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18/06/2019 | FRANCE | N°18MA00525

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 18 juin 2019, 18MA00525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le ministre de la défense l'a reclassé dans le corps des agents techniques du ministère de la défense à l'indice 323.

Par un jugement n° 1602395 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 février 2018 et le 14 mai 2019,

M. B...

, représenté par Me Dragone, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602395 du 4 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le ministre de la défense l'a reclassé dans le corps des agents techniques du ministère de la défense à l'indice 323.

Par un jugement n° 1602395 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 février 2018 et le 14 mai 2019,

M. B..., représenté par Me Dragone, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602395 du 4 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le ministre de la défense l'a reclassé dans le corps des agents techniques du ministère de la défense à l'indice 323 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder au réexamen de sa situation et à la reconstitution de sa carrière, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le ministre de la défense qui se trouvait en situation de compétence liée a commis une erreur de droit en ne le plaçant pas en position de détachement au regard des articles L. et

R. 4139-1 du code de la défense ;

- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation en l'absence de renoncement au détachement ;

- il a été induit en erreur faute d'avoir été suffisamment informé de ses droits par son employeur ;

- la décision en litige a été prise en méconnaissance de la " directive " de gestion des militaires recrutés en qualité de fonctionnaire au titre des dispositions des articles L. 4139-1 à

L. 4139-3 du code de la défense ;

- l'administration a commis une erreur de droit en lui appliquant l'article 5 plutôt que l'article 4 II du décret du 29 septembre 2005.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier. Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 76-1110 du 29 novembre 1976 ;

- le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jorda,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Dragone, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., militaire de carrière servant au sein de la marine nationale en qualité de premier maître, a réussi le concours sur titre d'agent technique du ministère de la défense " mécanicien moteur " organisé pour l'année 2015. Par courrier du 9 juillet 2015, il a été informé de son affectation à l'antenne de Carnoux-en-Provence de la 5ème base de soutien du matériel (BSMAT) de Draguignan, et de la possibilité qui lui était offerte de demander un détachement dans le cadre des dispositions de l'article L. 4139-1 du code de la défense. Par courriel du 27 juillet 2015, il a sollicité des informations et des simulations sur son reclassement et son traitement. Par courriel du 17 août 2015 notamment, le centre ministériel de gestion de Toulon lui a adressé les simulations demandées. Par formulaire du 4 septembre 2015, M. B... a formé une demande de démission auprès de l'autorité militaire et déclaré renoncer au droit qui lui était ouvert d'une mise en détachement. Par décision du 21 octobre 2015, il a été radié des cadres à compter du 1er octobre 2015, avec le bénéfice d'une pension de retraite à liquidation immédiate.

Par arrêté du 9 décembre 2015, l'intéressé a été reclassé dans le corps des agents techniques du ministère de la défense de 1ère classe, 10ème échelon, à l'indice 323. Par la présente requête,

M. B... fait appel du rejet par le tribunal administratif de Marseille de sa demande en annulation de cette décision.

Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 4139-1 du code de la défense en vigueur depuis le 30 juillet 2015 : " La demande de mise en détachement du militaire lauréat d'un concours de l'une des fonctions publiques civiles ou d'accès à la magistrature ainsi que celle du militaire admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier dans un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l'accès au premier grade du corps ou cadre d'emplois est acceptée, sous réserve que l'intéressé ait accompli au moins quatre ans de services militaires, ait informé son autorité d'emploi de sa démarche visant à un recrutement sans concours ou de son inscription au concours et ait atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en position d'activité à la suite d'une formation spécialisée ou de la perception d'une prime liée au recrutement ou à la fidélisation./ Sous réserve des dispositions de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, le militaire lauréat de l'un de ces concours, ou admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier d'un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l'accès au premier grade de ce corps ou cadre d'emplois, est titularisé et reclassé, dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil dans des conditions équivalentes, précisées par décret en Conseil d'Etat, à celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou de ce cadre d'emploi./ Lorsque le militaire ne peut bénéficier du détachement mentionné au premier alinéa, il est reclassé dès sa nomination dans le corps ou cadre d'emplois d'accueil, dans les conditions prévues au deuxième alinéa... ".

