Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...F...B...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, la décision implicite, née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande du 20 décembre 2016, et, d'autre part, l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.
Par un jugement n° 1702820-1703016 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2018, M. B...C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée méconnait les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L.211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B...C...a été rejetée par une décision du 15 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 16 décembre 2016, reçu le 20 décembre 2016, M. B...C..., ressortissant cap-verdien, a sollicité son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes, dont il a demandé l'annulation par une demande enregistrée devant le tribunal sous le n° 1702820. Puis par arrêté du 26 juillet 2017, le préfet a explicitement rejeté cette demande. M. B...C...a demandé l'annulation de cette dernière décision par une demande enregistrée sous le n° 1703016. Le requérant interjette appel du jugement du 24 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande enregistrée sous le n°1702820 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2017.
2. Si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet est intervenue postérieurement. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde. Par suite les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur la demande d'admission au séjour de M. B...C...du 20 décembre 2016 doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite de rejet du 26 juillet 2017.
3. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance... ". Le requérant produit une copie intégrale de son passeport vierge qui expirait le 2 mars 2015, mais dont la validité a été prolongée le 28 février 2015 au consulat de Nice jusqu'au 1er mars 2020 qui comporte seulement un visa valable du 20 avril 2013 au 4 juin 2013. Il justifie aussi de relevés bancaires quasiment chaque mois pour la période du 12 mars 2015 à novembre 2016, comportant plusieurs mouvements, outre un contrat de bail signé le 15 décembre 2014. Il a de plus reconnu être le père d'une petite fille née le 12 octobre 2015. Ces pièces sont de nature à établir qu'il est présent en France au moins depuis fin 2014, soit depuis deux ans et demi à la date de la décision contestée. La mère de sa fille, Mme E..., qu'il a épousée le 9 novembre 2016, bénéficie d'une carte de résident valable du 16 avril 2015 au 15 avril 2025. Le couple démontre une vie commune depuis plus de deux ans par la production du contrat de bail précité du 15 décembre 2014 établi à leurs deux noms, de relevés bancaires de l'intéressé reçus à l'adresse commune du couple pour la période du 12 mars 2015 à novembre 2016, seuls quelques mois étant manquants, et de quittances de loyer à leurs deux noms dont la plus ancienne date de février 2015, outre la naissance de leur enfant commun le 12 octobre 2015. Au surplus le père de M. B...C...réside régulièrement en France et le requérant a aussi une soeur de nationalité française. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, M. B...C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article L. 911-3: " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B... C...ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " .
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B...C...et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 octobre 2017 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 26 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B...C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 octobre 2018.
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N° 18MA00368