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20/12/2018 | FRANCE | N°17MA05069

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 17MA05069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2017, par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1703944 du 20 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, en

registrée le 28 décembre 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2017, par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1703944 du 20 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1703944 du 20 septembre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 500 euros à verser à Me A....

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de fait dès lors qu'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade avait été introduite le 28 février 2017 et était en cours d'instruction ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit dès lors que le premier juge a estimé, à tort, que le préfet de l'Hérault s'est prononcé sur son droit au séjour et en écartant l'application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de la situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Un mémoire présenté pour M. C... a été enregistré le 13 décembre 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.

Le rapport de M. Silvy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 29 décembre 1982, relève appel du jugement du 20 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 20 juillet 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

3. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative fasse obligation de quitter le territoire français à un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1° et 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ne saurait davantage y faire obstacle la circonstance qu'un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour a été délivré à l'intéressé pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure l'obligeant à quitter le territoire français.

4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault a fondé sa décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. C... sur les dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des pièces du dossier que l'autorité préfectorale était régulièrement saisie par l'intéressé d'une demande d'admission au séjour en raison de son état de santé depuis le 28 février 2017. Dès lors, l'absence de réponse à cette demande avant que ne soit prononcée l'obligation de quitter le territoire français du 20 juillet 2017 révèle un défaut d'examen particulier et entache d'illégalité cette mesure d'éloignement.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Et aux termes de l'article R. 511-1 de ce code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1457 du 28 octobre 2016 : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... avait transmis, à l'appui de sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé formée le 28 février 2017, un dossier médical correspondant aux prévisions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leurs rédactions alors applicables. Le préfet de l'Hérault était, dès lors, informé des allégations de celui-ci relatives à son état de santé et ne pouvait, par suite, sans méconnaître les dispositions précitées du 4° de l'article L. 511-4 et de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige avant d'avoir recueilli l'avis du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel constitue une garantie, et ce sans qu'y fasse obstacle les termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé. M. C... est fondé, par suite, à soutenir que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Et aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

9. La présente décision implique nécessairement que le préfet de l'Hérault procède au réexamen de la situation personnelle de M. C... par application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu de prescrire à cette autorité de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois (...) pour recouvrer la somme qui lui est allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'État. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive. (...) ". Et aux termes de l'article 75 de cette loi : " I. Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. (...) ".

11. Le conseil de M. C... présente des conclusions sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la décision du bureau d'aide juridictionnelle susvisée du 20 novembre 2017, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans ces conditions, de mettre à la charge de l'État le versement à Me A... d'une somme de 1 500 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 20 juillet 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'État versera à Me A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

2

N° 17MA05069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA05069
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-20;17ma05069 ?
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