Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2017 par le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1709086 du 16 novembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2017, M. A...C..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2017 ;
2°) de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 12 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros qui sera recouvrée par son conseil.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- l'arrêté en litige n'est pas suffisamment motivé ;
- l'autorité préfectorale a entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'erreur manifeste d'appréciation quant à son droit au séjour à titre exceptionnel ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de fait ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'exécution de la mesure d'éloignement en litige à destination de son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés et renvoie à l'argumentation développée en première instance.
La demande d'aide juridictionnelle de M. C...a été rejetée par une décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,
- et les observations de MeD..., représentant M.C..., et de M.C....
1. Considérant que M. A...C..., ressortissant ukrainien né le 24 juillet 1980, relève appel du jugement du 16 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 novembre 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
Sur la demande de communication de l'entier dossier :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L.561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. / (...). Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L.222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. / (...). L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. " ;
3. Considérant qu'il résulte des termes précités du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la faculté qu'il prévoit pour le ressortissant étranger visé par une mesure de placement en rétention ou d'assignation à résidence de demander la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise n'est ouverte qu'en première instance ; qu'au surplus, il n'est pas établi que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé, à l'appui de ses observations devant le tribunal administratif de Marseille, à la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels il s'est fondé et notamment les procès-verbaux des deux auditions de M.C... par les services de gendarmerie d'Aubagne et la consultation de l'extrait B2 de son casier judiciaire ; que ces conclusions doivent, par suite et en tout état de cause, être rejetées ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...établit sa résidence habituelle en France depuis son entrée sur le territoire en 2005 pour y demander l'asile et jusqu'à la décision attaquée par la production, pour chaque année, de nombreuses pièces probantes ; qu'il justifiait, par suite, d'une durée de séjour sur le territoire français de plus de douze années à la date du 12 novembre 2017 ; que M. C...justifie de ses efforts d'intégration professionnelle par ses démarches pour exercer une activité déclarée et, en dernier lieu, par les contrats de travail relatifs à ses embauches comme aide-plombier et manoeuvre dans le bâtiment en avril et novembre 2016 et les fiches de paie correspondantes ; qu'il ressort également des pièces du dossier que M. C...a noué des liens personnels et amicaux dans la commune d'Aubagne, sur le territoire de laquelle il a fixé sa résidence depuis de nombreuses années, en lien notamment avec le secteur associatif local ; que M. C...est fondé, dès lors, à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché d'erreur manifeste d'appréciation sa décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 novembre 2017 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ensemble le jugement et l'arrêté attaqués ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; et qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;
7. Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 novembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français, implique seulement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que l'autorité compétente examine à nouveau la situation de M. C...au titre de la législation relative au séjour des étrangers en France ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à ce nouvel examen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais de justice :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions tendant à la communication de l'entier dossier de M. C...par le préfet des Bouches-du-Rhône sont rejetées.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1709086 du 16 novembre 2017 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 12 novembre 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône obligeant M. C...à quitter le territoire français est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de se prononcer à nouveau sur le droit au séjour de M. C...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Article 5 : L'État versera à M. C...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Me E...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. B...et M. Silvy, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2018.
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N° 17MA04788