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05/07/2018 | FRANCE | N°17MA04362

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 05 juillet 2018, 17MA04362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction-vente (SCCV) Center Bay a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2014 par lequel le maire de la commune de Cannes a retiré le permis de construire modificatif tacite né le 4 octobre 2014.

Par un jugement n° 1500882 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2017, la SCCV Center Bay, représentée par Me D

..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 sep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction-vente (SCCV) Center Bay a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2014 par lequel le maire de la commune de Cannes a retiré le permis de construire modificatif tacite né le 4 octobre 2014.

Par un jugement n° 1500882 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2017, la SCCV Center Bay, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2014 par lequel le maire de la commune de Cannes a retiré le permis de construire modificatif né le 4 octobre 2014.

Elle soutient que :

- elle était titulaire d'un permis de construire tacite le 4 août 2014 et que la décision de retrait méconnaît par suite les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- la construction autorisée par le permis de construire initial n'a pas été modifiée de manière telle que le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire était nécessaire ;

- l'agencement intérieur de l'immeuble n'est pas soumis à autorisation ;

- l'autorisation d'accueillir du public a été délivrée antérieurement à la demande de permis de construire modificatif ;

- la modification n° 9 du plan local d'urbanisme créant l'emplacement réservé MS 17 n'est pas opposable à la demande de permis modificatif ;

- aucune disposition n'interdisait la réalisation de bureau ou d'habitation au rez-de-chaussée à la date de délivrance du permis de construire initial.

Par une intervention, enregistrée le 16 avril 2018, la SARL Réalimmo demande que la Cour fasse droit aux conclusions de la requête de la SCCV Center Bay.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'autorisation de recevoir du public avait été obtenue antérieurement au dépôt de la demande de permis de construire modificatif ;

- le courrier par lequel la commune a demandé à la société Center Bay de faire valoir ses observations sur le retrait n'était pas assez précis ;

- la délibération du 12 septembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Cannes a approuvé la modification n° 6 du plan local d'urbanisme est illégale dès lors que la réduction d'un espace boisé classé aurait dû faire l'objet d'une procédure de révision, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de la procédure de modification que l'avis d'ouverture de l'enquête publique a fait l'objet d'une publicité régulière ;

- les modifications demandées ne modifient pas la conception générale du projet ;

- le motif tiré de l'absence de haie végétale pouvait faire l'objet d'une prescription.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 avril et 7 mai 2018, la commune de Cannes conclut à titre principal au rejet de la requête et de l'intervention et à ce que soit mise à la charge de la SCCV Center Bay la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire au rejet de la requête de la SARL Réalimmo et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SARL Réalimmo n'établit pas son intérêt pour intervenir ;

- le moyen soulevé par la SARL Réalimmo tiré de l'irrégularité du jugement est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la requérante et l'intervenante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gonneau,

- les conclusions de Mme Giocanti,

- et les observations de Me D..., représentant la SCCV Center Bay, de Me B..., représentant la SARL Réalimmo et de Me C..., substituant Me A..., représentant la commune de Cannes.

Une note en délibéré présentée par la SARL Réalimmo a été enregistrée le 21 juin 2018.

Considérant ce qui suit :

Sur l'intervention :

1. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

2. La SARL Réalimmo se borne à faire valoir qu'elle est copropriétaire, à hauteur de 37 millièmes au sein du syndicat des copropriétaires, de l'immeuble faisant l'objet du permis modificatif retiré. Elle ne justifie pas, par cette seule circonstance, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision de retrait en litige. Par suite, son intervention ne peut être admise.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'article R*423-28 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R*423-23 est également porté à six mois : (...) c) Lorsqu'un permis de construire porte sur des travaux relatifs à un établissement recevant du public et soumis à l'autorisation prévue à l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation ; (...) ". L'article R*424-1 du même code dispose que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut (...) : / (...) b) Permis de construire (...) tacite ". L'article L. 424-5 du même code prévoit que : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis modificatif a été déposée le 30 décembre 2013. Les travaux, en voie d'achèvement, dont l'autorisation était demandée, portaient notamment sur la transformation du parking prévu au rez-de-chaussée en locaux destinés à un usage de bureaux ou d'habitation. Il est constant qu'à cette date le rez-de-chaussée de l'immeuble faisant l'objet de cette demande accueillait un cabinet de radiologie médicale qui constitue un établissement recevant du public, soumis aux dispositions de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation. Si la société Center Bay fait valoir que l'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier cet établissement avait d'ores et déjà été accordée tacitement au centre d'imagerie médicale à la date de dépôt de la demande de permis de construire modificatif, elle n'en justifie toutefois pas en se bornant à produire un récépissé de dépôt de demande d'une telle autorisation daté du 16 octobre 2013. En effet les dispositions des articles R. 111-19-22 et R. 111-19-26 du code de la construction et de l'habitation prévoyaient alors qu'une décision tacite d'autorisation au titre des établissements recevant du public naissait au terme du délai d'instruction de cinq mois, et dès lors une telle décision n'aurait pu naître que le 16 avril 2014. Ainsi la demande de permis de construire portait sur un établissement recevant du public dont il n'est pas justifié qu'il avait déjà fait l'objet d'une autorisation, et le délai d'instruction du permis de construire pouvait être légalement porté à six mois par la décision du 21 janvier 2014. Par suite, le moyen tiré de ce que le retrait en litige serait tardif dès lors que le permis de construire modificatif serait intervenu le 4 août 2014 et non pas le 4 octobre 2014 doit, en tout état de cause, être écarté.

