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01/12/2016 | FRANCE | N°16MA01131

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 01 décembre 2016, 16MA01131


Vu la procédure suivante:

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme de 136 799 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état liée à sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1402763 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, d

es affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme D...une somme...

Vu la procédure suivante:

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme de 136 799 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état liée à sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1402763 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme D...une somme de 9 357,50 euros et a ordonné une expertise portant sur la nécessité pour elle de recourir à l'assistance d'une tierce personne.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 mars 2016 et le 29 juillet 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 janvier 2016 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de MmeD....

Il soutient que :

- l'expertise est inutile en l'absence d'un lien de causalité entre le besoin en tierce personne, dont la réalité n'est au demeurant pas démontrée, et la contamination par le virus de l'hépatite C ;

- à titre subsidiaire, un complément d'expertise s'avère nécessaire, dès lors que l'expert ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité du besoin en tierce personne à la contamination par le virus de l'hépatite C ;

- à titre infiniment subsidiaire, il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise, le besoin d'assistance par tierce personne retenu étant incohérent avec les autres constatations opérées par l'expert ;

- les participations forfaitaires de la caisse primaire d'assurance maladie instituées par l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale ne peuvent être mises à sa charge ;

- Mme D...n'a pas subi d'incidence professionnelle ;

- les souffrances endurées et le déficit fonctionnel temporaire lié aux traitements reçus ont déjà été indemnisés par le juge judiciaire ;

- il n'est dû aucun complément d'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 avril 2016 et le 7 septembre 2016, Mme D... demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement du 21 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a limité à la somme de 9 357,50 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de porter à la somme de 501 823,25 euros le montant de l'indemnité due en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2014 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- son besoin d'être assistée par une tierce personne est réel tant pour le passé que pour le futur et en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

- il convient d'appliquer le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais réactualisé en avril 2016 ;

- ses préjudices sont en lien avec l'aggravation de son état et n'ont pas déjà été indemnisés par le juge judiciaire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel de Mme D... tendant à obtenir la somme de 460 487,28 euros au titre de l'assistance par tierce personne sur la base des constatations du complément d'expertise ordonné par le jugement avant dire droit qui a réservé ses droits sur ce poste et dont elle n'invoque pas le caractère frustratoire.

Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2016, Mme D... présente ses observations en réponse à la mesure d'information accomplie en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vanhullebus, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me B...de la Selarl Proxima représentant MmeD....

1. Considérant que Mme D...a subi, au cours de l'année 1986, une intervention chirurgicale à l'occasion de laquelle des concentrés globulaires et du plasma ont été commandés au centre de transfusion sanguine de Marseille ; qu'elle a découvert en 1993 être porteuse du virus de l'hépatite C ; qu'après avoir ordonné une expertise, le tribunal de grande instance de Marseille a, par un jugement du 16 novembre 2000, retenu l'origine transfusionnelle de la contamination et condamné l'Etablissement français du sang à verser à l'intéressée une somme de 135 000 francs, soit 20 580 euros, en réparation des préjudices subis du fait de cette affection ; que par un arrêt du 7 juin 2005, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a porté à 31 590 euros le montant de l'indemnité due à la victime ; qu'estimant que son état de santé s'était aggravé, Mme D...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille qui a ordonné une expertise dont le rapport a été déposé le 11 juillet 2013 ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l'Etablissement français du sang, et Mme D... relèvent appel du jugement du 21 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'office à payer à la victime la somme de 9 357,50 euros et a ordonné une expertise portant sur les besoins de l'intéressée en assistance par une tierce personne ;

2. Considérant que le jugement attaqué a fixé le montant de l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices que Mme D... a subis, à l'exception de celui afférent à l'assistance par une tierce personne dont l'évaluation des besoins a donné lieu à la prescription d'une expertise par ce même jugement ; que si Mme D... est recevable à faire appel de cette décision en tant, d'une part, qu'elle a limité le montant de l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM et en tant, d'autre part, que la mesure d'instruction ainsi ordonnée revêtait un caractère inutile et par là même frustratoire, elle n'est toutefois pas recevable, dans le cadre de la présente instance d'appel, à demander la condamnation de l'office à lui verser une indemnité au titre de l'assistance par une tierce personne ; qu'il suit de là que les conclusions présentées par Mme D... tendant à ce que l'office soit condamné à lui verser une somme de 460 487,28 euros en réparation de ce préjudice ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille que l'aggravation de l'infection par le virus de l'hépatite C à partir de l'année 2007 a nécessité la mise en oeuvre d'un traitement au cours de la période du 30 décembre 2010 au 11 août 2011 ; qu'alors même que les myalgies apparues à cette occasion persistent depuis lors, elles sont imputables, d'une manière suffisamment directe et certaine, à ce traitement ; que ces myalgies ont été à l'origine, pour l'intéressée, d'une incapacité à assurer seule les tâches de la vie quotidienne ; que la circonstance que les déficits fonctionnels temporaire et permanent ont été évalués respectivement au taux de 25 % et de 5 % ne permet pas, par elle-même et à elle seule, d'établir l'absence de tout besoin d'assistance de Mme D... par une tierce personne ; que la réalité de ce besoin et l'imputabilité de celui-ci à l'aggravation de l'infection étant établies mais son importance n'ayant pas été évaluée dans le rapport mentionné plus haut, l'expertise ordonnée sur ce point présente un caractère d'utilité ; que l'ONIAM n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement avant dire droit attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a prescrit une expertise portant sur la définition des besoins de Mme D... en assistance par une tierce personne ;

