Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 7 mars 2017 lui refusant un titre de séjour.
Par un jugement n° 1702175 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°1702175 du 27 septembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de l'Hérault du 7 mars 2017 portant refus de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre, à défaut, au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 200 euros à verser à MeD..., qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa demande de titre était fondée sur les dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation ;
- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen réel et complet ;
- la décision en litige est fondée sur des faits matériellement inexacts sur les revenus perçus au cours de l'année 2015 ;
- la décision en litige est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il bénéficiait d'un droit au séjour permanent ;
- la décision en litige a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. E...C...en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Silvy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant bulgare né le 17 octobre 1970, relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 7 mars 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ". Et aux termes de l'article L. 121-2 de ce code : " Les ressortissants visés à l'article L. 121-1 qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle se font enregistrer auprès du maire de leur commune de résidence dans les trois mois suivant leur arrivée. (...) / Ils ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour. S'ils en font la demande, il leur est délivré un titre de séjour. (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. / Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3 acquiert également un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français à condition qu'il ait résidé en France de manière légale et ininterrompue avec le ressortissant visé à l'article L. 121-1 pendant les cinq années précédentes. Une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit lui est délivrée. ". Aux termes de l'article R. 122-1 de ce code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 alors applicable : " Les ressortissants mentionnés au premier alinéa de l'article L. 122-1 peuvent solliciter la délivrance d'une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Séjour permanent - Toutes activités professionnelles ", qui est remise dans les meilleurs délais. La reconnaissance du droit de séjour n'est pas subordonnée à la détention de ce titre. ". Et aux termes de l'article R. 122-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 : " La continuité de séjour nécessaire à l'acquisition du droit au séjour permanent n'est pas affectée par : / 1° Des absences temporaires ne dépassant pas six mois par an ; / 2° Des absences d'une durée plus longue pour l'accomplissement des obligations militaires ; / 3° Une absence de douze mois consécutifs au maximum pour une raison importante, telle qu'une grossesse, un accouchement, une maladie grave, des études, une formation professionnelle ou un détachement à l'étranger pour raisons professionnelles. / La continuité du séjour nécessaire à l'acquisition et au maintien du droit au séjour permanent peut être attestée par tout moyen de preuve. Elle est interrompue par l'exécution d'une décision d'éloignement. ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des observations en défense présentées par le préfet de l'Hérault que M. B...est entré en France le 5 janvier 2010 et qu'il a obtenu cinq titres de séjour, constatant qu'il satisfaisait aux conditions fixées aux articles L. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de ressortissant d'un État membre de l'Union européenne entre 2010 et 2016, le dernier de ces titres expirant le 8 décembre 2016. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que l'un ou plusieurs de ces titres auraient été abrogés ou retirés en raison d'une méconnaissance des conditions prescrites à l'article L. 121-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il ressort des propres écritures du préfet que M. B...justifiait de la légalité de son séjour sur le territoire français, au sens des dispositions de l'article L. 122-1 de ce code, au cours des cinq années précédant la décision litigieuse. Il ressort également des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M.B..., installé à Montpellier depuis 2010 avec son épouse et leurs enfants, réside de manière ininterrompue sur le territoire français depuis cette date. La circonstance que M. B...n'aurait pas sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour présenté, à la supposer même établie, est sans incidence à cet égard dès lors que l'acquisition du droit au séjour permanent s'apprécie, par application des dispositions combinées des articles L. 122-1 et R. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indépendamment de toute demande de titre de séjour sur ce fondement. Enfin, il n'est ni allégué, ni établi que le requérant présenterait une menace pour l'ordre public. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Hérault ne pouvait valablement opposer les conditions fixées à l'article L. 121-1 tenant notamment à l'activité professionnelle ou aux ressources de ce ressortissant communautaire à la date de la décision attaquée, dès lors que celui-ci satisfaisait, antérieurement à celle-ci, aux conditions d'acquisition du droit au séjour permanent conformément aux prévisions de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
7. La présente décision constate que M. B...avait acquis un droit au séjour permanent sur le territoire français à la date de la décision attaquée. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué que, depuis cette date, M. B...aurait quitté plus de deux années consécutives le territoire français ou qu'il présenterait, à la date de clôture de l'instruction, une menace pour l'ordre public. Au regard de ces motifs et en l'état de l'instruction, la présente décision implique nécessairement que le préfet de l'Hérault délivre à M. B... une carte de séjour de dix ans portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Séjour permanent - Toutes activités professionnelles ". Par suite, il y a lieu de prescrire au préfet de l'Hérault de délivrer à l'intéressé ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois (...) pour recouvrer la somme qui lui est allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'État. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive. (...) ".
9. Le conseil de M. B...présente des conclusions sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la décision du bureau d'aide juridictionnelle susvisée du 25 janvier 2019, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans ces conditions, de mettre à la charge de l'État le versement à Me D...d'une somme de 1 200 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 septembre 2018 est annulé.
Article 2 : La décision du préfet de l'Hérault du 7 mars 2017 portant refus de titre de séjour est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B...une carte de séjour de dix ans portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Séjour permanent - Toutes activités professionnelles " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me A...D...une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Me A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
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N° 19MA01401
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