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08/11/2018 | FRANCE | N°17MA01089

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 08 novembre 2018, 17MA01089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2014 par lequel le maire de la commune de La Môle ne s'est pas opposé à sa déclaration préalable ayant pour objet la modification d'une clôture, sous réserve du respect de prescriptions architecturales particulières, sur un terrain cadastré n° 2589 situé 17 rue du Vol de Nuit, sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1403506 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2014 par lequel le maire de la commune de La Môle ne s'est pas opposé à sa déclaration préalable ayant pour objet la modification d'une clôture, sous réserve du respect de prescriptions architecturales particulières, sur un terrain cadastré n° 2589 situé 17 rue du Vol de Nuit, sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1403506 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars 2017, le 13 octobre 2017 et le 21 décembre 2017 Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 janvier 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Môle la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable.

- la décision attaquée lui ayant été notifiée après l'expiration du délai d'instruction de sa demande, elle bénéficiait donc d'une autorisation tacite, non assortie de prescriptions.

- l'arrêté attaqué qui retire l'autorisation ainsi obtenue a été pris sans que soit respectée la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

- il est en outre insuffisamment motivé, tant sur le principe même du retrait qu'au regard de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme.

- l'article UG 11 2° du plan local d'urbanisme n'édicte qu'une règle facultative et non obligatoire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 août 2017 et le 21 novembre 2017, la commune de La Môle, demande à la Cour de " réformer le jugement " en tant qu'il a considéré que Mme C... bénéficiaire d'une décision tacite et de rejeter la requête sur les autres points ; elle demande en outre à la Cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, selon lequel les conclusions incidentes de la commune de La Môle, qui se borne à contester un motif du jugement et non son dispositif, sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gougot,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme C..., et de Me D... de la SCP Gigant et Dumas associés, représentant la commune de La Môle.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de La Môle, par arrêté du 25 mai 2014, ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée le 25 mars 2014 par Mme C... en vue de modifier une clôture, d'édifier un portail, un portillon, des piliers d'entrée et une clôture consistant en un mur-bahut surmonté d'une couvertine, d'une hauteur de 1,80 mètre, sur un terrain cadastré section 1 n° 2589, situé 17 rue du vol de Nuit, sur le territoire communal, mais a assorti l'autorisation accordée d'une prescription architecturale particulière, énoncée à l'article 2, selon laquelle " Les clôtures devront être doublées de haies vives et ne doivent pas excéder 1,80 mètre de hauteur. Elles sont réalisées par un grillage pouvant être fixé sur un mur bahut de 0,60 mètre de hauteur maximum ". Mme C... interjette appel du jugement du 17 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité des conclusions incidentes de la commune de La Môle :

2. La commune de La Môle demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a estimé qu'une autorisation tacite était née et avait été retirée par la décision attaquée. Ce faisant, elle se borne à contester un motif du jugement et non son dispositif qui fait droit à ses conclusions tendant au rejet de la demande d'annulation de Mme C.... Dès lors, ses conclusions incidentes doivent être rejetées, comme irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la qualification de la décision attaquée :

3. D'une part, l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur dispose que : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis. ". L'article R. 424-1 du même code précise que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas :/ a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ... ". Il résulte de ces dispositions qu'à défaut de notification d'une décision d'opposition dans le délai prévu par cet article, l'auteur d'une déclaration de travaux exemptés du permis de construire bénéficie d'une décision implicite de non-opposition. Ainsi, la notification ultérieure d'une décision d'opposition, même prise avant l'expiration du délai d'acquisition d'une décision implicite de non-opposition, s'analyse comme un retrait de cette décision implicite. La décision implicite de non-opposition ainsi retirée ayant créé des droits au profit de son bénéficiaire, son retrait, qui doit dès lors être motivé en application de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 et ne peut être regardé comme statuant sur une demande au sens de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, ne peut intervenir, conformément aux dispositions de ce dernier article, qu'après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations. D'autre part, le délai d'instruction d'une demande de permis de construire, qui n'est pas un délai de procédure contentieuse, n'est pas franc, et se décompte de jour à jour. En outre, ne s'agissant pas d'un délai de procédure contentieuse au sens de l'article 642 du code de procédure civile, il ne peut être prorogé jusqu'au premier jour ouvrable au cas où il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé.

4. En l'espèce, Mme C... a déposé sa déclaration préalable le 25 mars 2014. Par courrier du 16 avril 2014, la commune de La Môle lui a indiqué que le délai d'instruction était porté à deux mois en application des articles R. 423-24 à R. 424-33 du code de l'urbanisme, jusqu'au 25 mai 2014 au motif que le projet se situait dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Si le maire a pris, dès le 25 mai 2014, avant l'expiration du délai de deux mois, une décision de non-opposition à déclaration assortie de prescriptions ainsi qu'il a été dit au point 1, cette décision n'a été notifiée à la requérante que le 26 mai 2014, ainsi que cela ressort d'une attestation du garde-champêtre qui n'est pas sérieusement contestée par la requérante. A cette date l'intéressée était bénéficiaire d'une décision tacite de non-opposition qui avait créé des droits. Par suite la décision expresse notifiée le 26 mai 2014, assortie des prescriptions rappelées au point 1, ne peut, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment au caractère non limité de la prescription en cause au regard du projet de Mme C..., s'analyser que comme une décision de retrait de la précédente décision implicite créatrice de droits.

En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :

5. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les décisions qui retirent une décision créatrice de droits doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et les personnes intéressées doivent avoir au préalable été invitées à présenter leurs observations. Contrairement à ce que fait valoir la commune de la Môle, ce moyen qui se rattache à une cause juridique dont procède ceux qui étaient invoqués en première instance, dès lors que la requérante soutenait notamment que la décision attaquée était insuffisamment motivée, est recevable.

6. En l'espèce, la commune de La Môle ne justifie pas avoir respecté une procédure contradictoire avant l'édiction de la décision attaquée, qui doit être regardée comme valant retrait de la décision tacite de non-opposition obtenue ainsi qu'il a été dit au point 4. L'arrêté attaqué a donc été pris aux termes d'une procédure irrégulière.

7. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, constitue une garantie pour le titulaire de l'autorisation que le maire envisage de retirer. La décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le titulaire de l'autorisation a été effectivement privé de cette garantie.

8. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, constitue une garantie pour le titulaire du permis qu'elle entend retirer. La décision de retrait est illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le bénéficiaire a été effectivement privé de cette garantie. Dans les circonstances de l'espèce rappelées au point 1, Mme C..., qui s'est vue retirer la décision de non opposition tacite le lendemain de sa naissance, a effectivement été privée d'une garantie. Par suite elle est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise aux termes d'une procédure illégale au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2014.

10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de la décision contestée.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de La Môle dirigées contre Mme C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Môle la somme de 2 000 euros à verser à Mme C... en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 janvier 2017 et l'arrêté du maire de la commune de La Môle du 25 mai 2014 sont annulés.

Article 2 : La commune de La Môle versera à Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de La Môle sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et à la commune de La Môle.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.

N° 17MA01089 5

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01089
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Délais.

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits - Conditions du retrait - Cas particuliers - Retrait des autorisations tacites.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : MASSUCO AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-08;17ma01089 ?
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