Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018 et deux mémoires complémentaires enregistrés respectivement le 23 janvier 2019 et le 15 avril 2019, l'association " En Toute Franchise département des Bouches-du-Rhône ", représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision implicite du 26 juin 2018, née du silence gardé par la Commission nationale d'aménagement commercial pendant 4 mois sur son recours administratif préalable du 26 février 2018 ;
2°) d'annuler l'avis n° 2756 TR² du 25 octobre 2018 par lequel la Commission nationale de l'aménagement commercial a accordé l'autorisation sollicitée par les sociétés Immobilière Carrefour et Carmilla France ;
3°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer le recours dirigé contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association " En Toute Franchise département des Bouches-du-Rhône " soutient que :
- les conclusions additionnelles sont recevables ;
- la décision tacite en date du 26 juin 2018 n'est pas motivée ;
- le projet est contraire aux objectifs de la loi, notamment aux dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
- le projet implique une imperméabilisation importante des sols ;
- le recours aux énergies renouvelables est insuffisant ;
- l'insertion paysagère présente un caractère insuffisant ;
- le projet méconnait le DOG du SCOT Marseille Provence Métropole.
Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 7 janvier et 27 mars 2019, la SAS Immobilière Carrefour et la société Carmila France, représentées par Me A...de la SELARL LETANG Avocats, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les sociétés soutiennent que :
- la requête et les conclusions additionnelles de l'Association En Toute Franchise sont irrecevables ;
- les arrêts rendus par la cour administrative d'appel de Marseille les 18 avril 2017 et 22 janvier 2018 ont l'autorité de la chose jugée.
- les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- les observations de MeB..., pour l'association " En Toute Franchise département des Bouches-du-Rhône " et celles de Me C...pour la société immobilière Carrefour et la société Carmilla France.
Une note en délibéré a été déposée et enregistrée le 2 mai 2019 par l'association " En Toute Franchise département des Bouches-du-Rhône ".
Considérant ce qui suit :
1. La commission départementale d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône a autorisé, suivant décision du 28 avril 2015, les sociétés Carrefour et Carmila France à procéder à Châteauneuf-les-Martigues à l'extension de 4 570 m² d'un ensemble commercial par la création de vingt-cinq boutiques, de moins de 300 m² chacune, d'une surface totale de vente de 3 370 m², et d'une moyenne surface spécialisée dans l'équipement de la personne ou dans l'équipement du foyer ou en sport et loisirs, d'une surface de vente de 1 200 m². La Commission nationale d'aménagement commercial a, par décision n° 2756 T du 8 octobre 2015, infirmé cette autorisation et refusé le projet présenté par la société immobilière Carrefour et la société Carmila France. La cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt n° 15MA04922 du 18 avril 2017, annulé cette décision et enjoint à la Commission nationale de statuer à nouveau sur le recours dirigé contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial du 28 avril 2015 dans un délai de 4 mois. La Commission nationale d'aménagement commercial a infirmé, à nouveau, par une décision n° 2756 TR du 6 juillet 2017, l'autorisation accordée par la commission départementale et refusé le projet présenté par la société immobilière Carrefour et la société Carmila France. La cour administrative d'appel de Marseille a annulé, par un arrêt n° 17MA03910 - 17MA03913 du 22 janvier 2018, la décision du 6 juillet 2017 de la Commission nationale d'aménagement commercial. L'association requérante demande l'annulation de la décision implicite de rejet du 26 juin 2018 née du silence gardé par la Commission nationale d'aménagement commercial pendant 4 mois sur son recours administratif préalable du 26 février 2018 et de l'avis n° 2756 TR² du 25 octobre 2018 par lequel la Commission nationale de l'aménagement commercial a accordé l'autorisation sollicitée par les sociétés Immobilière Carrefour et Carmilla France.
