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20/09/2018 | FRANCE | N°16MA04676

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2018, 16MA04676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme de 136 799 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé liée à sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement avant dire droit n° 1402763 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Office national d'indemnisatio

n des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme de 136 799 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé liée à sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement avant dire droit n° 1402763 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme B...une somme de 9 357,50 euros et a ordonné une expertise portant sur la nécessité pour elle de recourir à l'assistance d'une tierce personne.

Par un jugement n° 1402763 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à verser à Mme B... une somme de 75 447 euros au titre de l'aide par une tierce personne.

Par un arrêt n° 16MA01131 du 1er décembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 9 558 euros la somme que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme B... par le jugement du 21 janvier 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 décembre 2016, le 12 septembre 2017 et le 27 septembre 2017, MmeB..., représentée par la Selarl Proxima, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 20 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a limité à la somme de 75 447 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM au titre de l'assistance par une tierce personne et à celle de 500 euros la somme due au titre des dépens ;

2°) de porter à la somme de 422 999 euros le montant de l'indemnité due ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2014 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 11 mars 2014 et de porter à la somme de 1 500 euros le montant des dépens ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a bénéficié d'une aide par tierce personne pour la période comprise entre la fin du traitement au mois d'octobre 2011 et la date de consolidation de son état de santé fixée au 13 juin 2013 ;

- elle a besoin de l'aide d'une tierce personne depuis le 13 juin 2013 à hauteur de 10 heures par semaine et non de 3 heures ;

- elle est contrainte d'effectuer elle-même les trajets entre son domicile et son lieu de travail ;

- le barème de capitalisation le plus récent doit être pris en compte ;

- le taux horaire de l'aide par tierce personne doit être fixé à 22 euros ;

- elle a exposé des frais de consignation de l'expertise d'un montant de 1 500 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 août 2017 et le 19 janvier 2018, l'ONIAM, représenté par le cabinet d'avocats Vatier et Associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 20 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a capitalisé le besoin d'aide par tierce personne à partir du 21 octobre 2016.

Il soutient que :

- le coût de l'aide par tierce personne a été justement indemnisé jusqu'au jour du jugement ;

- l'aide par une tierce personne ne pouvait pas être capitalisée au titre de la période postérieure au jugement.

Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en tant qu'il a omis de se prononcer sur la charge des frais d'expertise.

Par un mémoire, enregistré le 9 juillet 2018, Mme B...a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Le tribunal administratif de Nîmes s'est abstenu de se prononcer sur la charge définitive des frais de l'expertise qui avait été ordonnée par le juge des référés de ce tribunal le 8 octobre 2013. Il a ainsi méconnu la règle applicable, même sans texte, à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Ainsi le jugement du 20 octobre 2016 doit être, dans cette mesure, annulé.

2. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer sur cette partie de la demande par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif sur les autres conclusions dirigées contre l'ONIAM.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise complémentaire ordonnée par le jugement avant dire droit du tribunal administratif de Nîmes le 21 janvier 2016, que Mme B...avait besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de 4 heures par jour tous les jours du 30 décembre 2010 au 11 août 2011, date de la fin de son traitement, et qu'elle a effectivement bénéficié d'une telle assistance. Compte tenu du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales, le taux horaire de l'assistance par une tierce personne doit être fixé à 13 euros correspondant à une aide non spécialisée. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours, soit 249 jours pour la période considérée. Ainsi, le tribunal administratif de Nîmes a fait une évaluation insuffisante de ce préjudice en fixant son montant à 10 800 euros pour la période considérée. Il y a lieu de le porter à 12 948 euros.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'entre la fin des soins destinés à traiter l'aggravation de l'infection par le virus de l'hépatite C dont elle souffrait et la date de consolidation de son état de santé, Mme B...a présenté des douleurs à type de myalgies importantes dans les bras et les jambes ne permettant pas à l'intéressée d'assurer seule les tâches de la vie quotidienne. Contrairement à ce qui est soutenu par l'ONIAM, ces myalgies invalidantes nécessitaient l'assistance par une tierce personne. MmeB..., qui utilise quotidiennement son véhicule personnel pour se rendre sur son lieu de travail distant de 30 kilomètres de son domicile, ne justifie pas de la nécessité d'une aide par un tiers plus de 5 heures par semaine pour effectuer les trajets personnels en automobile sur de courtes distances. Dès lors, il y a lieu de fixer le besoin d'assistance par une tierce personne à 5 heures par semaine pour la période du 12 août 2011 au 13 juin 2013. Compte tenu du même taux horaire de 13 euros, des congés payés et des jours fériés, l'indemnité due au titre de l'assistance par tierce personne doit être évaluée à 6 927 euros pour la période considérée.

6. Pour la période postérieure à la consolidation, du 13 juin 2013 à la date de l'arrêt de la Cour, il sera fait une juste appréciation du besoin d'assistance par tierce personne en l'évaluant à 5 heures par semaine dès lors que Mme B...continue de souffrir de myalgies persistantes alors même que le déficit fonctionnel permanent en résultant est évalué à 5 %. Compte tenu du caractère non spécialisé de l'aide qui lui a été apportée, il y a lieu d'en fixer le coût horaire à 13 euros. Le montant de l'indemnité due au titre de l'assistance par une tierce personne s'élève, pour cette période, compte tenu des congés payés et des jours fériés à la somme de 22 128 euros.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que pour la période future, l'état de santé de Mme B...nécessite, contrairement à ce qui est soutenu par l'ONIAM, l'assistance d'une tierce personne non spécialisée qu'il y a lieu de fixer à 5 heures par semaine. Compte tenu du même taux horaire de 13 euros et du prix de l'euro de rente viagère eu égard à l'âge de l'intéressée tel que défini par le barème de capitalisation des rentes actualisé en 2018 soit 33,929, il y a lieu d'évaluer à 129 787 euros la somme devant être allouée à l'intéressée pour les frais futurs d'assistance par une tierce personne.

8. Compte tenu de ce qui précède, l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM due à Mme B... au titre des frais passés et futurs liés à l'assistance d'une tierce personne doit être fixée à la somme globale de 171 790 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes n'a mis à la charge de l'ONIAM que la somme de 75 447 euros. Il convient de porter cette somme à 171 790 euros. L'ONIAM n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en ce qu'il fixe l'indemnité due au titre de l'assistance par tierce personne à compter de la date de sa lecture.

Sur les dépens :

10. La requérante demande que l'allocation provisionnelle de 1 500 euros qu'elle a versée à l'expert soit mise à la charge de l'ONIAM. Toutefois, les frais de la première expertise, ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille le 13 novembre 2012, ont été taxés à la somme de 1 800 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille du 8 octobre 2013. Il y a lieu de mettre l'intégralité de ces dépens à la charge définitive de l'ONIAM, en complément de ceux, non contestés en appel, de l'instance n° 1402763, qui ont été taxés à la somme de 500 euros par ordonnance du 14 juin 2016, que l'article 2 du jugement a mis à sa charge.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ONIAM, partie tenue aux dépens, la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par MmeB....

D É C I D E :

Article 1er : La somme 75 447 euros dont le versement à Mme B...a été mis à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 octobre 2016 est portée à 171 790 euros.

Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille le 13 novembre 2012, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...et les conclusions de l'ONIAM présentées par la voie de l'appel incident sont rejetés.

Article 5 : L'ONIAM versera à Mme B...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2018.

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N° 16MA04676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04676
Date de la décision : 20/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-20;16ma04676 ?
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