5. Un permis modificatif ne peut être délivré que si les modifications apportées au projet initial ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis modificatif portait sur la modification des façades Est et Sud du bâtiment, la suppression de 76 places de stationnement prévues au rez-de-chaussée, laissant la place à des locaux à usage de bureaux et d'habitation, la création de 32,68 m² de surface de plancher affectée à l'habitation, la restructuration de l'aménagement intérieur en regroupant les bureaux du côté de l'avenue Francis-Tonner et les appartements du côté Sud, l'installation de panneaux solaires, la suppression d'un édicule pour ascenseur, la diminution d'un auvent, la modification et l'édification de clôture et la réalisation d'espaces verts au pied de l'immeuble. La demande portait également sur la suppression de 1 043 m² de surface de plancher affectée à l'usage de bureaux par rapport au permis de construire initial délivré en 2008, dont il ressort de la notice architecturale qu'une part importante, de l'ordre de 700 m², est due à la différence de mode de calcul de la surface en fonction du nu de l'intérieur des murs et de la déduction des circulations intérieures communes. La suppression de surface pour l'appréciation des changements intervenus dans le projet ne s'élève ainsi qu'à 343 m². Ainsi, l'implantation, l'emprise, la hauteur ou le volume du bâtiment ainsi que sa destination restent sans changements et sa conception générale n'est pas remise en cause par les modifications faisant l'objet de la demande déposée le 23 décembre 2013. Par suite, la société Center Bay est fondée à soutenir que le motif de la décision de retrait en litige tenant à ce que ces modifications étaient telles que le bâtiment devait faire l'objet d'une nouvelle demande de permis de construire est illégal.

7. Toutefois, le retrait en litige est aussi fondé sur ce que le projet méconnaît les prescriptions relatives à l'emplacement réservé MS 17 qui imposent, dans un périmètre délimité au Sud de l'avenue Francis-Tonner, la construction de logements sociaux à hauteur de 50 % des surfaces de plancher, en ce que des surfaces de bureaux ont été réalisées à l'intérieur de ce périmètre. Il ressort des pièces du dossier que l'emplacement réservé MS 17 et les prescriptions qui l'accompagnent ont été créés par une délibération du conseil municipal de Cannes du 12 septembre 2011 approuvant la modification n° 6 du plan local d'urbanisme. Dès lors, le projet autorisé régulièrement par le permis de construire initial du 7 octobre 2008 est devenu non-conforme aux règles du plan local d'urbanisme. Les modifications demandées par la SCCV Center Bay le 30 décembre 2013, qui avaient notamment pour objet de regrouper les bureaux du côté de l'avenue Francis-Tonner, ne permettaient pas de rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues. Par suite, la société Center Bay n'est pas fondée à soutenir que le motif de la décision de retrait en litige tenant à la réalisation de bureaux à l'intérieur de l'emplacement réservé MS 17 est illégal.

8. La décision en litige est aussi fondée sur ce que, en application des articles 1 et 2 du règlement du secteur UK, des locaux à usage d'habitation ne peuvent pas être aménagés au rez-de-chaussée des constructions en secteur UKb, qui est inondable. Le permis de construire initial du 7 octobre 2008 prévoyait d'affecter entièrement le rez-de-chaussée de l'immeuble au stationnement des véhicules. Or, comme il a été dit au point 6, la demande de permis modificatif portait notamment sur la suppression de 76 places de stationnement prévues au rez-de-chaussée, laissant la place à des locaux à usage de bureau et d'habitation. Contrairement à ce qui est soutenu, la légalité du permis de construire modificatif s'apprécie au regard des dispositions réglementaires applicables à la date à laquelle il est délivré. Ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles 1 et 2 du règlement du secteur UK, qui n'étaient pas en vigueur à la date du permis de construire initial ou des permis de construire modificatifs des 8 février et 20 septembre 2011, n'étaient pas opposables, doit être écarté.

9. Il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Cannes aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les motifs tenant à la réalisation de bureaux dans l'emplacement réservé MS 17 et la réalisation irrégulière de locaux d'habitation en rez-de-chaussée en zone inondable, qui sont de nature à fonder à eux seul l'illégalité du permis modificatif tacite.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCCV Center Bay n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au procès :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCCV Center Bay le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Cannes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la SARL Réalimmo n'est pas admise.

Article 2 : La requête présentée par la SCCV Center Bay est rejetée.

Article 3 : La SCCV Center Bay versera à la commune de Cannes une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Center Bay, à la commune de Cannes et à la SARL Réalimmo.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Poujade, président de chambre,

Mme Josset, présidente assesseure,

M. Gonneau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.

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N° 17MA04362

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04362
Date de la décision : 05/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02-01-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Octroi du permis. Permis tacite. Retrait.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Pierre-Yves GONNEAU
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : SELARL LESTRADE - CAPIA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-05;17ma04362 ?
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