Sur la recevabilité des conclusions d'annulation de la décision implicite de rejet :
2. L'annulation contentieuse d'une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial a pour effet de la saisir à nouveau de la demande d'autorisation initialement formée. Ainsi, à la suite de l'annulation de sa décision du 6 juillet 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial était à nouveau saisie de la demande formée par les sociétés immobilière Carrefour et la Carmila France. Mais, le nouveau délai de nature à faire naître une décision implicite ne commence à courir qu'à compter du jour de la confirmation de sa demande par le seul pétitionnaire, en l'occurrence à la suite de l'envoi du courrier en date du 3 août 2018 par les sociétés Carrefour et Carmilla France. Ainsi, la lettre de l'association En toute Franchise en date du 26 février 2018 n'a pas eu pour effet de ressaisir la CNAC, dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de demandeur de l'autorisation d'exploitation commerciale. Il s'ensuit qu'en l'absence de décision implicite qui serait née à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la lettre de cette association en date du 26 février 2018, les conclusions d'annulation ne peuvent qu'être rejetées pour irrecevabilité.
Sur les conclusions dirigées contre l'avis favorable, du 21 novembre 2018, de la Commission nationale d'aménagement commercial :
3. L'association requérante conteste, tout d'abord, le motif de l'autorisation de la CNAC, lié à l'absence d'imperméabilisation des sols, compte tenu de ce que le prolongement de la galerie marchande se réalisera sur des parcelles déjà imperméabilisées, en lieu et place de bâtiments destinés à la démolition. Or pour l'adopter la CNAC n'a fait que se conformer à l'arrêt définitif rendu par la cour administrative de Marseille le 22 janvier 2018 qui a estimé comme restreint les effets en matière de compacité du projet et de limitation de l'imperméabilisation des sols, compte tenu de l'augmentation du nombre de places de stationnement, soixante-quatorze, dont quarante seront en pavés engazonnés. Ainsi, la partie défenderesse est fondée à opposer l'autorité de la chose jugée par la cour administrative d'appel le 22 janvier 2018, dès lors que les parties, la cause juridique et l'objet du litige sont identiques.
4. L'association requérante conteste, ensuite, le motif de l'autorisation tiré du recours suffisant aux énergies renouvelables. Or, pour l'adopter la CNAC n'a fait là encore que se conformer à l'arrêt définitif rendu par la cour administrative de Marseille le 22 janvier 2018. Ainsi, la partie défenderesse est encore fondée à opposer l'autorité de la chose jugée par le cour administrative d'appel le 22 janvier 2018 dès lors que les parties, la cause juridique et l'objet du litige sont identiques.
5. Le dernier motif de l'avis consiste à relever la bonne insertion paysagère du projet, eu égard aux travaux d'amélioration et de rénovation engagés sur certaines façades, notamment celle située côté nord, donnant sur la RD 568. Mais, l'association requérante se borne, au soutien de ses conclusions d'annulation, à comparer le dossier actualisé en août 2018 et celui de 2017, sans que la critique puisse utilement produire d'effets ou remettre en cause l'approche de la Cour dans son arrêt de 2018, lui-même fondé sur l'imprécision du dernier motif de refus opposé par la CNAC. Au surplus, les efforts d'insertion paysagère n'apparaissent pas négligeables, au regard des pièces produites aux débats. Le moyen doit donc être également écarté.
6. Enfin, le projet en cause vise, pour l'essentiel, la poursuite de l'exploitation de commerces déjà installés dans la galerie depuis une quarantaine d'années, par la démolition d'un bâtiment précédemment exploité sous l'enseigne Vial, de sorte qu'il ne s'agit pas de renforcer ce pôle commercial majeur mais seulement de le moderniser et de le maintenir au niveau de commercialité et d'attractivité originelles. La surface de l'ensemble commercial est par ailleurs diminuée, passant de 13793 m² à 13463 m². Il s'ensuit que le projet ne méconnait pas le DOG du SCOT de Marseille Provence Métropole. Ce moyen doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association En toute franchise département des Bouches du Rhône ne peut être que rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de l'association requérante, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'association requérante ne peuvent être accueillies.
Sur les frais de l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " .
10. Il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge de l'association requérante une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les sociétés Carrefour et Carmilla France et non compris dans les dépens.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par l'association requérante au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association " En Toute Franchise département des Bouches-du-Rhône " est rejetée.
Article 2 : L'association " En Toute Franchise département des Bouches-du-Rhône " versera une somme de 2 000 euros, d'une part, à la société Immobilière Carrefour et, d'autre part, à la société Carmilla France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " En Toute Franchise département des Bouches-du-Rhône ", à la société Immobilière Carrefour, à la société Carmilla France, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 mai 2019.
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N° 18MA03561