Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Energies Var 3 a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2011 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a retiré son arrêté du 21 juillet 1983 l'autorisant à disposer de l'énergie du fleuve Var au niveau du seuil n° 9, sur le territoire de la commune de Castagniers (Alpes-Maritimes), et à établir les ouvrages nécessaires à l'exploitation d'une micro-centrale hydroélectrique.
Par un jugement n° 1104530 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14MA00758 du 7 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SAS Energies Var 3 contre ce jugement.
Par une décision n° 393267 du 16 février 2018, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi formé par la SAS Energies Var 3, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés initialement sous le n° 14MA00758 le 13 février 2014, le 5 mars 2015, le 27 mars 2015, le 17 avril 2015 et le 19 juin 2015 puis, après renvoi par le Conseil d'Etat, par des mémoires complémentaires, enregistrés sous le n° 18MA00783 le 18 mai 2018 et le 28 août 2018, la SAS Energies Var 3, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2013 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'usine hydroélectrique qu'elle était autorisée à exploiter ne saurait, par sa seule présence sur le fleuve Var, produire des effets en termes d'inondation ;
- l'ouvrage ne représente que 6 % de la largeur totale du fleuve et sa présence ne fait nullement obstacle à son écoulement ;
- la décision de retrait de l'autorisation d'exploiter cette usine n'aura pas pour effet de prévenir les inondations ;
- cette usine ne présente aucun risque pour la sécurité publique ;
- l'arrêt de la production électrique, en raison de l'engravement du seuil n° 9, est dû à l'inaction de l'Etat ;
- l'arrêt de la production électrique n'est pas au nombre des motifs prévus par l'article L. 214-4 du code de l'environnement pour justifier le retrait de l'autorisation d'exploiter la micro-centrale ;
- le maintien de l'usine n'est pas incompatible avec l'arasement du seuil n° 9 ;
- il existe une solution alternative au retrait de l'autorisation consistant en la mise en place d'un barrage gonflable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2015 sous le n° 14MA00758 et, après renvoi par le Conseil d'Etat, un mémoire enregistré le 23 juillet 2018 sous le n° 18MA00783, le ministre de la transition écologique et solidaire, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SAS Energies Var 3.
Une note en délibéré présentée pour la SAS Energies Var 3 a été enregistrée le 22 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 21 juillet 1983, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé la société Sithe et Cie, aux droits de laquelle est venue la SAS Energie Var 3, à disposer de l'énergie du fleuve Var et à exploiter une micro-centrale hydroélectrique située au niveau du seuil n° 9, sur le territoire de la commune de Castagniers (Alpes-Maritimes), pour une période de quarante-cinq ans. Par un arrêté du 6 septembre 2011, le préfet des Alpes-Maritimes a retiré cette autorisation. Par un jugement du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SAS Energies Var 3 tendant à l'annulation de ce dernier arrêté. Par un arrêt n° 14MA00758 du 7 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SAS Energies Var 3 contre ce jugement. Par décision du 16 février 2018, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la SAS Energies Var 3, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour au motif qu'elle a insuffisamment motivé son arrêt en jugeant, après avoir relevé que les installations de cette société faisaient obstacle à l'écoulement des eaux du fleuve Var, que ce motif justifiait le retrait de l'autorisation sur le fondement du 2° du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, sans rechercher si cet obstacle à l'écoulement des eaux avait une incidence, dans les circonstances de l'espèce, sur le risque d'inondation et si, par suite, sa suppression était nécessaire pour prévenir ou faire cesser les inondations.
2. Aux termes du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation peut être abrogée ou modifiée, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : / 1° Dans l'intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque cette abrogation ou cette modification est nécessaire à l'alimentation en eau potable des populations ; / 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique ; / 3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ; / 4° Lorsque les ouvrages ou installations sont abandonnés ou ne font plus l'objet d'un entretien régulier. ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 214-10 du code de l'environnement : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues aux articles L. 181-17 à L. 181-18. ". Selon l'article L. 181-17 du même code : " Les décisions prises sur le fondement de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 181-9 et les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. ".
4. Il résulte de l'instruction, d'une part, que dans le contexte de crues récurrentes survenues sur le fleuve Var entre 1993 et 2002 provoquées ou aggravées par les aménagements successifs qui y ont été réalisés, le schéma d'aménagement et de gestion des eaux " nappe et basse vallée du Var " approuvé le 7 juin 2007, dont les conclusions ne sont pas contestées par la SAS Energies Var 3 qui a participé à son élaboration et en cite des extraits dans ses écritures, a préconisé l'abaissement des seuils édifiés dans le travers du fleuve afin d'abaisser le niveau de l'eau, artificiellement rehaussé par ces aménagements, dans le but notamment de limiter les risques de débordement et donc de prévenir les inondations. Ce schéma s'appuie notamment sur une étude réalisée en 2003 par le cabinet Sogreah qui met en évidence que les risques d'inondation pourraient être réduits par un " recépage " des seuils, qui aurait pour conséquence la destruction des micro-centrales hydroélectriques qui les soutiennent.
