Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 mars 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé son transfert aux autorités italiennes compétentes pour l'examen de sa demande d'asile.
Par une ordonnance n° 1801596 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018 sous le n° 18MA03423, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du préfet de l'Hérault portant transfert aux autorités italiennes ;
3°) de l'admettre au titre de l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge a entaché sa décision d'une erreur dans le champ d'application de la loi dès lors que la loi du 20 mars 2018, publiée le 21 mars 2018 au Journal officiel n'est entrée en vigueur que le 22 mars 2018 ;
- le premier juge a entaché sa décision d'une erreur de droit dès lors que les délais de recours ne lui étaient pas opposables, par application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;
- la procédure préalable à la décision de transfert a méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'agent ayant mené l'entretien préalable doit pouvoir être identifié afin de contrôler sa compétence ;
- la procédure préalable à la décision de transfert a méconnu les dispositions de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que le fichier Visabio ne fait pas état du visa espagnol dont il était titulaire du 28 avril 2017 au 27 juillet 2017 ;
- la procédure suivie a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que les autorités françaises auraient dû solliciter des garanties auprès des autorités italiennes avant de prononcer cette décision de transfert en raison de leur situation de défaillance systémique et de sa situation médicale ;
- la décision de transfert aux autorités italiennes est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation au regard de ses conditions d'entrée sur le territoire de l'Union européenne ;
- la décision de transfert aux autorités italiennes est entachée d'une erreur de droit dès lors que la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile incombait aux autorités espagnoles par application des dispositions du 4ème alinéa de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- la décision de transfert aux autorités italiennes a méconnu les dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa situation médicale ;
- la décision de transfert aux autorités italiennes a méconnu les dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la défaillance systématique de l'Italie.
La requête a été communiquée au préfet de l'Hérault qui n'a pas produit d'observations en défense.
II. Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018 sous le n° 18MA03422, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 10 avril 2018 ;
2°) de suspendre la décision de remise prise à son encontre ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son avocat d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement contesté l'expose à des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens dirigés contre l'arrêté du préfet de l'Hérault sont sérieux.
La requête a été communiquée au préfet de l'Hérault qui n'a pas produit d'observations en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, dit " Dublin III " ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Silvy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant arménien né le 20 août 1981, relève appel de l'ordonnance du 10 avril 2018 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 21 mars 2018 décidant sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, par application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit " Dublin III ", afin qu'elles procèdent à cet examen.
Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président / (...) ".
3. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 25 mai 2018. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " Les dispositions des articles R. 421-1 à R. 421-3 ne dérogent pas aux textes qui ont introduit des délais spéciaux d'une autre durée. ". Et aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".
5. Aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " I. L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. (...) ". Et aux termes de cet article L. 742-4, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 : " I. L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de sept jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C... a fait l'objet d'un arrêté du préfet de l'Hérault de remise aux autorités italiennes en date du 21 mars 2018, notifié le même jour à 14 h 20, à l'encontre duquel il a introduit une requête le 5 avril 2018. Les dispositions modifiant l'article L. 742-4 précité de l'article 3 de la loi du 20 mars 2018, publiée le 21 mars 2018 au Journal officiel de la République française, sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication, conformément à la règle fixée à l'article 1er du code civil, dès lors qu'aucune autre disposition de ce texte ne prévoyait une entrée en vigueur différée de ces dispositions et qu'il n'est ni allégué, ni établi que le décret de promulgation de cette loi aurait dérogé à cette règle. De plus, aucune disposition législative n'a prévu l'application de cette règle de procédure contentieuse nouvelle aux actes administratifs pris avant son entrée en vigueur. Le délai de recours contentieux réduit à sept jours résultant de la loi du 20 mars 2018 ne pouvait, par suite, s'appliquer à l'arrêté préfectoral prescrivant la remise de M. C... aux autorités italiennes. Au surplus, il résulte de l'indication des voies et délais de recours, annexée à cet arrêté, qu'était mentionné le délai de quinze jours pour l'introduction d'un recours contentieux, lequel était seul opposable à M. C... par application des dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative. Le délai de recours contentieux résultant des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exprimé en jours, constitue un délai franc. Le délai de recours contentieux à l'encontre de la décision de transfert en litige expirait, par suite, le 5 avril 2018 à minuit. Il s'ensuit que la requête enregistrée le 5 avril 2018 à 18 h 56 au greffe du tribunal administratif de Montpellier n'était pas tardive.
7. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est irrégulièrement que l'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête comme irrecevable. Par suite, cette ordonnance doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. C....
Sur le surplus des conclusions de la requête n° 18MA03422 :
8. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation de l'ordonnance attaquée. Dès lors, les conclusions de la requête de M. C... tendant à ce que le sursis à exécution de cette ordonnance soit ordonné sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer. De même, il n'y a plus lieu de statuer, en tout état de cause, sur les conclusions tendant à la suspension de la décision de transfert du 20 mars 2018.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois (...) pour recouvrer la somme qui lui est allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'État. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive. (...) ". Et aux termes de l'article 75 de cette loi : " I. Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Le conseil de M. C... présente des conclusions sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la décision du bureau d'aide juridictionnelle susvisée du 25 mai 2018, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans ces conditions, de mettre à la charge de l'État le versement à Me A... d'une somme de 1 500 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant au sursis à exécution de l'ordonnance du 10 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à la suspension de l'arrêté du 21 mars 2018 du préfet de l'Hérault.
Article 4 : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier n° 1801596 du 10 avril 2018 est annulée.
Article 5 : M. C... est renvoyé devant le tribunal administratif de Montpellier pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 6 : L'État versera à Me A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- M. Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
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N° 18MA03422, 18MA03423