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17/06/2019 | FRANCE | N°18MA00807

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 juin 2019, 18MA00807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 2 septembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 de l'Hérault a accordé à la société Hyper Saint Aunès, son employeur, l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1605361 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2018, sous le n° 18MA008

07, M. C..., représenté par Me E... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 2 septembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 de l'Hérault a accordé à la société Hyper Saint Aunès, son employeur, l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1605361 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2018, sous le n° 18MA00807, M. C..., représenté par Me E... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 2 septembre 2016 de l'inspectrice du travail ;

3°) de mettre à la charge de la société Hyper Saint Aunès la somme de 2 500 euros à verser à Me E... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle et en cas de non attribution de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de la société Hyper Leclerc Saint Aunès la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort que le moyen tiré du défaut de contradictoire entachant la décision contestée était irrecevable ;

- l'inspectrice du travail a méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;

- elle a statué sur la demande d'autorisation de le licencier sans prendre en compte les éléments nouveaux permettant d'établir un lien entre les mandats qu'il détenait et son licenciement alors que l'arrêt de la Cour n'était pas devenu définitif, un pourvoi en cassation étant pendant ;

- elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de qualifier les faits de discrimination syndicale et de harcèlement moral ;

- le tribunal devait tenir compte de l'arrêt du 3 mai 2017 de la Cour d'appel de Montpellier qui a retenu ces faits ;

- il devait prendre en compte les nouveaux éléments qui n'ont pas été développés ni devant la Cour d'appel de Montpellier ni devant la Cour administrative d'appel de Marseille ;

- compte tenu de cet arrêt, le lien entre ses mandats et la procédure de licenciement est établi ;

- la dispense d'activité qui a eu pour effet de l'empêcher d'exercer son mandat syndical dont il a fait l'objet démontre ce lien ;

- il a fait l'objet d'une discrimination en matière de rémunération ;

- il ne s'est pas vu appliquer le même effort de formation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, la société Hyper Saint Aunès conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 25 mai 2018.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. B...,

- et les observations de Me E... représentant M. C... et de Me A... représentant la SAS Hyper Leclerc Saint Aunès.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté le 1er octobre 2001 et occupait les fonctions de technicien service après-vente auprès de l'établissement commercial exploité à Saint Aunès sous l'enseigne Leclerc. Il exerçait le mandat de représentant syndical au comité d'entreprise depuis le mois de janvier 2015. Saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute, l'inspecteur du travail a, par décision du 6 mai 2013, refusé l'autorisation sollicitée. La requête introduite par la société Hyper Saint Aunès, le 18 juillet 2013, contre cette décision a été rejetée par un jugement n° 1303316 du tribunal administratif de Montpellier du 10 mars 2015. Par un arrêt n° 15MA01882 du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la décision de l'inspecteur du travail ainsi que le jugement du tribunal administratif de Montpellier. Le pourvoi en cassation de M. C... devant le Conseil d'Etat a fait l'objet d'une décision n° 405058 du 10 août 2017 de non admission. Le 5 juillet 2016, la société Hyper Saint Aunès a informé l'inspection du travail du maintien de sa demande d'autorisation de licencier M. C.... Par décision du 2 septembre 2016, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 de l'Hérault a accordé l'autorisation sollicitée. M. C... relève appel du jugement du 26 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 2 septembre 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire invoqué en première instance par M. C..., dans son mémoire complémentaire, relève de la légalité externe de la décision attaquée. Si M. C... a fait valoir que ce moyen constitue le développement d'un " fondement " invoqué dans sa requête, tiré de ce qu'une nouvelle demande doit donner lieu à une nouvelle instruction, ce qui implique la nécessité de procéder à une nouvelle enquête contradictoire conformément à l'article R. 2124-4 du code du travail, aucun moyen relatif à un vice de procédure tenant au non-respect de cette enquête contradictoire n'était invoqué dans sa requête introductive d'instance, celle-ci ne comportant que des moyens de légalité interne. Ainsi, ce moyen relevant d'une cause juridique distincte, présenté dans son mémoire complémentaire au-delà du délai de recours, et qui ne constitue pas un moyen d'ordre public pouvant être soulevé à tout moment, était irrecevable. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif l'a écarté. Le requérant n'est pas davantage recevable à s'en prévaloir devant la cour.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. ". Aux termes de l'article L. 2411-8 du même code : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. ".

4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, le licenciement d'un salarié protégé ne peut être autorisé s'il est en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

