Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Kagiaumenon a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Cadolive a décidé de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire qu'elle a déposée pour l'édification d'une maison individuelle.
Par un jugement n° 1505929 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mars, 23 octobre et 27 octobre 2017, la SCI Kagiaumenon, représentée par la SCP Berenger Blanc Burtez-Doucède, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 janvier 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2015 du maire de la commune de Cadolive ;
3°) d'enjoindre au maire de cette même commune de procéder à un réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cadolive le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet d'aménagement et de développement durable ne traduit pas un état suffisamment avancé du PLU pour justifier un sursis à statuer sur sa demande de permis ;
- la motivation de la décision de sursis à statuer est insuffisante ;
- la construction projetée, eu égard à sa faible importance, n'est pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme ;
- le projet est à proximité immédiate de parcelles bâties ;
- les zones Nb du POS n'ont pas vocation à devenir des zones naturelles uniquement dans le futur PLU ;
- M. A..., gérant de la SCI Kagiaumenon, rencontre des difficultés de logement ;
- le projet n'est pas situé dans un secteur protégé.
Par des mémoires enregistrés au greffe de la Cour les 23 octobre et 7 novembre 2017, la commune de Cadolive, représentée par la SCP C...et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de la SCI Kagiaumenon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour la SCI Kagiaumenon a été enregistré le 16 novembre 2017 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Josset,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteure publique,
- et les observations de Me B..., représentant la SCI Kagiaumenon et de Me C...représentant la commune de Cadolive.
Une note en délibéré présentée par la SCI Kagiaumenon a été enregistrée le 29 mai 2018.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Kagiaumenon a déposé une demande de permis de construire pour la réalisation d'une construction sur un terrain d'une surface de 4 000 m2 sis section AB parcelles n° 245, 246 et 249 sur le territoire de la commune, située en zone Nb du plan d'occupation des sols (POS). Par un arrêté du 10 juillet 2015, le maire de la commune de Cadolive a décidé de surseoir à statuer sur cette demande de permis de construire. Par un jugement du 5 janvier 2017, dont la SCI Kagiaumenon relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la motivation de l'arrêté du 10 juillet 2015 :
2. En application de l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le sursis à statuer doit être motivé (...) ".
3. En l'espèce, en opposant un sursis à statuer aux motifs que les terrains concernés par la demande de permis de construire font partie d'un secteur à enjeux paysager pour le futur projet du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Cadolive, que la constructibilité de ce secteur n'est pas compatible avec les objectifs de maîtrise de l'urbanisation de la municipalité et des objectifs de la loi SRU, que ces objectifs de préservation et de maîtrise de l'étalement urbain sont confirmés dans les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) présentées aux personnes publiques associées le 30 juin 2015, le maire de la commune de Cadolive a répondu aux exigences de motivation prescrites par l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme.
Sur l'état d'avancement du futur plan local d'urbanisme :
4. Aux termes de l'article L. 123-1-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques. / Le projet d'aménagement et de développement durables arrête les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. / Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes, notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu'il existe une ou plusieurs communes nouvelles ". En outre, en application du dernier alinéa de l'article L. 123-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".
5. Si le projet d'aménagement et de développement durable n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 22 septembre 2014, le conseil municipal de la commune de Cadolive a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme sur l'ensemble du territoire communal et a défini les objectifs poursuivis par la révision du plan d'occupation des sols et les modalités et de la concertation. Par une délibération du 24 juin 2015, l'assemblée délibérante a approuvé le projet d'aménagement et de développement durable qu'elle envisage de soumettre aux personnes publiques associées le 29 juin suivant. En introduction, le projet d'aménagement et de développement durable fait état de ce qu'ayant fait l'objet d'un développement urbain majoritairement pavillonnaire et très consommateur d'espace, la commune voit désormais les limites de son développement, mais doit pour autant pouvoir répondre aux besoins de ses habitants et s'adapter aux évolutions sociodémographiques, tout en économisant les faibles ressources foncières dont elle dispose. L'orientation 1.1 (p. 9) fait état d'une commune très étalée où l'habitat pavillonnaire de faible densité domine, permis par les zones Nb du précédent POS, et de ce qu'il convient de freiner l'étalement urbain, de cantonner l'urbanisation au sein de l'enveloppe existante, de recentrer l'urbanisation en confortant le centre-village et de repenser l'habitat diffus à travers la conversion des zones Nb. En outre, l'orientation 3.1 fait état de la volonté communale de ne pas poursuivre l'étalement urbain sous formes d'extensions urbaines pavillonnaires (p. 23).
7. De par sa situation, le terrain d'assiette du projet se trouve au lieu dit " Les Rouvières " dans la zone d'habitat diffus identifiée au projet d'aménagement et de développement durable en p. 9 comme devant être " repensée " et non dans l'enveloppe urbaine existante dans laquelle la commune envisage de cantonner l'urbanisation. Les orientations précitées permettent de comprendre que le projet se situe dans un secteur pour lequel la commune envisage de freiner l'urbanisation et de lutter contre l'étalement urbain sous formes d'extension pavillonnaires. Dans son état d'avancement, eu égard aux orientations et au plan qu'il contient, le projet d'aménagement et de développement durable permet ainsi d'appréhender et d'identifier ce que la commune envisage de réaliser pour les secteurs anciennement classés en zone Nb, au nombre desquels figure le secteur " Les Rouvières ". Dans ces conditions, l'état du futur plan local d'urbanisme, eu égard aux orientations du projet, a atteint un degré de précision suffisant, pour permettre l'intervention légale du sursis à statuer en litige, alors même que le projet d'aménagement et de développement durable n'a pas fait l'objet d'un débat en application de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme et qu'il n'a pas été rendu public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme doit être écarté.
Sur l'erreur d'appréciation du maire de la commune de Cadolive :
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la construction d'une habitation traditionnelle à étage de type 3 d'une superficie habitable d'environ 71 m² et d'une partie annexe d'environ 47 m² sur un terrain d'une surface de 4 000 m2 éloigné du centre-village, vierge de toute construction, dont il ressort par ailleurs de la notice architecturale qu'il est en pente et " actuellement ... largement arboré dans sa partie haute ". La végétation qui y est implantée forme un espace continu avec celle présente sur le site. Eu égard à la nature du projet et à sa localisation, sa réalisation contreviendrait directement à l'objectif de lutte contre l'extension de l'urbanisation pavillonnaire et de l'étalement urbain prévu par le projet d'aménagement et de développement durables, et ce alors même que le bâtiment projeté sera de faible hauteur, ne s'imposera pas au paysage, que la parcelle conservera sa configuration actuelle et qu'il se situe en continuité avec l'urbanisation existante sur les parcelles voisines 244 et 248 et de ce qu'il préserverait le coteau situé au nord de la parcelle. Dans ces conditions, en opposant un sursis à statuer sur la demande de permis de construire déposée par la SCI Kagiaumenon, en tant que son projet est de nature à compromettre l'objectif de lutte contre l'étalement urbain, le maire de la commune de Cadolive n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que la SCI Kagiaumenon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige du 10 juillet 2015. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. En l'espèce, ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Cadolive, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse quelque somme que ce soit à la SCI Kagiaumenon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Kagiaumenon une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Cadolive au titre des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : la requête de la SCI Kagiaumenon est rejetée.
Article 2 : La SCI Kagiaumenon versera à la commune de Cadolive une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Kagiaumenon et à la commune de Cadolive.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- Mme Josset, présidente assesseure,
- M. Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
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N° 17MA00930
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