4. Considérant que l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme D... par le virus de l'hépatite C a été établie par les décisions de l'autorité judiciaire qui ont été mentionnées au point 1 et que l'ONIAM, qui ne se prévaut d'ailleurs d'aucun élément nouveau tel que le résultat d'une enquête transfusionnelle réalisée depuis lors, ne conteste pas l'imputabilité de cette affection aux produits sanguins reçus par l'intéressée au cours de l'intervention chirurgicale réalisée durant l'année 1986 ; que l'office supporte ainsi la charge de la réparation des préjudices consécutifs à l'aggravation de l'état de santé de Mme D... ;

Sur l'évaluation des préjudices subis par MmeD... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

5. Considérant, en premier lieu, que les participations forfaitaires instituées par l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale repris désormais à l'article L. 160-13, que Mme D... a dû régler, en sa qualité d'assurée sociale à l'occasion des dépenses de santé qu'elle a exposées, sont en lien direct avec le traitement que l'aggravation de son état de santé par le virus de l'hépatite C a rendu nécessaire ; qu'ainsi, et alors même que ses recettes sont constituées notamment par la dotation des régimes obligatoires d'assurance maladie prévue au

1° du troisième alinéa de l'article L. 1142-23 du code de la santé publique, l'office n'est pas fondé à prétendre que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à verser à la victime une indemnité à ce titre ; que si Mme D... demande que la somme de 57,50 euros mise par le jugement attaqué à la charge de l'ONIAM soit portée à la somme de 108,52 euros, elle n'établit pas avoir exposé, au titre des seules participations forfaitaires, un montant supérieur à celui qui lui a déjà été accordé par le tribunal ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme D..., qui souffre, depuis l'administration du traitement consécutif à l'aggravation de son état de santé et en dépit de sa guérison de l'infection, de myalgies faisant l'objet d'un suivi au cours des années 2015 et 2016 et qui sont à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent au taux de 5 %, ne peut plus, dans l'activité professionnelle qu'elle exerce sur un poste aménagé, travailler en hauteur ni soulever de poids ; qu'ainsi, la pénibilité et la fatigabilité accrues, qui réduisent les possibilités d'emploi de l'intéressée et qui sont en lien avec l'aggravation de l'infection par le virus de l'hépatite C, justifient qu'une somme de 5 000 euros lui soit allouée au titre de l'incidence professionnelle ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

7. Considérant qu'il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la qualité et la forme de l'indemnité qu'il alloue, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme D...a subi une période de déficit fonctionnel temporaire, total durant deux jours puis partiel, au taux de 25 %, du 30 décembre 2010 au 11 août 2011, et qu'elle a enduré des souffrances évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7 ; que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les périodes de déficit fonctionnel total et temporaire liées aux hospitalisations et à la durée du traitement rendues nécessaires par la dégradation de l'état de santé consécutive à l'aggravation, à partir de l'année 2007, de l'infection dont était victime l'intéressée, d'une part, et les souffrances résultant de la réalisation d'actes de biopsie et du suivi du traitement médical consécutifs à l'évolution de l'infection, d'autre part, constituent des préjudices propres à cette aggravation et sont, par suite, distincts de ceux qui ont déjà été réparés par les indemnités que, par son arrêt du 7 juin 2005, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait allouées à l'intéressée au titre des souffrances endurées du fait du retentissement physique et moral de l'infection avant son aggravation et d'un préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C tenant à l'évolution sournoise de l'affection et aux souffrances morales et aux perturbations et craintes endurées du fait de la seule contamination ; qu'il y a lieu de fixer à 1 000 euros le montant de l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel temporaire et à 3 500 euros la somme réparant les souffrances endurées par Mme D... du fait des actes de soins liés à l'aggravation de l'infection ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme D... présente, au titre de la seule aggravation de son état de santé, un déficit fonctionnel permanent dont le taux est fixé à 5 % et qu'il y a lieu d'évaluer à un montant de 5 600 euros ; que toutefois, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après avoir constaté, dans son arrêt du 7 juin 2015, que l'affection semblait peu évolutive, a alloué une somme de 12 000 euros en réparation du déficit fonctionnel correspondant à la diminution permanente des facultés physiologiques éprouvée par Mme D... du fait de l'hépatite chronique dont elle est atteinte ; que cette somme, qui a pour objet de réparer le déficit fonctionnel permanent, excède le montant de l'indemnité de 5 600 euros susceptible d'être allouée à la victime eu égard à son âge et au taux retenu ; que l'ONIAM est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser à Mme D... une somme de 3 500 euros à ce titre ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à Mme D... une indemnité en réparation des préjudices consécutifs à l'aggravation de son état de santé ; qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 5 à 9 qu'il y a lieu de porter à 9 558 euros le montant de l'indemnité due par l'office à Mme D... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du 21 janvier 2016 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 9 357,50 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme D... par l'article 1er du jugement du 21 janvier 2016 du tribunal administratif de Nîmes est portée à la somme de 9 558 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et des conclusions de Mme D...sont rejetés.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président-rapporteur,

- M. Laso, président-assesseur,

- M. Lafay, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.

2

N° 16MA01131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01131
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Dons du sang.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Modalités de fixation des indemnités.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Thierry VANHULLEBUS
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-01;16ma01131 ?
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