5. Saisi d'une demande présentée par le président du conseil général des Alpes-Maritimes tendant à lui permettre d'exécuter cette préconisation en sa qualité de maître d'ouvrage, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé celui-ci, par arrêté pris le même jour que l'arrêté querellé, soit le 6 septembre 2011, à procéder à l'abaissement des seuils n° 8, 9 et 10 aménagés sur ce fleuve, en vue d'assurer " la protection des biens et des personnes vis-à-vis du risque d'inondation ".
6. Dès lors que la micro-centrale électrique en litige était érigée sur le seuil n° 9, l'abaissement de ce seuil nécessitait la démolition du bâtiment qui l'abrite ainsi que la digue qui supporte la voie d'accès, d'une longueur de quarante-et-un mètres, située en travers du fleuve.
7. La SAS Energies Var 3 étant détentrice d'une autorisation d'exploiter cette micro-centrale pour une durée de quarante-cinq ans à compter de l'année 1983, l'exécution des préconisations du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, et donc la réalisation de l'objectif de prévention des inondations, imposait donc le retrait de cette autorisation. C'est ainsi que l'arrêté contesté prononçant ce retrait vise l'arrêté préfectoral du 6 septembre 2011 précité pris au bénéfice du conseil général des Alpes-Maritimes et fait mention, dans ses motifs, du " caractère d'intérêt général de l'abaissement des seuils (...) préconisé par le schéma d'aménagement et de gestion des eaux précité en vue de garantir le libre écoulement des eaux et de lutter contre les inondations ".
8. Il résulte d'autre part de l'instruction, particulièrement des résultats d'une étude technique réalisée par les services de l'Etat à l'aide d'un logiciel de simulation hydraulique, que la présence de l'éperon en rive gauche du Var constitué par la centrale en litige et sa voie d'accès, qui occupent environ 20 % de la largeur du fleuve à cet endroit, génère des effets hydrauliques, soit un effet de bouchon, une accélération de la vitesse de l'eau, un effet torrentiel, avec une surélévation de la ligne d'eau de près de 80 centimètres en amont du rétrécissement, ces effets étant de nature à remettre en cause la stabilité des ouvrages de protection latéraux, en particulier en rive droite du fait de l'effet déflecteur de l'ouvrage. Dès lors, la destruction de cet ouvrage, qui constitue un obstacle à l'écoulement normal des eaux, contribuera à prévenir les inondations.
9. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes a pu légalement prononcer, sur le fondement du 2° du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement précité, le retrait de l'autorisation d'exploiter la micro-centrale hydroélectrique.
10. Il ne ressort pas des énonciations de l'arrêté querellé, alors même qu'il y est indiqué que " l'engravement du seuil n° 9 a conduit à un arrêt de la production électrique depuis l'été 2001 ", que pour prendre cette décision de retrait le préfet se serait fondé sur cette circonstance. Dès lors, sont inopérants les moyens tirés de ce que la cessation de la production électrique n'est pas au nombre des motifs prévus par l'article L. 214-4 du code de l'environnement pour justifier du retrait d'une autorisation d'exploiter une micro-centrale électrique et de ce que cette cessation serait due à l'inaction de l'Etat.
11. La circonstance selon laquelle le bâtiment abritant la micro-centrale électrique n'occupe que 6 % de la largeur totale du fleuve et le fait qu'en cas de crues, l'eau s'écoulerait librement de part et d'autre du bâtiment ne sont pas de nature à remettre en cause, à eux seuls, les études techniques ayant conduit à l'adoption de la préconisation d'abaissement du seuil n° 9 dans le schéma d'aménagement et de gestion des eaux " nappe et basse vallée du Var ".
12. Si la SAS Energies Var 3 soutient que l'abaissement du seuil n° 9 n'est pas incompatible avec le maintien de la micro-centrale en invoquant une solution technique consistant en la mise en place d'un barrage gonflable, elle n'établit pas sérieusement qu'une solution de cette nature permettrait de satisfaire de manière équivalente aux objectifs définis dans le schéma d'aménagement et de gestion des eaux.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Energies Var 3 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Energies Var 3 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Energies Var 3 et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 octobre 2018.
2
N° 18MA00783
bb