5. Lorsqu'il se prononce à nouveau sur une demande d'autorisation après l'annulation d'une première décision de refus, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif de la décision juridictionnelle devenue définitive ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, l'inspecteur du travail refuse à nouveau l'autorisation sollicitée, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par la décision juridictionnelle. Toutefois, il lui appartient, en application de l'article R. 2421-7 du code du travail, d'opérer son contrôle au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date de sa décision et de prendre ainsi en considération les éléments nouveaux qui ont pu survenir. Il en va ainsi même lorsque le refus d'autorisation qui a été annulé reposait sur l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et les mandats du salarié et que l'annulation contentieuse se fonde sur l'absence d'un tel lien.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé que le grief tiré de la fausse déclaration d'accident du travail était établi et constituait une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. C... et que ce dernier n'était pas en rapport avec les fonctions représentatives qu'il exerçait. En conséquence, la Cour a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 mai 2013 refusant d'autoriser son licenciement. La société Hyper Saint Aunès a de nouveau sollicité cette autorisation auprès de l'inspectrice du travail en se fondant sur les griefs tirés de ce qu'il a " violé les restrictions émises à son aptitude par la médecine du travail " et " multiplié les déclarations et propos mensongers " " pour tenter de faire reconnaître l'existence d'un accident du travail survenu le 29 juillet 2011 ou " de justifier le retard de sa déclaration ". Par la décision contestée du 2 septembre 2016, l'inspectrice du travail s'est prononcée à nouveau sur le grief tiré de la fausse déclaration d'accident du travail et des explications erronées la justifiant et a estimé, conformément aux motifs de l'arrêt du 30 juin 2016 de la Cour, qu'ils étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement du requérant. Elle a également examiné les éléments nouveaux communiqués par M. C... dans ses deux courriers des 18 juillet 2016, constitués par la dispense d'activité dont il a fait l'objet, l'absence de convocation à plusieurs réunions du comité d'entreprise en début d'année 2016, le décompte informatique de sa durée de travail et la différence de sa rémunération par rapport à d'autres agents de maîtrise, en particulier en matière de primes. L'inspectrice du travail a ensuite considéré que ces faits pris isolément ou ensemble ne permettaient pas d'établir un lien entre les mandats du salarié et la procédure de licenciement. Par suite, il ne ressort pas de cette décision que l'inspectrice du travail se serait crue tenue d'autoriser le licenciement de M. C..., au regard de l'autorité de la chose jugée qui s'attachait à l'arrêt du 30 juin 2016 précité, en dépit d'éventuelles circonstances de fait nouvelles. En outre, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir tenu compte de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier rendu le 3 mai 2017, soit postérieurement à la décision contestée.

7. M. C... se prévaut désormais de cet arrêt aux termes duquel la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier a condamné la société Hyper Saint Aunès à lui verser, au titre de dommages et intérêts, les sommes de 5 000 euros en réparation de la discrimination qu'il a subie en raison de son activité syndicale et de son état de santé et de 5 000 euros en réparation du harcèlement moral qu'il a également subi, pour un certain nombre de faits survenus entre 2009 et 2014. Toutefois, ces faits portant notamment sur sa rémunération, le décompte de sa durée de travail et ses demandes de formation avaient été précédemment examinés par la Cour administrative d'appel de Marseille et, aux termes de son arrêt du 30 juin 2016 devenu irrévocable, il a été jugé qu'ils ne permettaient pas regarder son licenciement comme étant en rapport avec les fonctions représentatives qu'il exerçait ou avec son appartenance syndicale.

8. M. C... se prévaut également de faits nouveaux tenant à la dispense d'activité qui lui a été notifiée par lettre du 5 juillet 2016 et à l'absence de convocation à plusieurs réunions du comité d'entreprise, qui n'ont été examinés ni par la Cour d'appel de Montpellier, ni précédemment par la Cour administrative d'appel de Marseille.

9. Toutefois, contrairement à ce qu'il soutient, la dispense d'activité qui ne suspend pas l'exécution d'un mandat syndical, ne lui interdisait pas d'exercer ce mandat sur son lieu de travail. Il ne peut ainsi être regardé comme ayant été, selon ses écritures, " interdit de présence sur son lieu de travail ". En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que son employeur l'aurait fait reconduire à l'extérieur de l'entreprise. La circonstance que, par une ordonnance du 17 novembre 2016 de référé départage, le conseil des prud'hommes de Montpellier ait accordé à M. C... une provision de 500 euros en réparation du préjudice moral et matériel qu'il a subi du fait de cette dispense d'activité après avoir estimé que son employeur avait violé ses obligations contractuelles et l'avait empêché d'exercer correctement son mandat syndical, ne lie pas la Cour dans l'appréciation qu'il lui appartient de porter sur les faits en cause. L'appelant ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il n'a pas pu intervenir à la négociation annuelle obligatoire dès lors qu'il ressort de l'ordonnance du 17 novembre 2016 précitée que ce fait est postérieur à la décision en litige.

10. L'absence de convocation M. C... à plusieurs réunions du comité d'entreprise en début d'année 2016 est justifiée par une erreur de secrétariat qui, au demeurant, s'agissant de la réunion du 4 juillet 2016, a concerné l'ensemble des représentants du personnel, et il est établi que le requérant a été effectivement présent à ces réunions.

11. Ces éléments nouveaux intervenus depuis l'arrêt du 30 juin 2016 de la cour administrative de Marseille ne suffisent donc pas à établir que la procédure de licenciement engagée à son encontre serait en lien avec l'exercice de son mandat syndical.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Hyper Saint Aunès, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Hyper Saint Aunès présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Hyper Saint Aunès tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me E..., à la société Hyper Saint Aunès et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2019, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juin 2019.

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N° 18MA00807

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00807
Date de la décision : 17/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DE RUDNICKI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-17;18ma00807 ?
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