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09/05/2018 | FRANCE | N°17MA03585

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 09 mai 2018, 17MA03585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 19 avril 2017 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes compétentes pour l'examen de sa demande de protection internationale et l'a assignée à résidence dans cette attente.

Par un jugement n° 1702940 du 21 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2

017, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 19 avril 2017 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes compétentes pour l'examen de sa demande de protection internationale et l'a assignée à résidence dans cette attente.

Par un jugement n° 1702940 du 21 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2017, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 19 avril 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône prononçant sa remise aux autorités italiennes ;

3°) d'annuler la décision du 19 avril 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône l'assignant à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant l'indication de ses démarches en vue d'obtenir l'asile dans un délai de soixante-douze heures ;

5°) de lui délivrer les documents lui permettant d'introduire utilement sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

6°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 200 euros à verser à Me E..., qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ont été méconnues dès lors que les conditions de prise en charge des femmes isolées avec de très jeunes enfants sollicitant l'asile ne sont pas satisfaisantes en Italie ;

- la décision du préfet des Bouches-du-Rhône était entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour l'application de cette clause de souveraineté ;

- la décision de remise aux autorités italiennes a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, dit " Dublin III " ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Silvy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme C...A..., ressortissante algérienne née le 21 septembre 1979, relève appel du jugement du 21 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 avril 2017 décidant sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, par application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit " Dublin III ", afin qu'elles procèdent à cet examen ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...). " ; que les autorités françaises doivent assurer la mise en oeuvre de cette clause dérogatoire à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution aux termes duquel " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée sur le territoire italien le 9 mars 2015 avec sa fille mineure et y a déposé une demande d'asile ; que son second enfant est né le 10 septembre 2015 en Italie et qu'elle serait entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, le 29 octobre 2016 ; qu'elle ne s'est présentée que le 22 décembre 2016 à la préfecture des Bouches-du-Rhône pour présenter une demande de protection internationale auprès des autorités françaises ; qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien réalisé le 22 décembre 2016 dans les services de la préfecture des Bouches-du-Rhône qu'elle n'a fait état d'aucune attache familiale en France ou dans un autre État membre de l'Union européen ; qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir des liens particuliers avec le territoire français ; qu'elle ne fait, par suite, état d'aucun élément propre à sa situation personnelle qui aurait été susceptible de justifier que les autorités françaises procèdent, de manière dérogatoire, à l'examen de sa demande d'asile ; que, si Mme A... fait valoir sa vulnérabilité et l'impossibilité des autorités italiennes de l'accueillir dignement avec ses enfants mineurs, pour la durée de l'examen de sa demande de protection internationale, il ressort de ses propres déclarations qu'elle a séjourné en Italie avant et après la naissance de son fils pendant une période totale de plus de seize mois sans être en mesure de produire des éléments ou des commencements de preuve établissant l'indignité ou le caractère anormal de la prise en charge de sa famille au cours de cette période ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et n'a commis ni erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions en prononçant la remise de Mme A... aux autorités italiennes ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " ; et qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants " ;

5. Considérant que Mme A... fait valoir qu'il existerait des défaillances systémiques dans le traitement des demandes de protection internationale en Italie ; que, toutefois, les documents et articles de presse produits à l'appui de ses dires ne permettent pas de tenir pour établie, à la date de la décision en litige, l'atteinte qui serait portée au droit d'asile et l'absence d'examen des demandes d'asile dans le respect des garanties exigées par les conventions internationales, alors que la République italienne est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les pièces du dossier ne sont pas plus de nature à étayer les allégations de Mme A... relatives aux traitements inhumains ou dégradants qu'elle devrait subir avec sa famille si la décision de transfert aux autorités italiennes devait être exécutée ; que, par suite, la décision de transfert aux autorités italiennes de Mme A... n'a porté atteinte ni au respect de son droit d'asile, ni aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 3 et 5, que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché sa décision de transfert de Mme A... aux autorités italiennes d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

7. Considérant que les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône de transfert aux autorités italiennes doivent être rejetées ; que les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence doivent être rejetées par voie de conséquence ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que l'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à Me D... E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018.

2

N° 17MA03585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03585
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : BAZIN-CLAUZADE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-09;17ma03585 ?
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