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09/07/2018 | FRANCE | N°18MA01897-18MA01898

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2018, 18MA01897-18MA01898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 du maire de la commune du Pradet portant interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux dits la calanque du pin de Galle et la pinède du pin de Galle.

Par un jugement n° 1502381 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 23 décembre 2014.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, sous le n° 18MA01897, la commune du Pradet

, représentée par Me D... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 du maire de la commune du Pradet portant interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux dits la calanque du pin de Galle et la pinède du pin de Galle.

Par un jugement n° 1502381 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 23 décembre 2014.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, sous le n° 18MA01897, la commune du Pradet, représentée par Me D... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 mars 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 2212-2, 5° du code général des collectivités territoriales en raison du constat d'un danger grave et imminent ;

- elle n'avait aucune obligation de respecter une procédure contradictoire préalable ;

- une telle procédure n'est pas obligatoire en cas d'extrême urgence ;

- les dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales doivent être substituées à celles de l'article L. 2212-2, 5° du même code ;

- l'arrêté contesté n'est pas disproportionné ;

- il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

II. Par une seconde requête, enregistrée le 23 avril 2018, sous le n° 18MA01898, la commune du Pradet, représentée par Me D... demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 mars 2018.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens énoncés dans sa requête paraissent sérieux.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la commune du Pradet.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 18MA01897 et 18MA01898, qui sont présentées par la même requérante, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. La commune du Pradet relève appel du jugement du 8 mars 2018 du tribunal administratif de Toulon qui a annulé son arrêté du 23 décembre 2014 portant interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux dits la calanque du pin de Galle et la pinède du pin de Galle et demande le sursis à exécution du jugement contesté.

Sur la requête n° 18MA01897 tendant à l'annulation du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5º Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...) tels que (...) les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels (...) ". L'article L. 2212-4 du même code dispose que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le quartier du pin de Galle est classé en zone rouge au plan d'exposition aux risques naturels prévisibles (PER) de la commune du Pradet, du mois de septembre 2011, en raison de risques de glissement de terrains, de chutes de blocs et de pierres et d'écroulement. A la suite d'un glissement de terrain intervenu le 6 décembre 2014, le maire de la commune du Pradet a pris une première mesure d'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux le 9 décembre 2014. L'arrêté contesté du 23 décembre 2014, abroge et remplace le précédent et interdit à nouveau l'accès, notamment, à la propriété de M. A... et lui impose de quitter cette parcelle. Cet arrêté qui vise les articles L. 2131-1, L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, est motivé par les conditions climatiques défavorables ayant produit une forte volumétrie de pluies qui ont entraîné un risque majeur de glissement de terrains dans le quartier du pin de Galle et de la pinède du pin de Galle. Il s'appuie également sur les constatations d'un rapport de la société " Etudes et Recherches Géotechniques " mandaté par la commune et mentionne qu'" il y a urgence à ce que des mesures soient prises en vue de garantir la sécurité des occupants des parcelles situées en contrebas de la falaise, au regard de la menace réelle et grave de l'effondrement de tout ou partie de la falaise ". Par ailleurs, son article 2 portant interdiction d'accès aux parcelles listées informe les propriétaires qu'ils doivent quitter ces parcelles afin de pallier aux dangers de décrochage d'une partie de la falaise les surplombant, afin de garantir leur propre sécurité et plus généralement la sécurité publique. Ainsi et alors même que l'arrêté en litige ne viserait que les seuls articles L. 2131-1, L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, il est eu égard à sa motivation fondé sur le constat d'un danger grave et imminent, au sens des dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté contesté a été pris, à titre préventif, et au vu d'un risque majeur de glissement de terrain, sur le fondement du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et non sur celui de l'article L. 2212-4 du même code.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon.

6. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...). / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police ". En application de ces dispositions, les décisions qui constituent une mesure de police générale ou spéciale ne peuvent légalement intervenir, sauf situation d'urgence, qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations.

7. En vertu du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, l'autorité administrative est tenue de recueillir les observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, les observations orales d'une personne intéressée par une décision relevant du champ de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Si l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoit que cette obligation n'est pas applicable en cas d'urgence, l'existence d'une situation d'urgence de nature à rendre inapplicables les dispositions de son premier alinéa doit être appréciée concrètement, en fonction des circonstances de l'espèce.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'arrêté en litige pris le 23 décembre 2014 est fondé sur le constat d'un danger grave et imminent, au sens des dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Ce danger est établi par le rapport du 17 décembre 2014 de la société ERG Géotechnique, qui a relevé, notamment, au niveau de la calanque du pin de Galle un risque élevé d'effondrements récurrents de la paroi sommitale jusqu'au profil d'équilibre limite naturel engendrant un effondrement des enrobés, voire du blondin, de l'escalier et des chutes de blocs vers les fonds dominés. Pour la parcelle de M. A... constituant le lot n° 4, le rapport relève une accentuation, suite à la rupture récente, du risque de mouvements en cas de nouvelles pluies au niveau du secteur ouest. Par ailleurs, les photos jointes à cette étude montrent un glissement des matériaux meubles au sommet de la falaise de poudingues, ainsi qu'un mouvement important du lot n° 4 en contrebas. Les circonstances que postérieurement à l'arrêté contesté, le maire du Pradet ait adressé, le 26 juin 2015, à M. A... un courrier lui demandant de formuler des remarques relatives à la situation de sa parcelle et que ni sa réponse à ce courrier ni son recours gracieux n'ont reçu de réponse en méconnaissance de la charte Marianne sont sans incidence sur la légalité de cet arrêté. Dès lors en raison du caractère urgent de la situation, le maire de la commune du Pradet n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'irrégularité en prenant l'arrêté contesté sans l'avoir préalablement mis à même de présenter des observations dans les conditions prévues par les dispositions du 1 de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'était pas possible de prévoir à la date de l'édiction de l'arrêté contesté, le moment où il n'y aurait plus de danger pour les habitants à retourner dans leurs habitations. Ainsi, eu égard à la gravité du danger que couraient les propriétaires des parcelles visées par l'arrêté en litige qui est circonscrit dans l'espace, constitué par le risque de décrochage d'une partie de la falaise les surplombant, le maire du Pradet n'a pas, en interdisant l'accès à leur propriété, sans limite de durée, excédé les pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.

10. En raison de ce risque avéré, l'arrêté contesté est nécessaire et n'est pas disproportionné par rapport à l'objectif de sécurité poursuivi qui ne pouvait être atteint par une mesure moins contraignante. En se bornant à alléguer sans l'établir que la partie de la falaise située sur sa parcelle est équipée d'un grillage de protection afin de prévenir tout glissement de terrain et qu'il a maintenu une végétation abondante afin de le stabiliser, M. A... ne conteste pas valablement le constat d'un danger grave et imminent y compris sur sa propriété, lequel est démontré par le rapport du 17 décembre 2014 de la société ERG Géotechnique, ainsi qu'il a été dit au point 8. Par ailleurs, il ne peut utilement soutenir que les conditions météorologiques s'étant depuis améliorées, le maire du Pradet était tenu d'abroger l'arrêté contesté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Pradet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté contesté du 23 décembre 2014.

Sur la requête n° 18MA01898 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :

12. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous les n° 18MA01898.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune du Pradet présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18MA01898.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 mars 2018 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 4 : Les conclusions la commune du Pradet tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Pradet et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2018, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2018.

2

N° 18MA01897 - 18MA01898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01897-18MA01898
Date de la décision : 09/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire.

Police - Police générale - Sécurité publique - Police des lieux dangereux.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP IMAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-09;18ma01897.18ma01898 ?
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