3. Aux termes de l'article 4 du décret du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C auquel renvoie le décret du 29 novembre 1976 relatif au statut particulier du corps des agents techniques du ministère de la défense : " ...II.- Les militaires nommés dans un corps de fonctionnaires de catégorie C à l'un des grades dotés des échelles de rémunération 3,4,5 ou 6 sont classés dans ce corps conformément aux articles

L. 4139-1 à L. 4139-4 du code de la défense, aux articles R. 4138-39, R. 4139-5, R. 4139-6,

R. 4139-9, R. 4139-20 et R. 4139-20-1 du même code. ". Aux termes de l'alinéa 2 du I de l'article 5 du décret : " La reprise des trois quarts des services antérieurs mentionnée à l'alinéa précédent est applicable aux anciens fonctionnaires civils et aux anciens militaires nommés dans un corps de fonctionnaires de catégorie C régi par le présent décret s'il ne peut être fait application du II de l'article 4. ".

4. Aux termes de l'article R. 4139-5 du code de la défense : " Les dispositions statutaires du corps ou cadre d'emplois d'accueil demeurent applicables lorsqu'elles fixent pour le militaire des règles de classement plus favorables que celles prévues au présent article et aux articles R. 4139-6 à R. 4139-9./ Lorsque le classement est fonction de la durée des services militaires, la durée prise en compte pour la reprise partielle de l'ancienneté de service s'entend comme la durée effective des services, autres que ceux accomplis le cas échéant en qualité d'appelé. La durée effective de service national accompli en tant qu'appelé est prise en compte pour sa totalité en application de l'article L. 63 du code du service national./ Lorsque le militaire est classé à un échelon conduisant à un traitement inférieur à celui qu'il percevait précédemment, il conserve à titre personnel le bénéfice de son traitement antérieur jusqu'au jour où il bénéficie d'un traitement au moins égal dans son nouveau corps ou cadre d'emplois, dans la limite du traitement correspondant à l'échelon le plus élevé de ce corps ou cadre d'emplois. ".

Aux termes de l'article R. 4139-6 du code : " Le militaire nommé dans un corps ou cadre d'emplois de catégorie C ou de niveau équivalent est classé en prenant en compte sa durée effective de services militaires, à raison des trois quarts de cette durée. ". Aux termes de l'article

R. 4139-9 du même code : " Pour l'application de l'article R. 4139-6..., le classement lors de la titularisation est effectué dans le grade de début à l'échelon que l'intéressé aurait atteint, compte tenu de l'ancienneté ainsi reprise, sur la base des durées moyennes, ou maximales pour la fonction publique territoriale, fixées pour chaque avancement d'échelon par le statut particulier du corps ou cadre d'emplois d'accueil. ".

5. En appel, M. B... soutient que l'administration a commis une erreur de droit en lui appliquant l'article 5 plutôt que l'article 4 II du décret du 29 septembre 2005 visé. Il ressort de l'arrêté du 9 décembre 2015 que la base légale retenue à l'occasion de l'intégration dans le corps des agents techniques du ministère de la défense de 1ère classe de M. B..., dont les 3/4 des services militaires antérieurs ont été repris pour son reclassement au 10ème échelon, indice majoré ou IM 323, est l'article 5 dudit décret. Toutefois, il ressort du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... ne pouvait être considéré comme un " ancien " militaire mais devait être regardé comme un " militaire nommé " au sens de l'article 4 II du décret visé, n'ayant été radié des cadres qu'à compter du 1er octobre 2015 à la suite de la décision du 21 octobre 2015. Dans ces conditions, le ministre des armées a commis une erreur de droit. Au surplus, dans la mesure où le reclassement de M. B..., qui en dernier lieu était titulaire du grade de premier maître et classé au 10ème échelon, IM 462, conduit à un traitement inférieur à celui perçu précédemment, l'intéressé conserve à titre personnel le bénéfice de son traitement antérieur jusqu'au jour où il bénéficie d'un traitement au moins égal dans son nouveau corps.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions en injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution./ La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure.". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./ La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

8. Le présent arrêt, qui accueille les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision en litige, implique uniquement de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé sans préjudice de la nécessité pour le ministre des armées de procéder à une reconstitution de carrière. Dès lors, il y a uniquement lieu d'enjoindre au ministre de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1602395 du tribunal administratif de Marseille du 4 décembre 2017 et l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le ministre de la défense a reclassé M. B... dans le corps des agents techniques du ministère de la défense à l'indice 323 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder au réexamen de la situation de

M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2019, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur, Signé

Le président, Signé

J. JORDA

Le greffier, Signé

C. LAUDIGEOIS

S. GONZALES

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, Le greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00525
Date de la décision : 18/06/2019
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Cessation des fonctions.

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations - Intégration de personnels n'appartenant pas antérieurement à la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DRAGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2019-06-18;18ma00525 ?
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