution de certaines des clauses du contrat. M. C... est par suite fondé à soutenir que cette mesure devait être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et faire l'objet d'une procédure contradictoire conforme aux dispositions des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 122-2 de ce code. En l'absence d'une telle procédure, dont la seule convocation de l'intéressé devant la commission municipale relative à la base de loisirs ne pouvait tenir lieu, M. C..., ainsi privé d'une garantie essentielle à la préservation de ses droits, est fondé à arguer d'un vice de procédure.
9. En deuxième lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du compte rendu de la réunion mentionnée au point précédent, que le maire d'Allos a retenu à l'encontre de M. C... plusieurs manquements, en particulier un temps d'attente trop long pour les clients, une mauvaise gestion des approvisionnements alimentaires se traduisant par l'impossibilité de servir certains plats proposés, la limitation excessive des activités, au nombre de seulement deux durant l'été 2015, la dégradation d'un disjoncteur communal, la fermeture du restaurant avant le terme de la saison, la condamnation de la salle d'accueil les jours de pluie ainsi que le fait que M. C... fumait dans et à proximité de locaux, n'occupait pas le logement de fonction et a fait entrer son chien dans l'enceinte de la base de loisirs.
11. M. C... produit plusieurs attestations susceptibles de remettre en cause, à tout le moins en partie, les griefs tirés de la qualité de la nourriture et des temps d'attente, qui ne peuvent toutefois être intégralement écartés dès lors qu'ils sont en partie confirmés par une attestation de la responsable de la base de loisirs, ainsi que le grief tiré de la dégradation du disjoncteur, qui apparaît imputable à l'inaction de la commune.
12. En revanche, il résulte de l'instruction qu'alors que l'article 5-8 de la convention d'exploitation mettait à la charge de M. C... l'obligation d'occuper le logement de fonction situé dans l'immeuble abritant le restaurant afin d'assurer la sécurité nocturne des lieux, le requérant ne s'est pas acquitté de cette obligation, les divers motifs qu'il invoque pour s'en justifier, tenant notamment à l'absence de police d'assurance ou à la nécessité de travaux, attestés seulement par M. C... lui-même ou par ses proches, n'étant pas établis dans leur réalité.
13. De même, il résulte de l'instruction, et notamment d'attestations produites par le requérant lui-même, que ce dernier a fermé l'établissement dont il avait la charge dès le 31 août 2015 et non le 15 septembre 2015 comme l'y obligeait l'article 5 du cahier des charges et laissé son chien circuler sur la base de loisirs au moins une fois au cours de la période d'exploitation.
14. Il est de même établi par les pièces produites par la commune d'Allos, faute notamment de contestation efficace de M. C... sur ce point, que les activités organisées sur la base de loisirs au cours de l'été 2015 se sont limitées à deux, que la salle d'activités est demeurée fermée à l'occasion de certains jours de pluie et que M. C... fumait occasionnellement dans l'enceinte de la base de loisirs, méconnaissant ainsi son règlement.
15. Ces différents griefs, dont la matérialité est ainsi établie, constituent autant de fautes contractuelles au regard des stipulations de l'article 5 de la convention d'exploitation ainsi que des articles 5, 7 et 8 du cahier des charges et étaient de nature, eu égard à leur nature et à leur ampleur ainsi qu'à l'objet de celui-ci, à justifier la résiliation du contrat. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'eu égard au déroulement de la procédure, et notamment au fait que M. C... a été en mesure de faire valoir des observations orales devant la commission municipale relative à la base de loisirs ainsi qu'à la nature et à la portée du vice de procédure ci-dessus évoqué au point 8, que la même sanction aurait pu être légalement prise, tant dans son principe même de la sanction que dans sa gradation, dans le cadre d'une procédure régulière.
16. En troisième lieu, si M. C... fait valoir que la sanction adoptée à son encontre aurait été édictée en vue de permettre la reprise de cette activité par un proche du maire, il ne résulte pas de l'instruction que les autorités communales, qui se sont fondées, pour résilier le contrat, sur des fautes en majeure partie avérées, se seraient fondées sur des motifs étrangers à l'intérêt du service. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée de détournement de pouvoir.
II.2.2. S'agissant de l'absence d'amortissement des biens acquis pour l'exécution de la convention :
17. Si M. C... réclame l'indemnisation de la part non-amortie des frais qu'il a engagés pour l'exploitation du restaurant, constitués de diverses formalités d'enregistrement et d'achat de petit matériel pour un montant de 2 287 euros, il n'établit pas l'absence d'amortissement de ses frais au cours de l'année d'exploitation. Sa demande, sur ce point également, doit par suite être rejetée.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à l'allocation des sommes de 150 000 euros au titre du préjudice moral, de 28 885 euros au titre du bénéfice manqué et de 2 287 euros au titre de l'absence d'amortissement du fait de la décision de résiliation. Il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ses conclusions, de rejeter sa requête d'appel.
III. Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. C... sur leur fondement soit mise à la charge de la commune d'Allos, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune d'Allos.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Allos tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. D... C...et à la commune d'Allos.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- M. D... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2019.
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N° 18MA02932