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18/06/2019 | FRANCE | N°19MA00261

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 18 juin 2019, 19MA00261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision en date du 29 novembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Lauret a refusé de saisir le conseil municipal afin d'abroger la délibération du conseil municipal du 14 décembre 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune et de déclarer illégale cette délibération.

Par un jugement n° 1706092 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2018, M. E..., représenté par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision en date du 29 novembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Lauret a refusé de saisir le conseil municipal afin d'abroger la délibération du conseil municipal du 14 décembre 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune et de déclarer illégale cette délibération.

Par un jugement n° 1706092 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2018, M. E..., représenté par la SCP CGCB et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Lauret du 29 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lauret une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont estimé à tort qu'il ne pouvait invoquer des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme ;

- toutefois, à la suite de l'abrogation de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme, eu égard aux modifications substantielles affectant l'économie générale de ce document d'urbanisme, une nouvelle procédure devait être organisée comportant une nouvelle enquête publique ;

- la décision du Conseil d'Etat du 18 mai 2018 ne peut recevoir application à la matière d'urbanisme gouvernée par les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme et ainsi, le moyen soulevé est recevable et opérant ;

- le classement de son terrain est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2019, la commune de Lauret, représentée par la SCP C...-d'Albenas conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M.E..., et de Me C..., représentant la commune de Lauret.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 29 novembre 2017, le maire de la commune de Lauret a rejeté la demande présentée par M. E..., tendant à ce qu'il soit inscrit à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune, approuvé le 14 décembre 2016. Par le jugement du 15 novembre 2018 dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 123-22-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " L'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par le conseil municipal après enquête publique (...) ". L'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, relatif à la convocation du conseil municipal, dispose que : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le conseil municipal est seul compétent pour abroger tout ou partie du plan local d'urbanisme de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l'abrogation d'un plan local d'urbanisme ou de certaines de ses dispositions. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si les dispositions dont l'abrogation est sollicitée sont elles-mêmes légales. Dans l'hypothèse inverse, en effet, il est tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de prononcer l'abrogation des dispositions illégales.

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. / Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concerté. / Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : / -soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; / -soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; / -soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques.". D'autre part, si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

5. Si les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à tout requérant de demander l'abrogation d'actes réglementaires illégaux ou devenus illégaux et de former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre d'éventuelles décisions explicites ou implicites refusant de faire droit à une demande d'abrogation d'un acte réglementaire, elles font obstacle, sous réserve notamment de la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique, à ce que l'illégalité pour vice de forme ou de procédure du plan local d'urbanisme soit invoquée, par voie d'exception, à l'appui du recours dirigé contre la décision refusant d'abroger le document d'urbanisme, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la prise d'effet du document en cause.

6. A la suite du recours gracieux formé par le préfet de l'Hérault, par courrier du 28 septembre 2015, dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité, à l'encontre du plan local d'urbanisme que la commune de Lauret avait approuvé par délibération du 27 juillet 2015, des modifications ont été apportées au plan local d'urbanisme. Par la délibération contestée, le conseil municipal a approuvé le nouveau document d'urbanisme. M. E... soutient qu'eu égard à leur caractère substantiel, ces modifications affectent l'économie générale du plan, qui auraient nécessité l'organisation d'une nouvelle enquête publique. Ce moyen, qui est recevable en application des dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme peut être utilement invoqué eu égard aux dispositions spécifiques de cet article. Toutefois, en se bornant à reprendre les observations exposées par le préfet à l'appui de son recours gracieux et à qualifier d'importantes celles qui ont été intégrées, sans expliquer en quoi les modifications du plan local d'urbanisme que le requérant ne cite d'ailleurs pas, revêtent un caractère substantiel ni démontrer qu'elles remettraient en cause l'économie générale du plan, M. E... ne met pas à même la Cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.

7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. ".

8. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation et du projet d'aménagement et de développement durables, disponibles sur le site internet de la commune de Lauret, accessible tant au juge qu'aux parties, que les auteurs du plan local d'urbanisme approuvé le 14 décembre 2015 ont entendu assurer la préservation, au titre de la biodiversité et de la protection des paysages, de vastes ensembles d'espaces naturels couvrant une très grande partie du territoire qu'ils ceinturent d'Ouest au Nord Est ainsi que des ripisylves formant des coulées vertes dans la plaine agricole. La protection de ces espaces naturels constitue un des objectifs fixés par le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune.

10. Il est constant que la parcelle cadastrée section C n° 260, pour sa seule partie nord, est classée dans la zone N contestée, l'autre partie d'une superficie plus limitée, est comprise dans la zone constructible 1AUd2. Il ressort des pièces du dossier, notamment des vues aériennes que, contrairement à ce que soutient le requérant, si la partie nord de la parcelle jouxte, à la pointe ouest-nord et partiellement, en limite sud, des terrains construits, toutefois, cette partie en cause, vierge de construction et très fortement boisée, s'insère dans une bande horizontale de plusieurs terrains formant un espace de boisement dense, qui prolonge la zone agricole située aux Nord et Nord-Est du territoire communal. Dès lors, alors même que la partie haute de la parcelle en litige est desservie par les réseaux publics et que sa partie sud, ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de construire est incorporée dans une zone constructible, en classant, eu égard à sa situation et ses caractéristiques propres, la partie Nord de la parcelle en cause en zone naturelle protégée, les auteurs du plan local d'urbanisme, eu égard au parti d'urbanisme rappelé au point précédent, n'ont pas porté une appréciation manifestement erronée. Par suite, en refusant d'inscrire à l'ordre du jour l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune, le maire de la commune de Lauret n'a pas entaché la décision contestée d'illégalité.

11. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lauret, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Lauret tendant à l'application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Lauret présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et à la commune de Lauret.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

5

N° 19MA00261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00261
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-06 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. EFFETS DES DÉCLARATIONS D'ILLÉGALITÉ. - A L'APPUI DU RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR DIRIGÉ CONTRE LA DÉCISION REFUSANT D'ABROGER LE PLAN LOCAL D'URBANISME APPROUVÉ, LE MOYEN TIRÉ DE L'ILLÉGALITÉ AFFECTANT LE NOUVEAU PLAN LOCAL D'URBANISME, INVOQUÉE PAR VOIE D'EXCEPTION, APRÈS L'EXPIRATION D'UN DÉLAI DE SIX MOIS À COMPTER DE LA PRISE D'EFFET DE CE DOCUMENT, RELATIVE À LA MÉCONNAISSANCE SUBSTANTIELLE OU LA VIOLATION DES RÈGLES DE L'ENQUÊTE PUBLIQUE PEUT ÊTRE INVOQUÉ EN APPLICATION DE L'ARTICLE L. 600-1 DU CODE DE L'URBANISME ET EST OPÉRANT.

68-06-06 A la suite du recours gracieux formé par le représentant de l'Etat, dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité, à l'encontre du plan local d'urbanisme de la commune, le conseil municipal a retiré la délibération l'ayant approuvé. Dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger le nouveau plan local d'urbanisme modifié afin d'intégrer les observations formulées par le préfet, le moyen tiré de l'illégalité affectant ce document d'urbanisme, invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet de ce document, relative à la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique peut être invoqué en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme et est opérant.... ,,[RJ1].


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, B, 18 février 2019, commune de l'Houmeau, n° 414233, ,Comp., en l'absence de texte spécifique, CE, Assemblée 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, n° 414583, p. 187.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB et ASSOCIES MONTPELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-18;19ma00261 ?
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